Comme ça, le Canadien n'a pas son égal dans la Ligue nationale en matière de recrutement. Il est premier pour le nombre de joueurs repêchés. Premier pour l'impact que ces jeunes ont dans la grande ligue.

«Les chiffres ne mentent pas, Frankie», que mon collègue et ami Ed Willes, auteur du relevé publié mardi dans The Vancouver Province, m'a lancé lorsque je l'ai joint pour comprendre comment il était arrivé à une conclusion aussi surprenante.

Quand je lui ai répliqué que les chiffres ne disent pas toujours toute la vérité, le grand Ed s'est mis à bougonner. Normal. Il bougonne tout le temps. Mais comme il s'apprêtait à glisser ses bâtons de golf dans le coffre de sa voiture pour aller s'offrir une première ronde cette saison, il n'avait pas l'intention de se lancer dans un grand débat.

Moi, oui!

Devant Crosby, Malkin, Letang?

Il est indéniable que Trevor Timmins et ses hommes de hockey ont fait du bon travail depuis 2000. Les 26 jeunes espoirs réclamés par le Canadien qui ont atteint la LNH sont là pour le prouver.

Mais qu'on accorde au Canadien la première place en matière d'impact depuis l'arrivée de ces jeunes dans la grande ligue, eh bien là, ça ne va pas.

Carey Price, P.K. Subban, Max Pacioretty et Tomas Plekanec sont des joueurs d'impact. Les trois premiers ont même ce qu'il faut pour viser le titre de vedette.

Comment expliquer alors que le Canadien - tout comme le Wild du Minnesota et les Predators de Nashville - soit devant les Penguins de Pittsburgh qui comptent sur Sidney Crosby, Evgeni Malkin, Jordan Staal, Kristopher Letang et Marc-André Fleury? Que dire aussi des Blackhawks de Chicago avec Jonathan Toews, Patrick Kane, Brent Seabrook, Duncan Keith et Corey Crawford? Une liste à laquelle on pourrait ajouter les noms de Dustin Byfuglyen, James Wisniewski et Craig Anderson, qui ne sont plus avec les Blackhawks et qui ont aussi été repêchés depuis l'été 2000?

Les sélections du Canadien ont donc plus d'impact que celles des Penguins et des Hawks? Vraiment?

Zéro en développement

Ce qui saute le plus aux yeux dans les résultats du Canadien, c'est à quel point le Tricolore n'a pas su garder les jeunes joueurs de qualité que ses recruteurs lui ont donnés.

Des 26 joueurs qui ont fait le saut dans la LNH depuis 2000, seulement sept sont encore avec le Tricolore: Louis Leblanc (2009), Max Pacioretty, P.K. Subban, Yannick Weber (2007), Ryan White (2006), Carey Price (2005) et Tomas Plekanec (2001).

Ryan McDonagh n'a jamais joué à Montréal. Les frères Sergei et Andrei Kostitsyn sont à Nashville, Mikhail Grabovski vient de toucher le gros lot à Toronto, Jaroslav Halak et Matt d'Agostini font la joie des Blues de St. Louis, Mark Streit est capitaine des Islanders de New York. Guillaume Latendresse, Ron Hainsey, Chris Higgins, Mike Komisarek, Ryan O'Byrne, Maxim Lapierre, Ben Maxwell et Kyle Chipchura, pour ne nommer que ceux-là, poursuivent leur carrière ailleurs avec plus ou moins de succès selon le cas.

Cette liste démontre que si les recruteurs du Canadien méritent de bonnes notes, les directeurs généraux Pierre Gauthier et Bob Gainey avant lui ont échoué sur toute la ligne en ce qui a trait à la gestion et au développement de ces jeunes.

Comme le Canadien, plusieurs équipes ont vu de jeunes espoirs éclore une fois au sein d'une autre organisation. À ce titre, les Islanders de New York détiennent la palme en matière de vedettes en devenir qui ont révélé tout leur potentiel très loin de Uniondale.

Mais cette étude n'en glisse pas un mot.

Elle cache aussi un point très important: celui de la qualité relative de certaines sélections et des conséquences négatives énormes de certains oublis.

L'équipe de Trevor Timmins n'avait pas le droit d'échapper Claude Giroux en 2006 en lui préférant l'Américain David Fischer. Devenu l'un des meilleurs joueurs de la LNH, Giroux évoluait dans sa cour, avec les Olympiques de Gatineau.

Les recruteurs du Canadien ont vu juste en 2003 avec Andrei Kostitsyn, Maxim Lapierre, Ryan O'Byrne et particulièrement Jaroslav Halak. Mais comment leur pardonner d'avoir préféré le frère André à Zach Parise, Ryan Getzlaf, Corey Perry, Loui Eriksson, Brent Burns ou Shea Weber et d'avoir levé le nez sur le Québécois Patrice Bergeron, sorti en deuxième ronde?

Le repêchage est une science très inexacte alors qu'un nom, un seul, a parfois plus de poids que deux, trois ou quatre.

Souvenez-vous de 1998. Une année faste pour le Canadien qui a mis la main sur Mike Ribeiro, François Beauchemin, Andrei Markov (6e ronde!) et Michael Ryder (8e ronde!). Malgré ces très bonnes sélections, le repêchage de 1998 hante encore le Canadien qui avait alors préféré Éric Chouinard à Simon Gagné.

Si l'on peut contester, preuves à l'appui, les conclusions du relevé du Vancouver Province, on doit toutefois reconnaître que le Canadien ajoutera bientôt des fleurons à sa liste de choix judicieux avec les Tinordi, Gallagher, Beaulieu, Kristo et Archambault. Sans oublier Michaël Bournival que le Canadien a obtenu en retour de Ryan O'Byrne. À moins que la haute direction du Tricolore ne les gaspille en leur faisant subir le même sort que Ryan McDonagh, donné généreusement aux Rangers en retour de Scott Gomez.

Ça non plus l'étude n'en parle pas...