Kirk Muller n'a rien perdu de son sourire. Pas moyen non plus de relever la présence d'un premier cheveu blanc au milieu de sa tignasse blonde. Une tignasse qui volait au vent hier après-midi, au Centre Bell, où «Captain Kirk» patinait avec le même entrain que ses joueurs en vue du match qui opposera, ce soir, les Hurricanes au Canadien.

Et pourtant!

Avec une équipe qui croupit au dernier rang dans l'Est, une équipe qui a perdu sept matchs de plus qu'elle n'en a gagné depuis qu'il a hérité des Hurricanes le 28 novembre dernier (12-12-5-2), Muller aurait facilement pu se présenter devant les journalistes avec les traits tirés et les yeux cernés qui ornent les visages des entraîneurs dont les équipes patinent dans le sable.

Mais non!

Depuis le temps qu'il voulait diriger dans la LNH, Muller ne se laissera pas abattre par si peu. Surtout qu'il profite de la sécurité relative, mais de la sécurité quand même, d'un contrat de quatre ans qui lui permettra de traverser quelques tempêtes avant de sombrer.

Mais il y a plus. Muller croit vraiment qu'il a sous la main des joueurs et une équipe qu'il pourra guider vers la victoire.

«Nous avons une fiche gagnante à la maison depuis 10 matchs (8-2) et jouons pour presque ,500 sur la route lors de nos 10 derniers matchs (2-3-3-2). Si vous transposez ces résultats sur une saison, ils nous placeraient dans une bien meilleure position. Nous comptons sur un gardien - Cam Ward - qui a repris sa place dans le top 5 de la LNH, Eric Staal est de retour en forme et nous comptons sur des jeunes joueurs de premier plan. L'avenir est prometteur en Caroline», assurait Muller lors d'un point de presse qui s'est prolongé pendant près d'une demi-heure. Son plus long, et de loin, depuis que le directeur général Jim Rutherford l'a sorti de Milwaukee où Muller venait d'amorcer la saison derrière le banc du club-école des Predators de Nashville.

Retour émouvant à Montréal

Comme joueur, Kirk Muller n'a jamais été paralysé par la nervosité. Même que les défis qui se présentaient savaient sortir le meilleur du joueur qu'il était.

Bien qu'il ait aujourd'hui moins de contrôle sur l'issue d'un match comme entraîneur, Muller est loin d'être étouffé par la pression de croiser le Canadien.

Il a passé sa soirée de samedi avec deux de ses quatre filles venues le rejoindre - l'une étudie à l'Université McGill et l'autre à l'Université d'Ottawa. Il a passé son dimanche à préparer son premier duel contre le Canadien en attendant que sa femme et le reste de la famille viennent le rejoindre.

Une chose tracassait Muller hier. «Le Centre Bell est l'un des deux ou trois amphithéâtres où les entraîneurs de l'équipe adverse doivent traverser la patinoire pour se rendre au banc. J'espère que ça va bien se passer», a reconnu Muller.

Parce qu'il a passé neuf ans à Montréal, quatre à titre de joueur, à titre de capitaine et à titre de champion de la Coupe Stanley (1993) et cinq à titre d'entraîneur adjoint, Muller sait très bien que les partisans l'attendent.

«Un mélange de huées et d'applaudissements», a-t-il répondu lorsque les journalistes lui ont demandé ce qu'il anticipait comme accueil.

Muller se trompe. Je serais très surpris d'entendre des huées, aussi timides soient-elles. De fait, je serais très surpris - et un brin déçu - s'il ne recevait pas une chaleureuse ovation de la part des partisans qui ne l'ont pas oublié.

Des partisans qui auraient bien voulu le voir succéder à Jacques Martin. Une promotion que Muller aurait pu obtenir sans avoir à composer avec la tempête qui a secoué Randy Cunneyworth en raison de son incapacité de parler français.

«On ne saura jamais ce qui se serait passé», a toutefois répondu Kirk Muller à la question: aurais-tu bénéficié d'une amnistie malgré ton unilinguisme anglais?

Peut-être le saura-t-on un jour si Kirk Muller se retrouve en recherche d'emploi et que le Canadien est en quête d'un entraîneur-chef.

Un mélange de Demers et de Burns

Après seulement 31 matchs dans la LNH, Kirk Muller est encore en apprentissage. Une fois à maturité, il espère être un mélange de Jacques Demers et de Pat Burns derrière le banc de son équipe. Les deux entraîneurs qui ont su soutirer le meilleur de lui en tant que joueur.

«J'ai toujours été près des joueurs comme adjoint et je veux le demeurer comme entraîneur-chef. Je ne peux être aussi près physiquement d'eux que je l'étais à Montréal, mais je suis présent. Et quand j'ai des choses à dire, je les dis tout de suite. Comme Jacques le faisait. Il faut aussi être ferme et juste. À ce titre, il n'y avait pas meilleur que Pat Burns.»

S'il arrive à cloner Burns et Demers et qu'il connaît autant de succès qu'eux, Muller ne perdra jamais son sourire. Et il retardera encore très longtemps l'apparition de ses premiers cheveux blancs!

Photo: Robert Skinner, La Presse

«Captain Kirk» a donné quelques conseils au capitaine Eric Staal, hier, pendant l'entraînement des Hurricanes de la Caroline au Centre Bell.