Le 20 novembre 2000, lorsque le Canadien a congédié Alain Vigneault pour le remplacer par Michel Therrien, j'étais en furie.

À mes yeux, ce congédiement était injustifié. Oui, le Canadien patinait dans la vase. Oui, il était dernier au classement. Mais Vigneault était guidé par une philosophie qui me souriait davantage que l'approche de mercenaire de Therrien. Il était meilleur communicateur, meilleur stratège; meilleur, point.

Douze ans plus tard, la nomination de Michel Therrien me satisfait. Non seulement il mérite pleinement la deuxième chance que le Canadien lui accorde, mais le Tricolore a pris la bonne décision en la lui offrant.

Pourquoi? Parce que Michel Therrien sera bien meilleur qu'il ne l'était lors de son premier séjour derrière le banc du Canadien. Il sera même meilleur qu'il ne l'était à son départ de Pittsburgh, où il a pris une équipe de dernière place pour la conduire à deux victoires de la Coupe Stanley. Une Coupe Stanley que les Penguins ont soulevée dès la saison suivante alors que Therrien avait été remplacé au cours de l'année par Dan Bylsma.

À Montréal d'abord, à Pittsburgh ensuite, Therrien a orchestré des renversements de situation très positifs. Le Canadien affichait 17 points de plus au classement après sa première saison complète derrière le banc. Les Penguins sont passés de 58 à 105 points au classement dès sa première saison. Un bond prodigieux de 47 points.

C'était facile avec Crosby, Malkin et Fleury, soutiennent plusieurs. Ah oui? Pourquoi alors les Penguins, avec des Crosby, Malkin, Letang et Fleury, meilleurs et plus expérimentés, sont-ils tombés en première ronde ce printemps?

Crawford, Hartley, Roy

Entraîneur-chef sous-estimé, voire injustement critiqué, Michel Therrien est à mes yeux meilleur que tous les candidats qui reluquaient le poste d'entraîneur-chef du Canadien.

Meilleur que Marc Crawford et Bob Hartley, qui ont gagné une Coupe Stanley au Colorado en 1996 et 2001 alors que Therrien «n'a jamais rien gagné», comme se plaisent à le marteler ceux qui contestent son embauche?

La réponse est oui.

Vrai qu'ils ont gagné la Coupe au Colorado. Mais aux yeux de plusieurs observateurs, ils auraient dû en ajouter une autre, voire deux, tant les anciens Nordiques devenus Avalanche étaient forts à toutes les positions.

De toute évidence, ceux qui soutiennent que Therrien est trop émotif pour faire face à la pression de Montréal ne savent rien des crises épiques et régulières de Marc Crawford.

Quant à Hartley, très habile communicateur, il est capable de garder les journalistes dans le creux de sa main et de jongler avec eux à sa guise. Et il est aussi un très bon coach... qui ne laisse personne indifférent. Adulé par certains, il est aussi dénoncé par un plus grand nombre. Ce qui lui a certainement nui dans sa quête du poste avec le Canadien.

Patrick Roy? Saint Patrick était le choix populaire. Le seul choix du peuple, en fait. On était prêt à lui donner les pleins pouvoirs de directeur général et d'entraîneur-chef avec le rêve à peine voilé qu'il enfile les jambières pour aller remplacer Carey Price de temps en temps.

Patrick Roy aurait fait un bon coach. J'en suis convaincu. Avec ce qu'il a accompli dans la LNH, il aurait pu remettre à sa place n'importe quel joueur sur le banc ou dans le vestiaire.

Mais Patrick Roy est-il un meilleur coach que Michel Therrien? Non!

Patrick Roy n'est pas même le meilleur entraîneur-chef de la Ligue de hockey junior du Québec, un titre qui revient à Benoit Groulx, qui assume les pleins pouvoirs avec les Olympiques de Gatineau.

Je me demande d'ailleurs pourquoi Marc Bergevin ne l'a pas même convoqué. Un non-sens à mes yeux alors que cet entraîneur-chef québécois, comme tous les jeunes joueurs du Québec, devrait occuper une place de choix dans la lunette du Canadien.

Grogne vs optimisme

Malgré mes convictions, l'embauche de Therrien suscite autant, sinon plus, de grogne que d'optimisme.

Pourquoi?

L'absence de candidats de marque comme Alain Vigneault ou Claude Julien n'a pas aidé. C'est sûr. Mais peut-on reprocher à Therrien et au Canadien le fait qu'ils aient un contrat ailleurs?

Les anglophones qui ferment les yeux sur la réalité linguistique affirment que le Canadien s'est encore privé des meilleurs candidats en refusant de considérer des unilingues anglophones pour le poste. Vraiment? Si les Mike Babcock, Barry Trotz ou Dave Tippett étaient disponibles, ils auraient raison de dénoncer cette situation. Mais Brent Sutter, John Stevens, Paul Maurice sont-ils vraiment meilleurs que Michel Therrien? Come on!

Le retour dans le passé n'aide pas non plus. Mais si Jacques Lemaire avait accepté de sortir de sa retraite, personne n'aurait associé ce retour à un grand pas en arrière.

Michel Therrien n'est pas Jacques Lemaire. C'est vrai. Mais avant de le condamner, peut-on au moins lui donner la chance de commettre une erreur ou deux? Peut-être trois?

À moins qu'il ne débarque derrière le banc avec le veston jaune qu'il portait le soir de l'élimination du Canadien par les Hurricanes de la Caroline au printemps 2002. Car s'il ose répéter cet impair vestimentaire, je vous jure que je refuserai de le défendre.

Mais d'ici là, laissons-le donc travailler. Surtout que ce n'est pas le travail qui manque!