Lorsque les premiers échos de la mort de Gary Carter se sont mis à faire vibrer les médias sociaux, c'est le visage souriant du receveur aux cheveux bouclés qui a refait surface dans mes souvenirs.

L'homme au visage déformé par les contrecoups du combat inégal qu'il livrait au cancer ayant disparu, le joueur de baseball, le grand receveur, le pilier des Expos, le héros qui prenait la relève de Guy Lafleur dans le coeur des amateurs de sports du Québec une fois l'été venu, peut reprendre sa place. Toute sa place.

«Le Kid est de retour», comme l'avait lui-même lancé Gary Carter lorsqu'il est revenu s'agenouiller pour la dernière fois derrière le marbre dans l'uniforme des Expos, à Montréal, là où il tenait à accrocher sa casquette après une carrière glorieuse de 19 saisons. Une carrière auréolée d'une conquête de la Série mondiale en 1986 - avec les Mets de New York - et d'une invitation à Cooperstown où les portes du Temple de la renommée se sont ouvertes devant lui en 2003.

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Gary Carter a multiplié les exploits au cours de sa carrière. Parce que Jacques Doucet, Claude Raymond et Rodger Brulotte ne font plus partie de nos étés «sans point ni coup sûr» - le baseball a refait son apparition l'été dernier à TVA Sports avec Jacques et Rodger - et que le grand Stade, malgré tous ses défauts, ne vibre plus au rythme de la balle et du million et quelque de spectateurs qui le prenaient alors d'assaut, les jeunes qui n'ont pas connu les années de gloire des Expos ne savent pas à quel point Carter était bon. Et il était vraiment bon. L'oeil, l'élan, le bras, la vitesse, la détermination: Gary Carter avait toutes les qualités.

Lorsqu'il étendait les bras pour cogner la balle solidement avec le gros bout du bâton, on savait qu'elle tomberait loin. Si c'était de l'autre côté de la clôture, Carter gambadait fièrement - un peu fraîchement - autour des buts. Si elle tombait en jeu, eh bien là: c'était au dernier vivant les biens. Carter fonçait comme si la vertu du Bon Dieu qu'il vénérait avec passion était mise en péril.

Grand joueur, très grand receveur

C'est toutefois lorsqu'il était accroupi, comme lui seul savait le faire, derrière le marbre que Garry Carter était à son meilleur.

Carter maîtrisait parfaitement l'art, pour ne pas écrire la science, de bien diriger Steve Rogers et les autres très bons lanceurs qu'il rendait meilleurs encore en offrant des cibles bien placées à atteindre avec des offrandes aux effets bien calculés.

Bon! L'erreur de calcul qui a coûté le coup de circuit fatidique du Blue Monday - Rick Monday, le lundi 19 octobre 1981, a catapulté de l'autre côté de la clôture une balle de Steve Rogers venu en relève dans le match décisif opposant les Expos aux Dodgers qui ont ainsi atteint la série mondiale et l'ont gagné en six matchs contre les Yankees de New York - restera toujours gravée dans nos souvenirs.

Aussi pénible soit-il, ce triste souvenir ne peut faire contrepoids à tous les moments heureux que Gary Carter a vécus et qu'il a partagés avec ses coéquipiers et surtout ses partisans. Qu'ils soient de Montréal, de New York ou de San Francisco où Carter a fait escale avant de venir terminer sa carrière en 1992, là où elle avait débuté en 1974.

Les faits saillants de la carrière de Gary Carter sont innombrables. Ceux qui m'habitent le plus sont reliés à la façon qu'il avait de se dresser comme un rempart devant le marbre en attendait que Warren Cromartie, Ellis Valentine ou Andre Dawson lui envoient la balle afin de lui donner la chance de retirer un coureur qui tentait de marquer du troisième but. Une tentative très risquée contre Carter qui protégeait le marbre avec tellement de courage et de hargne qu'il est difficile de croire que le cancer ait pu s'inviter dans son cerveau sans que le Kid ait réussi à lui en bloquer l'accès.

Un sourire pour la vie

Au-delà du joueur, du grand joueur, du très grand receveur, il y avait aussi le personnage. La star. Car oui, Gary Carter était une star. Il semblait d'ailleurs se plaire autant dans son rôle de star que dans celui de receveur. Et il les menait de front. Avec la même efficacité. Ses publicités nombreuses étaient populaires et efficaces. Il a fait boire du 7 Up à des Québécois qui étaient alors divisés en deux clans imposants: les adeptes du Coke et ceux du Pepsi. Et si vous avez au moins 45 ans, vous ne pouvez avoir oublié les premières publicités télés des Dodge Caravan qu'on avait affublées du surnom auto-beaucoup pour des fins de marketing: «Hey Gary! Aimes-tu ton auto-beaucoup?» lançait la voix de l'annonceur. «Beauuuuucouuuup!» que répondait Carter avec son sourire angélique et son accent tranchant qui ne l'a jamais empêché de lancer des mots en français chaque fois que l'occasion le réclamait. Il l'a d'ailleurs fait avec éloquence et émotion lors de son entrée au Temple de la renommée à titre de tout premier joueur des Expos à y accéder.

Ce sourire, comme le joueur, comme le personnage, je l'ai toujours aimé. C'est d'ailleurs ce sourire, plus que ses statistiques, ses exploits sur le terrain, ses publicités et sa Série mondiale qu'il n'a pu gagner à Montréal, qui devrait demeurer ancré à jamais dans la mémoire collective au Québec et dans le monde du baseball. Car si Gary Carter est mort, le Kid lui, vivra toujours... avec le sourire.

Photo: Bernard Brault, archives La Presse

Gary Carter était très près des partisans. Il adorait ça!