Je ne sais pas si le Canadien formait une meilleure équipe que les Sénateurs, comme l'a prétendu avec courage et conviction P.K. Subban avant le cinquième et dernier match de la série Montréal-Ottawa.

En fait, j'en doute. J'en doute beaucoup.

Mais si, pour faire plaisir à Subban et à ses fans, le Canadien était meilleur que les Sens, il ne faisait clairement pas le poids face à son voisin d'Ottawa. Et je ne parle pas seulement des gardiens.

Craig Anderson a été sensationnel. Magistral. Mais devant lui, ses coéquipiers, qu'ils soient défenseurs ou attaquants, lui ont permis de se concentrer sur le premier arrêt et de les laisser s'occuper du reste.

Oui, Anderson a été lapidé de tirs, dont plusieurs de grande qualité. Mais les Marc Méthot, Jared Cowen, Chris Phillips, Eric Gryba et même les vedettes Erik Karlsson et Sergei Gonchar ont sérieusement compliqué le travail des joueurs du Canadien, les déstabilisant physiquement dès qu'ils tentaient de prendre d'assaut la zone payante pour aller voiler la vue du gardien, faire dévier un tir ou profiter des nombreux retours qu'il a accordés.

En deuxième période jeudi, David Desharnais, bien conscient de sa part de responsabilité dans la chute hâtive du Tricolore, a tenté de se rendre jusqu'à Anderson. D'une main ferme appuyée sur sa poitrine, Marc Méthot l'a envoyé cul par-dessus tête. Le petit mais fougueux attaquant du Canadien a retraité la tête basse.

Pas question de lancer la pierre à Desharnais. Du moins, pas sur ce jeu. Car ce que Méthot a fait à David qui n'a pas été en mesure de surprendre Goliath, Cowen l'a fait à Ryder. Phillips l'a fait à Gallagher. Gryba l'a fait à Galchenyuk. Plekanec, Bourque, Gionta quand il était là et même Pacioretty ont reçu le même traitement.

Résultat, les joueurs des trois premiers trios n'ont pu se rendre - ou s'y rendre assez souvent et avec assez de conviction - jusqu'au gardien des Sénateurs.

Ironiquement, ce sont les gars de soutien, les White, Armstrong, Moen et Prust - quand il était là - qui ont le plus souvent attaqué Anderson en embuscade au lieu de se contenter de l'attaquer de loin. De trop loin.

À l'autre bout, les attaquants des Sénateurs avaient un libre accès au filet du Canadien.

Ça n'excuse pas les buts faciles et coûteux accordés par Carey Price lors des matchs 1 et 3. Ça n'excuse pas tous les cadeaux offerts par Peter Budaj.

C'est vrai.

Mais si les petits attaquants du Canadien n'ont pu se rendre jusqu'à Anderson, les petits défenseurs du Canadien n'ont pas été en mesure de contenir les attaquants des Sénateurs. Une équation qui explique en grande partie pourquoi les Sénateurs ont éliminé le Canadien beaucoup plus rapidement et même plus facilement que prévu.

Ce manque à gagner en matière de poids devant le filet et autour, mais aussi le long des bandes, devrait figurer tout en haut de la «to do list» du directeur général Marc Bergevin.

Après avoir fait un dernier tour devant les journalistes samedi, au Centre d'entraînement de Brossard, les joueurs sont partis en vacances.

Une fois qu'il aura livré son bilan personnel lundi, Marc Bergevin devra se mettre au travail.

Les rachats des contrats de Scott Gomez et Tomas Kaberle - il demeure mon premier candidat - ne seront que des formalités.

Après, ça se compliquera. Car après, il faudra ajouter du poids à la vitesse et au talent des jeunes joueurs très prometteurs qui occupent le vestiaire du Tricolore. Il faudra trouver des hommes pour entourer les gamins que seront encore l'an prochain les Gallagher, Galchenyuk, Eller, Tinordi et même Subban, qui s'est élevé au rang de pierre angulaire de l'équipe. Pour épauler Prust qui ne peut faire ce travail tout seul.

Et attention! Je ne parle pas ici de «goons» incapables de patiner ou de jouer au hockey. Je parle de joueurs à l'image des Chris Neil et de ses coéquipiers des Sénateurs qui ont malmené le Canadien sur toutes les facettes du jeu au cours de la série qui vient de prendre fin.

Ces hommes capables d'entrer en scène dès l'automne, ce n'est pas au repêchage que Bergevin les trouvera. Ce n'est pas vraiment non plus sur le marché des joueurs autonomes. Un marché un brin moche cette année. Mais un marché qui repoussera malgré tout les limites de la folie encore. Surveillez bien David Clarkson, des Devils du New Jersey. Clarkson, en plein le genre de joueur dont le Canadien aurait besoin pour entourer les gamins et épauler Prust, recevra un contrat ridiculement riche qui empêchera tout directeur général responsable de le courtiser.

C'est donc par le biais de transactions que Marc Bergevin pourra renflouer son équipe.

Sans mettre en péril un repêchage qui s'annonce faste pour le Canadien, Bergevin doit imiter - ou tenter d'imiter - les Sénateurs qui ont réalisé un grand coup l'été dernier en obtenant Marc Méthot des Blue Jackets de Columbus en retour de Nick Foligno.

Le Canadien a plein de bons jeunes qui frappent à la porte. À l'attaque comme en défense. Des jeunes qui sont talentueux, rapides, prometteurs, mais aussi, pour la plupart, petits.

Ce n'est pas une tare d'être petit dans la LNH. Brendan Gallagher en a fait la preuve du premier au dernier match qu'il a disputés cette année.

Mais il faut aussi être capable de déployer son talent, sa vitesse, sa fougue, une fois en séries. Ce que le Canadien n'a pas été en mesure de faire face à des Sénateurs qui, en plus d'être rapides et talentueux, étaient plus lourds et plus forts physiquement que lui.

Il faudra s'en souvenir lorsque viendra le temps de remplacer les Ryder, Armstrong, Halpern qui ont sans doute disputé leur dernier match avec le Canadien jeudi, d'échanger Moen qui ne semble plus vouloir jouer à Montréal ou pour Michel Therrien et de renflouer l'équipe de soutien qui n'a pas les épaules assez solides pour soutenir le reste de la formation une fois en séries.

Car l'an prochain, on ne pourra plus simplement se contenter d'accéder aux séries. Il faudra aussi gagner. Gagner une ronde au moins. Et le Canadien ne pourra gagner s'il est encore incapable de faire le poids devant son adversaire. Peu importe son identité...