Assis dans la première rangée de la section 400, tout juste derrière la galerie de presse aménagée au centre des gradins, Bob Young hurle ses directives aux joueurs des Rangers.

Entre un encouragement adressé à Henrik Lundqvist, dont il porte fièrement le chandail, et une, deux ou trois insultes bien senties à l'endroit des joueurs des Capitals et des arbitres, Bob interpelle d'autres partisans des Blueshirts. Des partisans assis 10 bancs à sa gauche, ou 10 bancs à sa droite.

Bientôt 60 ans, homme d'affaires dans la vie, mais amateur de hockey et partisan des Rangers dans l'âme et dans le coeur, Bob est chez lui au MSG. En fait, non. Il est chez lui dans la section 400. Une section où il règne en maître depuis le milieu des années 1970 lorsqu'il a acheté ses premiers billets de saison. Des billets qu'il n'échangerait pour rien au monde, même s'il trouve que les Rangers exagèrent en réclamant 53 $ à compter de l'an prochain pour chacun de ses billets.

Je paierais volontiers le double pour un simple match de saison régulière... même contre le Canadien. Mais bon!

«J'ai une bonne business. Je pourrais être assis en bas avec ceux qui payent 1500 $ par billet. Mais c'est ici que la vraie partie se joue. Ici et sur la glace», lance ce partisan des Rangers, qui parle autant lors d'un match que Pierre Houde peut le faire lors de ses descriptions des parties du Canadien à RDS.



Un amphithéâtre magique

Bob, comme ses voisins de la section 400, ceux qui sont plus haut perchés encore et même les riches un peu plus bas et les très riches des loges et des bancs qui ceinturent la patinoire, sont l'âme du Madison Square Garden: «The World's Most Famous Arena», comme le proclame l'annonceur maison dans son mot de bienvenue qui précède chaque match des Rangers.

Un titre mérité. Car le MSG est le meilleur des amphithéâtres de la LNH. Un des rares, pour ne pas dire l'un des derniers - avec le Joe Louis Arena à Detroit - où le hockey et ses partisans sont encore rois.

Malgré les rénovations amorcées l'été dernier au coût de plusieurs centaines de millions et celles qui suivront l'été prochain, le Madison Square Garden demeure un vieil amphithéâtre: la glace est la plupart du temps affreuse. L'éclairage fait défaut. C'est d'ailleurs plus jaunâtre que blanc sur la patinoire. Sans oublier qu'il est préférable d'aller aux toilettes avant d'avoir besoin d'y aller tant l'attente pour s'y rendre est interminable.

Malgré tout ça, le MSG est un endroit magique.

Des vagues naturelles

Ce n'est pas tant le MSG qui est magique que ceux qui le prennent d'assaut pour les matchs des Rangers qui le sont. Selon Salvatore, le placier qui s'occupe de la section de Bob Young depuis 46 ans bien comptés, c'est comme ça aussi pour les matchs des Knicks au basket. C'est comme ça pour les gros spectacles de rock, ou lorsque le cirque est en ville. Il paraît que c'est même magique lors des concours de dressage de chiens. Je vais croire le vieux «Sal» sur parole pour les chiens, le cirque, les spectacles et le basket.

Mais pour le hockey, c'est vraiment fou.

Comme on le voyait dans le temps où les fans suivaient le match sur la glace et non les yeux rivés sur les écrans géants qui surplombent les patinoires, les fans des Rangers se lèvent lorsque leur équipe menace. Une vague naturelle qui suit la progression de la rondelle et non les directives apparaissant à l'écran géant!

C'est beau... Presque aussi beau que le chant et la danse qui unissent les fans des Rangers après chaque but de leurs favoris.

Un jeu serré à la ligne bleue: les gens se lèvent. Une pénalité ratée par les arbitres, les gens se lèvent, les bras se lèvent et les voix s'élèvent. Et je vous assure que ce n'est pas toujours beau à entendre.

Et si ceux qui se lèvent tardent trop avant de se rasseoir, ils sont vite rappelés à l'ordre par Bob et sa bande du niveau 400, qui n'y vont pas par quatre chemins pour faire comprendre qu'ils veulent voir l'action eux aussi.

Avec leur accent tranchant, les New-Yorkais le sont tout autant dans leurs commentaires. Si tu fais partie des méchants, prépare-toi. Tu vas en entendre des vertes et des pas mûres.

Mais il y a pire que les insultes réservées à l'ennemi venu d'ailleurs et aux arbitres. Il y a bien pire. Il y a les insultes réservées aux joueurs des Rangers lorsque ces derniers ont un mauvais match dans le système. Qu'ils patinent dans le sable.

Quand ça arrive, ça frappe. Ça frappe vite. Ça frappe fort. New York est la ville de la démesure. Le MSG est à l'image de la ville. Les partisans des Rangers aiment leur équipe quand elle joue bien et gagne presque autant qu'ils peuvent la détester lorsqu'elle perd.

Hier, les partisans sont partis heureux. En chantant. Leur équipe a gagné, ce qui signifie au moins un autre match au MSG.

Qu'il vienne plus tard cette semaine, la semaine prochaine où le mois prochain seulement, le dernier match donnera le coup d'envoi à la deuxième étape des travaux de rénovation.

La section 400, celle de Bob Young et de ses voisins, sera réaménagée. Nouveau design, nouveaux bancs, nouvelle configuration. Pour le bien du hockey, de Bob et de «Sal» son placier, espérons que l'âme du World's Most Famous Arena résistera à la démolition et qu'elle sera bien là lors du retour des Rangers et de leurs fans l'automne prochain...

Photo: AP

Ce n'est pas tant le Madison Square Garden qui est magique que ceux qui le prennent d'assaut pour les matchs des Rangers qui le sont.