Par une soirée glaciale de février ou un après-midi suffocant de juillet dans la rue, la ruelle, la cour d'école, avec, au bout du bâton, une rondelle gelée dure ou une balle de tennis «dépoilée», l'objectif était le même: marquer le dernier but du match, un but qui était invariablement inscrit en prolongation dans le septième et dernier match d'une finale de la Coupe Stanley.

Une fois la rondelle ou la balle au fond du filet, ou plus modestement passée entre deux «mottes» de neige qui servaient de poteaux, on célébrait comme les vrais. Il nous manquait la Coupe. Et le défilé des champions se limitait à rentrer à la maison la goutte au nez ou le chandail détrempé. Mais ces buts, tous ces buts, car j'imagine que vous en avez compté plusieurs vous aussi, ont marqué notre jeunesse.

Contrairement à tous ceux dont les carrières se sont limitées à la rue, aux patinoires extérieures ou aux ligues de garage, Stéphane Matteau a marqué ce genre de but pour vrai.

Bon! Ce n'était pas en finale de la Coupe Stanley.

Mais parce que son but marqué en deuxième période de prolongation du septième match qui a permis aux Rangers de New York d'éliminer les Devils du New Jersey en finale d'association et de propulser les Blueshirts vers leur conquête de la Coupe Stanley en 1994, ce but a marqué la carrière de Matteau. Non! Il a marqué sa vie. De fait, il la marque encore.

Surtout que huit jours plus tôt, lors du troisième match de la série New York-New Jersey, encore en deuxième période de prolongation, Matteau avait déjoué Martin Brodeur pour donner une victoire de 3-2 aux Rangers et une avance de 2-1 dans le duel de l'Hudson.

«Si je me fie aux poignées de main que j'ai échangées avec des fans des Rangers au cours des dernières années, j'ai dû croiser les trois quarts des amateurs qui étaient au Madison Square Garden ce soir-là. Et chaque fois, c'est la même chose: les gens me disent où ils étaient assis. Ils me décrivent le but. Et ils me disent merci. Merci pour les deux buts en prolongation et merci pour la Coupe», raconte Matteau à qui j'ai parlé hier.

Présent pour la fête

Stéphane Matteau n'a disputé que 85 de ses 848 matchs de saison régulière en carrière et 23 de ses 109 matchs de séries éliminatoires avec les Rangers. Mais ses deux buts en prolongation aux dépens des Devils - il a marqué six buts au total au printemps 1994 - l'ont hissé au rang de demi-dieu à New York.

Il faut dire que l'élimination des Devils en finale et la victoire en sept matchs aux dépens des Canucks de Vancouver avaient permis aux Rangers de rapatrier la Coupe à New York après une absence de 54 années. Et c'est long, 54 ans. Pour vous donner une idée, la dernière conquête du Canadien date de 1993. Vous trouvez que ça fait longtemps? Vous avez raison. Mais ça ne fera tout même que 20 ans le printemps prochain. À moins que le Tricolore nous surprenne avec un défilé de la Coupe Stanley...

Si la tendance se maintient, Matteau complétera ses rencontres de partisans des Rangers témoins de son but historique - on célébrera ses 18 ans le 27 mai - au cours des prochaines semaines.

Car bien qu'il ne pourra aider la cause des Rangers sur la glace dans le cadre de cette reprise de la finale d'association de 1994, Matteau l'aidera par sa présence dans les gradins. Car lorsque le gros ailier apparaîtra à l'écran géant, les fans se lèveront d'un trait et l'ovationneront pour donner une surcharge d'énergie à leurs favoris.

«Ces buts et la Coupe Stanley m'ont permis de me faire une place de choix dans la grande famille des Rangers. Comme tous les joueurs de l'équipe de 1994, je suis régulièrement invité à me rendre à New York pour les grosses parties des Rangers. Une finale d'association contre les Devils, ça peut difficilement être plus gros», lance Matteau qui assistera à tous les matchs des Rangers à domicile et qui traversera le fleuve Hudson pour faire une visite en territoire ennemi lors du quatrième match.

Attention aux Devils

Bien que les Rangers aient gagné quatre des cinq séries qui les ont opposés aux Devils et que les Blueshirts ont gagné trois des six duels cette saison (3-2-1), Stéphane Matteau respecte ses adversaires.

Même qu'il les craint.

«Ça commence devant les buts. Je n'en reviens pas de voir que Martin soit encore là, alors que c'est contre lui que j'ai marqué les deux buts les plus importants de ma carrière. On a un très bon gardien (Henrik Lundqvist), mais Martin, même s'il a 40 ans, est encore un très bon. Et puis il y a Kovalchuk. Ce gars-là joue pour vrai. Pour gagner. Il se présente tous les soirs. Comme Zach Parise. Et on n'a pas encore parlé d'Elias et Sykora qui jouent du gros hockey. Mais ce qui me fait le plus peur avec les Devils, c'est leur jeu d'équipe. Ils sont solides et efficaces dans toutes les facettes du hockey. Je crois quand même qu'on va gagner. Mais ce ne sera pas facile. Ça va être long. Peut-être en six, même en sept», a conclu Matteau.

Avec tout ce qu'on a vu dans l'Est comme dans l'Ouest depuis le début des séries, ça pourrait même se décider en prolongation... comme il y a 18 ans!