Alex Galchenyuk a manifesté quelques signes de frustration, assis sur le pont supérieur de l'Empress, une barge à bord de laquelle les candidats les plus en vue du repêchage de la LNH répondaient aux questions des journalistes.

Une frustration qui n'avait rien à voir avec le soleil qui lui plombait sur la tête. Rien à voir non plus avec la chaleur étouffante qui poussait le plus mauvais des nageurs à sérieusement songer à plonger dans l'eau brune et peu invitante de la rivière Allegheny, l'un des trois cours d'eau qui traversent Pittsburgh.

Cette frustration avait tout à voir avec les deux questions qui hantent le joueur de centre de 18 ans. Le joueur qui, à mes yeux, répond le mieux aux besoins du Canadien à quelques heures du repêchage du fait qu'il évolue au centre et qu'il est déjà plus costaud et plus solide que Tomas Plekanec, David Desharnais et Lars Eller. Un joueur qui, je l'espère, endossera le chandail tricolore autour de 19 h 45 ce soir si la première ronde n'est pas minée par des transactions ou des surprises qui priveraient le Canadien du meilleur joueur disponible.

Un genou et un nom qui inquiètent

Quelles sont ces questions?

La première est liée à la blessure à un genou qui l'a limité à deux matchs de saison régulière et à six en séries éliminatoires avec le Sting de Sarnia, dans la Ligue de l'Ontario, la saison dernière.

L'autre est associée à son nom de famille. Le nom de famille de son père, Alexander, qui est natif de Minsk, en Biélorussie. «Je ne suis pas un Russe. Je suis un Américain. Je suis né à Milwaukee, où mon père jouait dans la Ligue américaine», a plusieurs fois répété Galchenyuk hier.

Pourquoi ce patronyme soulève-t-il autant, sinon plus de questions que la blessure sérieuse qu'il a subie à un genou?

À cause de la KHL et de la menace de perdre des espoirs - particulièrement des Russes - attirés par la mère patrie et les millions qui les attendent là-bas.

Ces craintes sont fondées. Alexander Radulov l'a prouvé en faisant faux bond aux Predators de Nashville il y a deux ans. Les Capitals de Washington sont toujours à couteaux tirés avec Evgeny Kuznetzov, leur choix de première ronde (26e sélection) en 2010, qui joue dans la KHL et non dans la LNH.

«Je rêve de jouer dans la LNH depuis ma plus tendre enfance. Je n'ai aucune intention d'aller dans la KHL. Aucune! Et c'est dans l'uniforme des États-Unis, et non dans celui du pays natal de mon père, que j'ai l'intention de disputer les compétitions internationales. Je commence à trouver agaçant d'avoir à toujours répondre à cette question», s'est-il permis de commenter.

Souvenez-vous de Marian Hossa

Et le genou? «Mon genou est en parfait état. Je suis remis à 100%. Je l'ai prouvé avec tous les tests physiques auxquels m'ont soumis les équipes qui s'intéressent à moi. Je comprends que cette question préoccupe bien du monde. Si j'étais recruteur, je poserais la même. Mais j'espère avoir dissipé tous les doutes.»

Un genou mal en point suscite des inquiétudes. C'est normal. Plus encore à Montréal qu'ailleurs dans la LNH, en raison du dossier médical d'Andrei Markov.

Mais il y a pire que les genoux ou les épaules amochés. Il y a les commotions cérébrales qui devraient effrayer davantage les équipes de la LNH.

Galchenuyk a toute sa tête. Il semble même en avoir une bonne. Une tête plus froide et plus solide que celle de son cousin russe et coéquipier à Sarnia, Nail Yakupov. Considéré par plusieurs comme le joueur le plus talentueux de la cuvée 2012, Yakupov a souffert d'une commotion l'hiver dernier. De plus, il affiche une attitude de vedette qui pourrait lui coûter la première sélection ce soir.

On verra.

Pour en revenir au genou de Galchenyuk, j'aimerais vous rappeler l'histoire de Marian Hossa. Une histoire qui tombe bien puisqu'elle s'est déroulée justement à Pittsburgh, où la LNH a tenu son repêchage en 1997.

Je sais que ça fera mal. Car si le Canadien n'avait pas gaspillé sa 11e sélection en repêchant Jason Ward cette année-là, ce n'est pas à Ottawa (les Sénateurs l'ont repêché tout de suite après), mais à Montréal que Hossa aurait fait son entrée dans la LNH.

L'année qui a suivi sa sélection, Marian Hossa s'est démis le genou lors du tournoi de la Coupe Memorial, qui se déroulait à Spokane. Après une saison de 45 buts et 85 points en 53 matchs, Hossa, assis sur une chaise, avait été promené en héros sur la patinoire par ses coéquipiers des Winterhawks de Portland pour célébrer la conquête de la Coupe Memorial. Hossa les avait aussi guidés vers le championnat dans la Ligue de l'Ouest.

Malgré cette blessure, Hossa vient de compléter sa 13e saison dans la LNH. Il a marqué 429 buts, il a amassé plus de 900 points et a soulevé la Coupe Stanley il y a deux ans avec les Blackhawks de Chicago.

Ce n'est pas rien.

Personne ne peut assurer qu'Alex Galchenyuk aura la carrière de Marian Hossa. C'est évident. Mais s'il n'avait pas été blessé l'hiver dernier, il serait sans doute le premier joueur sélectionné ce soir à Pittsburgh. D'où l'importance pour le Canadien de saisir l'occasion de colmater un gros trou au centre si Galchenyuk est toujours disponible au troisième rang.

S'il ne l'est pas?

Filip Forsberg représenterait un prix de consolation intéressant à l'attaque. À moins que le Canadien décide d'y aller pour un coup de circuit avec le défenseur Mathew Dumba.

Mais avec sa troisième sélection - la toute première de Marc Bergevin, qui m'a assuré hier que le repêchage était son dossier le plus important depuis qu'il est DG du Tricolore -, le Canadien n'a pas le droit de se tromper.