Anciennes vedettes de la LNH, simples cols bleus, entraîneurs fraîchement congédiés en attente d'une nouvelle chance ou recruteurs de formation, les dépisteurs professionnels passent rarement inaperçus lorsqu'ils s'installent sur l'une ou l'autre des galeries de presse des 30 amphithéâtres de la LNH.

D'ici le 27 février, date limite des transactions, leur présence suscitera parfois plus d'intérêt que le match qui se déroulera sous leurs yeux. Des présences qui donneront naissance à des spéculations: Hal Gill à Pittsburgh; Travis Moen tantôt à Vancouver, tantôt à San Jose; Andrei Kostitsyn à Nashville; Yannick Weber à Edmonton...

Autant de rumeurs qui rarement, très rarement, se concrétiseront par une transaction.

«Après toutes ces années, je n'en reviens pas encore que des journalistes lancent qu'une équipe ou une autre soit à Montréal pour voir un joueur en particulier. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne», lance l'un des nombreux dépisteurs professionnels qui font régulièrement escale au Centre Bell pour épier les joueurs du Canadien et leurs adversaires du moment.

Plans bien établis

Comment ça marche, alors?

Un peu avant, pendant ou après la pause du match des Étoiles, les directeurs généraux des 30 équipes de la LNH ont réuni les membres de leur équipe de dépistage.

Ils ont établi un plan général.

Les équipes qui sont assurées d'une place en séries ont identifié leurs besoins afin de terminer la saison en force et de maximiser leurs chances de se rendre à la Coupe Stanley. Des besoins qui sont la plupart du temps complémentaires: un gars d'expérience pour évoluer sur un trio de soutien. Un défenseur capable de remplir diverses missions. Un centre défensif. Un patineur rapide. Un ou des joueurs qui seront en mesure de remplir un rôle immédiatement ou de prendre la relève en cas de blessure.

«Quand on retourne sur la route, on dresse des listes de gars susceptibles de remplir nos besoins. Comme on connaît les gars, c'est bien plus la qualité de leur jeu qu'on regarde que ce qu'ils peuvent donner. Sont-ils en forme? Sont-ils remis d'une blessure? Sont-ils dans un creux de vague? Si oui, un changement d'air pourrait-il les relancer? C'est là que notre expérience entre en ligne de compte. On doit voir au-delà de ce qui est évident sur la glace. On parle à du monde, on gratte un peu», explique un autre dépisteur.

Dans ce petit monde où tout le monde se connaît, voyage ensemble, mange ensemble et échange des informations règne aussi un petit côté secret. Car si les journalistes dressent toutes sortes de scénarios selon l'affluence et la provenance des dépisteurs professionnels, les vieux renards ne sont pas borgnes pour autant.

«On regarde ce que nos adversaires peuvent faire. C'est normal. Ça fait partie du jeu», ajoute un plus jeune qui apprend à composer avec les entourloupettes des plus vieux.

Sur place, à la télé, au cellulaire...

Une fois que chaque dépisteur a couvert son secteur - chaque équipe compte entre quatre et six dépisteurs professionnels qui quadrillent la LNH -, les rapports sont étudiés par le patron.

Certains, comme Pierre Gauthier - le DG du Canadien qui est un recruteur dans l'âme -, sautent alors dans le premier avion pour joindre leurs yeux à ceux de leurs dépisteurs.

D'autres, comme le grand manitou des Devils du New Jersey Lou Lamoriello, s'installent dans leur bureau pour comparer les notes de leurs dépisteurs à des dizaines de situations de jeu qu'ils ont fait isoler sur des bandes vidéo.

Ils jouent alors de la zapette et du téléphone. «C'est là qu'on doit être prêt. Car dans la danse des négociations, les choses peuvent prendre des directions inattendues. Sans oublier qu'une blessure peut tout changer d'un coup sec. Quand notre boss nous demande ce qu'on pense d'un gars ou d'un autre, on doit être prêt», ajoute un vieux routier qui a vécu ce genre de situation plusieurs fois.

Pour les équipes évincées des séries, les plans sont inversés. Les directeurs généraux demandent à leurs dépisteurs d'établir les listes des jeunes espoirs des autres organisations qu'ils voudraient voir aboutir dans leur vestiaire. Une fois ces listes établies, les DG frappent à la porte de leurs homologues avec, en mains, une offre qu'ils ne peuvent refuser...

Légendes urbaines

Ancien entraîneur-chef du Canadien et des Penguins de Pittsburgh, Michel Therrien s'est inscrit en faux la semaine dernière contre la conception populaire selon laquelle des joueurs sont parfois mis en vitrine par des équipes. Qu'ils sont utilisés à profusion pour permettre une meilleure évaluation.

«On ne m'a jamais demandé une chose semblable», a tranché Therrien sur le plateau de L'Antichambre, où j'avais un échange avec lui en marge de l'utilisation abondante de Tomas Plekanec en fin de semaine dernière.

«C'est une légende urbaine, mais on peut aussi faire comprendre à un coach qu'il devrait s'arranger pour bien faire paraître un gars s'il veut nous donner la chance de l'échanger. Surtout que des fois, cette demande vient du coach lui-même», ajoute un ancien directeur général adjoint.

Et les ventes de débarras? Les offres de joueurs présentées à toutes les équipes par l'entremise d'un courriel destiné aux 30 directeurs généraux?

«Ça arrive rarement. C'est en coulisse que tout se passe. On se connaît tous. On se croise régulièrement. On peut se joindre partout sur la planète en deux secondes par téléphone ou par courriel. Quand on prend nos décisions, ça bouge vite. C'est la préparation des décisions qui est longue. On ne veut pas se tromper. C'est là que nos gars de hockey sont importants. On doit se fier à notre instinct, mais on doit aussi se fier à toutes les informations qu'ils nous ont données. Ils passent l'année sur la route. Ils voient des matchs tous les jours ou presque. Le fruit de tout ce travail sera parfois un simple oui ou un non. Jamais un peut-être», a commenté un directeur général venu faire un petit tour au Centre Bell dernièrement.

On verra le 27 février à 15h (heure de l'Est) les conclusions de tout ce travail de dépistage. On pourra alors établir combien de centaines de rumeurs non fondées ont précédé chaque transaction complétée.