Après avoir réclamé son congédiement et applaudi la décision de Geoff Molson d'amorcer la reconstruction de son équipe en écartant Pierre Gauthier et Bob Gainey, j'aurais malgré tout bien aimé parler avec «monsieur Gauthier».

Ça viendra. Je ne sais pas quand, mais ça viendra. Il faudra juste être patient. Car, si le passé est garant de l'avenir, Pierre Gauthier ne viendra pas dresser le bilan de son règne à la tête du Canadien.

Bien qu'il se savait congédié, monsieur Gauthier était sur la galerie de presse du Centre Bell pour assister au match, mardi. Je comprends mieux pourquoi il avait le visage long. Plus long que d'habitude.

Il a ensuite travaillé mercredi. Il a fait signer un contrat au jeune Américain Greg Pateryn avant de dresser une liste de choses à faire au cours de la période de transition qui commence.

Mais jeudi, alors que Geoff Molson confirmait le début de son grand ménage, Pierre Gauthier avait disparu. Au sens propre, comme au sens figuré.

Car une fois la conférence de presse de son propriétaire terminée, il avait déjà sombré dans l'oubli. Au centre des discussions passionnées des partisans frustrés quelques heures auparavant, monsieur Gauthier s'était déjà fondu dans le brouillard où il se dissimulait déjà au cours de son règne.

On n'a pas - ou très peu - parlé de lui alors que Geoff Molson, Serge Savard, Patrick Roy et la pléiade de candidats aux postes de directeur général et d'entraîneur-chef étaient sur toutes les lèvres, sur toutes les tribunes.

Pierre Gauthier? Qui ça? Ni vu ni connu...

Le 24 décembre, sept jours après son congédiement, Jacques Martin était accosté par des partisans du Canadien dans un grand centre commercial de Laval. Des fans lui offraient des mots d'encouragement en réclamant ici un autographe, là une petite photo de famille.

Je me demande si monsieur Gauthier a droit au même traitement depuis hier. S'il y aura droit dans une semaine. Dans un mois. Bon! Le fait qu'il ait décidé d'élire domicile à Burlington, au Vermont, pour des raisons personnelles et familiales, ne favorisait pas des contacts directs avec les fans du Canadien,

à Montréal. C'est un fait. Et c'est peut-être l'illustration la plus évidente du détachement physique de Pierre Gauthier par rapport aux partisans de son équipe. Un détachement aussi par rapport à la réalité de son poste à la tête du Tricolore.

Pourquoi congédier Martin?

Je poserai bien des questions à Pierre Gauthier lorsque je le croiserai sur une galerie de presse de la LNH. Car oui, je crois que Gauthier reviendra dans le hockey.

Une de celles qui me brûlent les lèvres: pourquoi avoir congédié Jacques Martin?

Congédier Perry Pearn la journée d'un match, l'ami et complice de Jacques Martin, après huit parties seulement en saison passe toujours. Avec une fiche de 1-5-2,

le Canadien avait besoin d'un électrochoc. Et si l'équipe ne s'était pas replacée en battant Philadelphie, Boston deux fois et Ottawa, j'aurais facilement compris que Jacques Martin tombe lui aussi dans l'éventualité de quatre revers de suite.

Mais le 17 décembre, au lendemain d'un premier revers en temps réglementaire en sept parties (3-1-3), alors que le Canadien se battait encore pour une place en séries après 32 rencontres (13-12-7), malgré les blessures? Je ne comprends toujours pas.

Surtout que ce congédiement a explosé au visage de Pierre Gauthier de bien des façons. La question linguistique; les cinq revers en temps réglementaire qui ont suivi l'entrée en scène de Randy Cunneyworth; les sept défaites en huit matchs (1-7); la grogne médiatique et populaire...

Ce que je comprends plus mal encore, c'est à quel point monsieur Gauthier, un homme intelligent et rusé, a pu être aussi bête dans son analyse de la situation.

À moins qu'il crût vraiment son club en mesure de terminer dans le premier tiers de la LNH, comme il en avait formulé le souhait lors de son embauche le 8 février 2010. Ce qui aurait été pire encore...

Si Pierre Gauthier avait laissé Jacques Martin se dépêtrer avec une équipe moribonde qu'il n'aurait pu conduire aux séries, le directeur général aurait pu le congédier dans une semaine. Il aurait pu lui imputer la responsabilité des insuccès sur la patinoire et ainsi sauver son job.

C'est exactement ce que Bryan Murray a fait l'an dernier à Ottawa. Pendant que sa tête était mise à prix sur tous les fronts, Murray s'est bien gardé de congédier Cory Clouston. Il a plutôt donné toute la place à son entraîneur, sans lui donner de joueurs pour travailler, il l'a laissé perdre, l'a congédié aussitôt la saison terminée, a obtenu un nouveau contrat et embauché Paul MacLean.

Bien que les Sénateurs ne soient pas assurés d'une place en séries, leurs succès inespérés des derniers mois assurent Murray, un fin renard qui a plus de vies qu'un chat, de deux, trois, voire cinq autres années à la tête des Sénateurs.

En congédiant Jacques Martin le 17 décembre dernier, Pierre Gauthier s'est privé de ce privilège. Il a mis toute l'attention sur lui, toute la pression sur ces épaules.

De fait, en «remerciant» Martin, Pierre Gauthier a ouvert toute grande la porte à son propre congédiement.

Trois mois plus tard, Geoff Molson n'a simplement eu qu'à la fermer.