Charles Henry n'a pas, à l'image de Michel Goulet, marqué 548 buts dans la LNH. Il ne détient pas, comme le fait Steve Duchesne, depuis la saison 1992-1993, le record de 82 points (20 buts) récoltés par un défenseur des Nordiques de Québec, devenus l'Avalanche du Colorado. Même dans ses rêves les plus fous, M. Henry ne pourrait imiter le défenseur Pierre Sévigny, qui a marqué 58 buts et récolté 318 points en 4 saisons à Trois-Rivières, Québec et Chicoutimi.

Et bien qu'il se soit associé à Wayne Gretzky pour orchestrer sa rentrée à la tête des Olympiques de Hull en 1985 et qu'il ait régné en maître pendant un quart de siècle, Charles Henry n'a jamais été couronné du surnom de roi comme l'a été Richard Brodeur lorsqu'il a guidé les Canucks de Vancouver à la finale de la Coupe Stanley en 1981-1982.

Qu'à cela ne tienne!

Au-delà des exploits et des statistiques impressionnantes associées aux noms de ces quatre nouveaux membres du Temple de la renommée de la LHJMQ, Charles Henry occupe depuis hier une place de choix au panthéon du hockey junior québécois.

Une place grandement méritée

Cette place, Charles Henry l'a obtenue en propulsant quelque 70 joueurs et 3 entraîneurs-chefs - Pat Burns, Alain Vigneault et Claude Julien - vers la LNH au rythme des succès de son équipe qui a soulevé sept fois la Coupe du Président et une fois la Coupe Memorial, emblème de la suprématie du hockey junior canadien.

Très fier de ses «petits gars» et de ses coachs, Charles Henry identifie rapidement les Luc Robitaille, Jeremy Roenick, Ales Hemsky et José Théodore comme les joueurs les plus flamboyants qu'il a su attirer à l'aréna Robert-Guertin.

Mais il avait des pensées pour l'ensemble des quelque 850 joueurs qui ont endossé le chandail des Olympiques sous son règne lorsque je l'ai joint à sa résidence d'Ottawa 24 heures avant son intronisation.

«Je suis fier qu'autant de joueurs aient fait carrière. Mais derrière ces joueurs qui ont joué dans les rangs professionnels, il y en a beaucoup plus qui ont réussi leur vie. Quand je les revois avec leurs enfants, qu'ils me parlent de leurs années ici, de leurs jobs, ça me rend vraiment fier de ce que nous avons fait avec eux.»

D'un bras cassé à la LNH

Pompier à la Ville d'Ottawa pendant 35 ans, Charles Henry, aujourd'hui âgé de 74 ans, a l'air de tout, sauf de l'homme de hockey rusé et surtout bien branché qui se cache sous un extérieur un brin flou et brouillon.

S'il passait et passe encore inaperçu dans une foule, impossible pour «Charlie», comme il est connu dans le monde du hockey, de se fondre dans une foule lorsqu'il s'installe dans un coin, même le plus discret, d'un aréna.

«M. Henry est unique», m'a dit avec un rire dans la voix Alain Vigneault à qui «Charlie» a fait cadeau de son premier job d'entraîneur-chef.

«C'est l'une des personnes les plus loyales que j'ai connues. Quand les choses allaient mal, il arrivait avec une solution à offrir: il sortait un bout de papier avec des noms et des numéros de téléphone et un joueur arrivait pas longtemps après. Quand les choses revenaient à la normale, il s'éclipsait. Je ne sais pas si c'est parce qu'il était pompier, mais il avait des contacts partout. Quand on regarde les succès des Olympiques au fil de ses 25 ans, il les a utilisés souvent et ne s'est pas trompé souvent.»

En plus de pouvoir compter sur des amis, leurs amis et les amis de leurs amis, Charlie Henry compte sur un flair qui lui a valu des offres d'emploi aux quatre coins de la LNH. Offres qu'il a refusées, exception faite de quelques mandats à titre de dépisteur.

En 1985, encore conseillé par un ami, «Charlie» avait un jeune Québécois dans la mire au repêchage de la LHJMQ. Le jeune homme n'ayant pratiquement pas joué de l'année en raison d'une fracture à un bras, il a été boudé. «Rendu en sixième ronde, j'ai demandé à mes recruteurs ce qui arrivait avec le bras cassé. Je ne me souvenais plus de son nom. On l'a repêché et il nous a donné trois grandes années.»

Un an plus tard, le «bras cassé» était repêché en deuxième ronde par le Canadien. Son nom: Benoît Brunet, qui a connu une carrière de 15 ans dans les rangs professionnels.

De ses nombreux exploits réalisés comme pompier et comme homme de hockey, celui d'être présent à son intronisation hier est haut sur la liste.

En mai dernier, miné par un cancer du pancréas, Charles Henry a confié sa vie à un chirurgien qui refusait de lui promettre un réveil après l'intervention. «Quand j'ai rouvert les yeux, tout le monde était surpris. J'ai ensuite passé 51 jours à l'hôpital. Aujourd'hui, je suis en pleine santé...»

L'histoire ne dit pas si cette fois, comme bien d'autres, Charles Henry a pu profiter de la complicité de l'ami d'un ami qui en connaissait un autre. Peu importe: il a gagné... encore!

Photo: Robert Skinner, La Presse

Charles Henry, à titre de bâtisseur, ainsi que les joueurs Michel Goulet, Pierre Sévigny, Steve Duchesne et Richard Brodeur ont été admis, hier soir, au Temple de la renommée de la Ligue junior majeur du Québec.