Il y a deux ans à peine, Guy Boucher était la coqueluche de la Ligue nationale de hockey. Arrivé à Tampa Bay armé d'idées nouvelles et de stratégies audacieuses qu'il enveloppait d'une bonne dose de psychologie, l'entraîneur-chef recru guidait le Lightning aux séries, séries qu'il avait ratées lors des trois années précédentes.

Boucher et son équipe ne se sont pas contentés d'accéder aux séries. Que non! Ils ont éliminé les Penguins en sept matchs dès la première ronde. Ils ont ensuite balayé en quatre petites parties Alexander Ovechkin et les Capitals avant de pousser la finale de l'Est à la limite des sept matchs. Une finale qu'ils ont perdue aux mains des Bruins de Boston qui soulevaient la Coupe Stanley 19 jours plus tard.

Pendant que Boucher triomphait à Tampa Bay, la cote de Jacques Martin à Montréal commençait déjà à piquer du nez. Les partisans reprochaient haut et fort à la direction de l'équipe d'avoir offert leur «petit prince» en cadeau au Lightning au lieu de prendre les moyens pour le garder avec son club-école à Hamilton.

Deux ans plus tard, Boucher n'est plus la coqueluche de la LNH. Ses idées nouvelles et ses stratégies audacieuses font l'objet de critiques. «Les systèmes, c'est bien beau. Mais il faut savoir les adapter au genre d'équipe que tu as sous la main et non les imposer à tout prix. Il faut savoir composer avec les situations», m'assurait un homme de hockey cette semaine.

Pendant qu'une brise de mécontentement se lève à Tampa, les discussions à Montréal sur les succès du Canadien et les chances de Michel Therrien de se sauver avec le titre d'entraîneur-chef de l'année ont étouffé toutes les doléances reliées au départ de Boucher vers le Sud.

Contesté, voire menacé

Campé au 12e rang de l'Association Est, le Lightning tentera de se rapprocher des séries dont il est exclu par cinq points alors qu'il croisera les Sénateurs, cet après-midi, à Ottawa.

Les collègues qui suivent les activités quotidiennes du Lightning assurent que Boucher ne jouera pas son job à la Place Banque Scotia aujourd'hui. Plusieurs observateurs autour de la LNH affichent toutefois de l'inquiétude quant à son retour derrière le banc du Lightning l'an prochain. Le nom de Lindy Ruff, qui a tissé des liens avec Steve Yzerman lors de la conquête de la médaille d'or aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010, est évoqué d'ailleurs déjà dans plusieurs conversations.

«Steve Yzerman m'a dit, il y a deux ans, que nous devions nous préparer à être patients. Qu'il nous faudrait quelques années pour bâtir cette équipe sur des bases solides. Je laisse donc toutes ces spéculations de côté et je travaille à bâtir un avenir meilleur pour cette équipe», a philosophé Boucher avec qui j'ai échangé pendant une bonne vingtaine de minutes après le match opposant son équipe (revers de 4-2) aux Maple Leafs, mercredi, à Toronto.

De très haut à très bas

Droit comme un chêne devant le vestiaire mis à la disposition des équipes qui font escale au Air Canada Centre, Guy Boucher ne cachait pas sa déception avec la défaite amère encaissée par son club. Un revers de 4-2 qui allongeait à 16 la liste des défaites en temps réglementaire du Lightning après 30 matchs cette saison.

Il faut dire qu'en plus d'être privé du très bon défenseur Matthias Ohlund depuis le début de la saison, en plus des Vincent Lecavalier, Ryan Malone et Benoit Pouliot en raison de blessures, Boucher venait de voir son gardien Anders Lindback tomber au combat.

«On venait de vaincre Caroline et Philadelphie. Deux grosses victoires. Et même dans les défaites, on jouait du meilleur hockey depuis quelques matchs. Je pensais qu'on avait tourné le coin. Mais non! On est sorti «flate» sans bon sens. Il faut dire que si tu dors comme on dormait ce soir, ce n'est pas la foule de Toronto qui va te réveiller. On est loin de Montréal et du Centre Bell ici.»

Depuis son accession au carré d'as il y a deux ans et du fait qu'il peut compter sur Steven Stamkos et Martin St-Louis à titre de catalyseurs de son club, Guy Boucher est condamné à l'excellence.

Il en convient. Comme il convient aussi que les succès récoltés dès son arrivée dans la LNH ont dépassé ses rêves les plus fous. «On se pinçait après les matchs pour vraiment croire ce qui nous arrivait. Avec mes adjoints - Martin Raymond son complice de toujours et orchestrateur des plans de match et Daniel Lacroix - on savait que c'était trop beau pour être vrai. Pour reprendre un cliché du hockey, la «puck» glissait toujours de notre bord. Cette année, c'est tout le contraire qui nous arrive», a plaidé Boucher.

«Il n'y a pas d'excuse pour une défaite comme celle de ce soir. Mais on a perdu plusieurs matchs qu'on aurait dû gagner cette année. L'effort était là. Le travail était là. Mais il nous manquait un petit quelque chose. Un petit quelque chose qui va venir avec le développement des gars qu'on a ici et des autres qui s'en viennent», assure l'entraîneur du Lightning.

Les blessures n'aident vraiment pas la cause de Boucher et de son équipe. Derrière Stamkos, St-Louis et la recrue Cory Conacher, les succès en attaque reposent sur Teddy Percell, Alex Killorn, Tom Pyatt et autres joueurs de soutien ou prospects rappelés du club-école à Syracuse.

À la ligne bleue, Victor Hedman tarde à offrir la qualité de jeu d'un premier choix - deuxième sélection en 2009 tout juste après John Tavares, des Islanders de New York - Eric Brewer est plus lent qu'il ne l'a jamais été, Matt Carle ne produit pas à la hauteur des attentes et de son salaire - il amorce un contrat de six ans d'une valeur de 33 millions - laissant à Sami Salo, qui n'a plus l'âge (38 ans) de le faire, le rôle de pierre angulaire de la défensive.

Rien pour aider des gardiens - Cédrick Desjardins a été rappelé pour épauler Mathieu Garon - qui sont loin de multiplier les miracles pour combler les nombreux trous qui minent le Lightning.

«C'est quand ça va mal qu'on peut le mieux évaluer la vraie valeur de notre personnel. C'est vrai pour moi, comme pour les joueurs. C'est difficile. Mais il ne faut pas paniquer et prendre des mesures simplement pour gagner à court terme. Il faut être patients et penser à gagner à long terme», a conclu Guy Boucher, qui ne pouvait répondre à ma dernière question.

Une question reliée au niveau de patience de son patron, le DG Steve Yzerman, et de son propriétaire, Jeff Vinik. Une question à laquelle seuls le temps, les succès ou les insuccès du Lightning pourront répondre.