Après avoir surpris, ravi, reconquis ses partisans avec ses 23 victoires arrachées lors des 35 premiers matchs de la saison écourtée, le Canadien ravive maintenant les souvenirs douloureux et le goût amer laissés par les catastrophes de l'an dernier.

Victime de 7 revers en temps réglementaire lors des 35 premières rencontres, il en affiche 7 à ses 11 derniers matchs. C'est beaucoup. Beaucoup trop! Surtout à deux matchs du début de séries éliminatoires, qui s'annonçaient si prometteuses.

Cela dit, malgré cette glissade inquiétante, il est impossible de prétendre que les séries, hier prometteuses, seront laborieuses demain.

Mais si c'était le cas? Si le Canadien devait terminer sa saison si bien amorcée en queue de poisson, en entrant la tête basse en séries et en se faisant écarter dès la première ronde, serait-ce une aussi grande catastrophe que plusieurs le prétendent?

Non!

Je suis même d'avis que ce serait un juste retour des choses. Un rappel à l'ordre salutaire pour le développement de l'équipe.

Comprenez-moi bien: s'éclipser comme le Canadien le fait en ce moment plongerait les fans du Tricolore dans une vague normale de déception générale, voire de dépression...

J'en conviens.

Mais à l'exception de mon ami Réjean, qui avait promis les grands honneurs au Tricolore, bien plus par raillerie que par génie, personne ne devrait se sentir lésé par les récents insuccès de leurs favoris.

Fête gâchée

Si, comme les Jets de Winnipeg, le Canadien se battait pour une place en séries après une saison encourageante ayant permis d'oublier les très gênantes 15e et 27e places, respectivement dans l'Est et dans l'ensemble de la LNH, les joueurs, les fans, les journalistes seraient tous heureux. Enjoués. Presque comblés.

La planète Canadien cesserait de tourner le temps des deux derniers matchs de la saison, avant de s'emballer une fois le Tricolore bel et bien propulsé en séries.

Parce qu'il a habitué ses fans et les observateurs à des victoires - certaines surprenantes, certaines convaincantes - qui l'ont propulsé en séries depuis un bon moment déjà et qu'il perd plus souvent qu'il ne gagne maintenant, c'est tout le contraire qui se passe. Une présence en séries éliminatoires que tous devraient fêter est maintenant une source d'anxiété.

Dommage!

Comme si tout ce que le Canadien a fait de bien, de bon et même de très bon dans le cadre de ses 35 premiers matchs ne comptait plus.

Souvenirs de Martin et Boucher

Je vous demande l'impossible ici. Je vous demande de mettre de côté votre partisanerie toute légitime et votre déception plus légitime encore.

Je sais, c'est difficile. Prenez votre temps, je ne suis pas pressé...

Maintenant que c'est fait, je vous demande de retourner à l'automne 2010, alors que Jacques Martin préparait sa deuxième saison à la barre du Canadien.

Après un été à célébrer les éliminations miracles des Capitals de Washington et des Penguins de Pittsburgh pour se rendre en finale de l'Association de l'Est, les fans du Canadien s'attendaient, au pire, à une autre présence au sein du carré d'as. À une grande finale. À une Coupe Stanley.

Non seulement le Canadien n'a pu répondre à ces attentes gonflées aux stéroïdes, mais moins de deux ans plus tard, Jacques Martin était congédié.

Quand les partisans du Tricolore parlent des années misérables qu'ils endurent depuis trop longtemps, il est clair qu'ils ont déjà oublié les succès éphémères du printemps 2010.

Guy Boucher a subi pareil traitement à Tampa Bay. L'accession du Lightning en finale de l'Association de l'Est, il y a deux ans, a fait de l'entraîneur-chef recrue un magicien qui devait corriger tous les ennuis qui minaient son club d'un simple coup de baguette. La réalité était tout autre. Boucher, comme Martin l'année précédente à Montréal, a su imposer un style de jeu efficace que des gardiens - Halak à Montréal, Roloson à Tampa - ont maximisé avec des performances étincelantes.

Deux ans à peine après s'être rendu à une victoire d'une présence en finale de la Coupe Stanley, Boucher est au chômage.

Au lieu de bâtir lentement, mais solidement, leur équipe et de gonfler au même rythme les attentes et les espoirs des partisans, Martin et Boucher se sont retrouvés sur le toit d'un club sans fondation, bâti comme un château de cartes.

Qu'est-ce qui arrive à un château de cartes au moindre coup de vent ou à la moindre secousse? Il s'effondre.

Le Canadien ne devait pas être parmi l'élite de la LNH cette année. Il s'y est retrouvé. Tant mieux pour lui et ses fans. Maintenant qu'il est secoué, qu'il joue comme plusieurs observateurs - moi le premier - s'attendaient qu'il joue, maintenant qu'il ne profite plus d'excellents débuts de match et de situations qui lui ont bien souvent souri cet hiver pour gagner des matchs serrés, il ne gagne plus. Il déçoit. Il inquiète.

C'est un mal pour un bien.

Ces défaites serviront de remparts aux débordements d'enthousiasme et d'analyses démesurément positives d'une équipe qui peut surprendre quand tout va bien. Elle l'a d'ailleurs fait. D'une équipe qui devient toutefois très fragile dès que l'un de ses rouages s'embraye. La séquence actuelle en témoigne.

Il faudra s'en souvenir si le Canadien gagne ses deux derniers matchs de la saison. Et qu'il gagne encore une fois en séries éliminatoires. Il faudra aussi s'en souvenir si le Canadien s'éclipse afin de transformer cette déception en source de consolation.