Comme tout le monde, Marc Bergevin a sursauté lorsqu'il a entendu Carey Price mentionner qu'il avait peur de sortir de chez lui et de se rendre à l'épicerie, au lendemain de l'élimination du Canadien en première ronde des séries.

Contrairement à tous ceux qui ont aussitôt associé aux paroles du gardien du Tricolore une admission inquiétante du fait qu'il ne pouvait composer avec la pression de jouer à Montréal, le directeur général du Canadien n'a pas paniqué. Fidèle à sa réputation, Bergevin s'est même permis d'atténuer le tollé soulevé par les propos de son gardien en lançant à la blague qu'il s'occuperait lui même de sa «grocery».

Loin de se contenter de cette boutade, Bergevin s'est ensuite entretenu avec Price. Pas pour lui reprocher sa déclaration explosive. Mais pour savoir si elle cachait un malaise profond expliquant les contre-performances de son gardien en séries. Un malaise profond qui aurait miné l'avenir de Price à Montréal. Un avenir que Bergevin entrevoyait avec grand optimisme l'été dernier lorsqu'il lui a consenti un contrat de 39 millions pour six ans - valeur sous le plafond de 6,5 millions. Un avenir qu'il entrevoit toujours avec le même optimisme.

«Pour comprendre ce que Carey a dit, il faut d'abord le comprendre, lui. Le connaître. Carey est timide. Il n'est pas à l'aise avec l'attention qui lui est accordée. Que ce soit dans la défaite, comme c'était le cas après notre élimination, ou dans la victoire. C'est dans sa nature d'être plus renfermé. Si P.K. [Subban], qui est flamboyant, qui aime les projecteurs, qui est à l'aise avec le fait qu'il soit toujours le centre d'attention, déclarait un jour qu'il a peur de sortir de chez lui et d'aller faire son épicerie, là je serais inquiet. Très inquiet. Dans le cas de Carey, je ne le suis pas du tout. Et je ne comprends pas pourquoi les médias et plusieurs partisans étaient scandalisés au point de vouloir l'échanger», a déclaré Bergevin, hier, lors d'un entretien téléphonique.

Gardien d'élite

S'il est rassuré quant à l'état d'esprit de son gardien, Bergevin convient que ses performances en fin de saison régulière et en séries éliminatoires ne l'ont pas satisfait.

«Carey n'a pas été à la hauteur en séries, c'est vrai. Il l'a admis. Je le lui ai dit aussi. Je ne sais pas si on aurait battu Ottawa, mais je suis convaincu qu'on n'aurait pas perdu en cinq matchs. S'il est vrai que Carey a connu des ennuis, ça n'a rien à voir avec le fait qu'il soit ou non capable de composer avec la pression. Il a gagné la médaille d'or au Championnat du monde de hockey junior. Il a gagné la Coupe Calder dans la Ligue américaine.

«De la pression, il en avait beaucoup dans ces étapes de sa carrière. Il en avait aussi beaucoup à son arrivée à Montréal. Ça ne l'a pas empêché de devenir rapidement l'un des meilleurs jeunes gardiens de la LNH. Carey est encore parmi l'élite, mais il semble avoir atteint un plateau au lieu d'atteindre le niveau que je le crois capable d'atteindre», a ajouté Bergevin.

C'est pour cette raison qu'après avoir laissé retomber la poussière, à la suite de l'élimination hâtive de son équipe, Bergevin, son entraîneur-chef Michel Therrien et les autres membres de l'état-major ont décidé de congédier Pierre Groulx. De partir à la recherche d'un nouvel entraîneur des gardiens qui guidera Price jusqu'à son plein potentiel.

Patience et prudence

À tous ceux, et ils sont nombreux, qui croient que le plein potentiel de Price est déjà atteint, Bergevin réplique qu'ils ont tort. Et qu'ils doivent s'attendre à voir Price encore longtemps à Montréal, car le directeur général du Canadien fera preuve de toute la patience nécessaire pour lui permettre d'atteindre ses objectifs.

«Si je mettais Carey sur le marché demain matin, je recevrais 29 offres avant la fin de la journée. Parce que je ne suis pas le seul à croire en Carey et en son talent. C'est unanime autour de la LNH. Disons que je l'échange et qu'il devient ailleurs qu'à Montréal le gardien que je crois qu'il deviendra. Disons qu'il gagne un trophée Vézina, une Coupe Stanley et même un Conn-Smythe: on va dire quoi de moi à Montréal? On va me traiter de tous les noms, et je vais perdre ma job. Je ne mériterais pas mieux, d'ailleurs», a convenu Bergevin.

«Il faut être patient dans le développement d'un gardien. Il faut être aussi très prudent», assure le DG du Canadien.

Bergevin ne craint-il pas d'être victime d'une trop grande patience? «Je demeure convaincu que non, car je crois en Carey. On verra avec le temps si j'ai raison. Mais ne retenez pas votre souffle. Car on est encore bien loin du bout de ma patience.»