Réglons une chose tout de suite: Mike Rupp n'a pas arraché la tête de Martin Brodeur lorsqu'il lui a asséné un coup de poing en pleine poitrine lundi. Loin de là.

Les Blueshirts tiraient de l'arrière 0-3. Les Devils filaient vers une victoire plus que méritée. La finale de l'Est allait alors se transformer en série deux de trois avec l'avantage de la patinoire aux Rangers.

Sachant très bien, pour avoir été son coéquipier de l'autre côté du fleuve Hudson, que Brodeur devenait alors la plus sérieuse menace des Devils, il était clair que son coup visait bien plus à déstabiliser le gardien québécois qu'à le blesser.

C'était gratuit. C'était stupide. Et oui, dans un affreux et aussi très improbable concours de circonstances, ç'aurait pu être dangereux.

Mais le gardien québécois, en bon vétéran qu'il est et en ennemi juré des Rangers qu'il est surtout, en a mis un peu pour aggraver les choses. En fait, il en a mis pas mal.

Pas sur la glace, où il s'est bien gardé de jouer la comédie après l'attaque inusitée et inattendue, mais une fois devant les journalistes, Brodeur a su profiter de la situation pour que les Rangers soient pris avec les contrecoups de l'assaut.

Martin a réussi.

Car hier, alors que les Devils profitaient d'un congé pour savourer leur victoire de 4-1 de la veille en se convainquant qu'ils seront capables de la répéter dès mercredi, les Rangers étaient au centre de l'attention médiatique sur la patinoire du Madison Square Garden où se croiseront les deux clubs à 20 h ce soir.

Les commentaires de Brodeur après la rencontre, la violente prise de bec opposant les entraîneurs-chef John Tortorella et Peter DeBoer après le coup porté au gardien québécois, la stratégie du silence dans le camp des Rangers - qui ont soustrait Rupp du barrage de questions qui l'attendaient dans le vestiaire où des dizaines de journalistes l'espéraient - ont mis le feu à une série qui n'attendait qu'une petite étincelle pour s'embraser.

Résultat: aux yeux de plusieurs, la finale de l'Est amorcée il y a huit jours déjà commence ce soir.

«La rivalité qui oppose nos deux équipes reflète exactement ce que j'anticipais. J'ai déjà vécu des rivalités très intenses dans les rangs juniors. Celle qui oppose les Rangers et les Devils est du même genre. Elle est animée par les mêmes émotions. La seule différence, c'est que 10 millions de personnes en sont témoins», expliquait Peter DeBoer, hier.

Comme quoi il n'y a pas qu'à Montréal que des incidents mineurs, des commentaires tout aussi mineurs, sont amplifiés par 10 millions. Sauf qu'à Montréal, nous ne sommes pas 10 millions. Mais bon!

Surcharges d'émotions

Le coach des Devils ne se donnait pas en spectacle lorsqu'il a bousculé ses joueurs afin de s'approcher du banc des Rangers pour apostropher son vis-à-vis. Et John Tortorella ne voulait pas s'assurer de remplir les gradins du MSG ou de préparer la prochaine rencontre en hurlant des bêtises avec une haine qui l'a fait rougir. Il semble qu'il était plus de couleur orange que rouge lorsqu'il s'en est pris à DeBoer. Comme je suis daltonien, je vous laisserai décider de la teinte exacte de sa peau.

DeBoer et Tortorella ont été victimes d'une surcharge d'énergie qui fait perdre la tête à ceux - et celles - qui sont incapables de contenir leurs émotions lorsque la pression devient trop forte.

«Je ne pouvais accepter un tel geste à l'endroit d'un de mes joueurs. Les émotions ont pris le dessus. Que ce soit positif ou négatif. J'espère que nos joueurs ne tomberont pas dans le même panneau. Qu'ils garderont la tête aussi froide qu'ils ont été en mesure de la garder depuis le début des séries, particulièrement contre Philadelphie», a souligné DeBoer qui, entre vous en moi, a bien plus des allures d'un avocat fiscaliste très conservateur que d'un matamore prêt à arracher la tête de son prochain.

Même si ce prochain s'appelle John Tortorella...

Et Mike Rupp? Rien! Ou si peu: «Au hockey, des choses arrivent parfois dans le feu de l'action. Martin n'avait rien dit pour me provoquer. J'ai juste senti le besoin de faire quelque chose. Rien de plus. En deux secondes, je n'ai pas pensé à motiver mes joueurs, à servir un message. C'est arrivé, comme c'est arrivé...»

Pas fort comme défense. C'est un fait. Mais quand on regarde le crime commis, on doit admettre que Rupp n'avait pas non plus besoin de Johnnie Cochran pour plaider sa cause.

Le meilleur reste à venir

Même s'il reste moins de matchs à jouer que de parties déjà disputées par les deux équipes, ceux qui s'accrocheront à la finale de l'Est à compter de ce soir auront droit à ce qu'elle réservera de meilleur.

Car bien que les deux équipes, des joueurs aux partisans, se détestent viscéralement et que Martin Brodeur, qui n'en manquait pas, a depuis lundi une raison de plus de haïr les Rangers, les deux ou trois prochains matchs devraient nous offrir la guerre promise à l'aube de la finale.

Et je ne parle pas ici de gestes imbéciles et disgracieux comme celui posé par Mike Rupp aux dépens de Brodeur. Non! Je parle d'une guerre de tranchées sur la glace où le talent, la hargne, le courage, la vitesse, la ténacité permettront aux plus valeureux soldats de sortir de l'arène victorieux et de passer en grande finale de la Coupe Stanley.

Une finale, en passant, qui se mettra en branle dans la région de New York le 30 mai prochain. À Manhattan? À Newark? On devrait en avoir une petite idée après le match de ce soir. Mais juste une petite idée...

Photo: AP

Mike Rupp a asséné un coup de poing en pleine poitrine à Martin Brodeur, lundi.