Des Jeux de Barcelone aux Jeux de Pékin en passant par ceux d'Atlanta, de Sydney et d'Athènes, Chantal Petitclerc a reçu chacune de ses 21 médailles paralympiques, dont 14 d'or, vêtue de rouge et de blanc.

Dans quelques mois, aux Jeux de Londres, la grande dame du sport canadien ajoutera du bleu à sa garde-robe.

Car bien qu'elle ait fait plusieurs fois le tour du monde dans un fauteuil immatriculé au Canada, Chantal Petitclerc a annoncé récemment qu'elle troquera l'unifolié pour l'«Union Jack»: elle sera entraîneuse de l'équipe paralympique d'athlétisme de Grande-Bretagne.

«Je ne pars pas pour toujours», lance Chantal Petitclerc en affichant le sourire qui la caractérise presque autant que ses bras puissants et les médailles vers lesquelles ils l'ont propulsée.

Mais elle part quand même.

Elle part entraîner des athlètes britanniques qui feront la vie dure à ses coéquipiers d'hier. Ils pourront compter sur ses encouragements, son expérience, ses conseils et mêmes ses petits secrets en matière de stratégie pour battre des jeunes Canadiens qui ont grimpé à bord de leurs fauteuils de compétition pour suivre les traces de Chantal Petitclerc et tenter de la rejoindre, un jour, sur une piste d'athlétisme.

Concours de circonstances

Le sourire charmant et charmeur de Chantal Petitclerc garde tout son éclat lorsqu'on lui demande d'expliquer cette défection. Une défection qui n'en est d'ailleurs pas tout à fait une. Car, après avoir été sollicitée par la fédération britannique, Chantal Petitclerc a informé le Comité paralympique canadien de l'offre que l'ennemi d'outre-mer venait de lui présenter. Une offre intéressante, associée à un défi enlevant.

Le comité canadien étant demeuré les pieds bien vissés dans les blocs de départ, Chantal Petitclerc a conclu que ce silence lui donnait le droit moral d'accepter une offre qu'elle ne voulait pas refuser.

«Ce n'est pas dans la culture canadienne de récupérer les athlètes une fois leur carrière terminée. Ça arrive, mais ce n'est pas systématique. J'ai donné trois semaines ou un mois à la fédération pour réagir. Pour me faire une contre-proposition. Je n'ai rien reçu. Je me sens donc très à l'aise avec ma décision, même si ce sera loin d'être évident de faire partie d'une autre équipe», a reconnu l'une des grandes athlètes ayant défendu les couleurs du Canada au cours des 25 dernières années.

«Je n'ai pas joué dans le dos du Canada dans cette affaire. Mon coach (Peter Eriksson) a été approché par les Anglais. Plusieurs autres coachs de l'équipe canadienne l'ont suivi. Les Jeux étant présentés chez eux, les Anglais mettent le paquet pour que ça fonctionne. Comme ils l'ont fait avec tous les autres entraîneurs approchés, les Anglais étaient très convaincants», convient l'athlète originaire de Saint-Marc-des-Carrières, près de Québec.

L'appel de la compétition

Chantal Petitclerc a célébré ses 42 ans jeudi. Les Jeux de Pékin, où elle a remporté cinq médailles d'or, en plus de réaliser deux records du monde - 27,52 secondes au 200 mètres et 1 minute 45 secondes 19 centièmes au 800 mètres - ont marqué la fin de sa carrière d'olympienne.

«Je suis à la retraite, mais je demeure une compétitrice dans l'âme et dans le coeur. Je ne peux me contenter de faire de la politique, de travailler dans les médias ou de faire des conférences. J'adore ces aspects de ma carrière, mais c'est autour d'une piste d'athlétisme que je suis bien. Que je suis à ma place. Le sport, c'est ma vie. Je veux me défoncer en le pratiquant de la façon la plus active possible. Cela a beaucoup joué dans ma décision.»

Chantal Petitclerc rejoindra sa nouvelle équipe au cours des prochaines semaines. «J'ai vraiment hâte. Pour le moment, j'ai des contacts avec les athlètes par l'entremise de Skype. C'est plaisant, mais ce le sera davantage lorsque je serai avec eux.»

Une fois de l'autre côté de l'Atlantique, la nouvelle entraîneuse retrouvera une trentaine d'athlètes susceptibles de se tailler une place au sein de l'équipe britannique. Une équipe qui lorgne une récolte d'une dizaine de médailles. Peut-être plus.

«On aura une bonne équipe avec de très beaux espoirs de médailles. Je pense entre autres à Shelly Woods, qui a terminé deuxième derrière moi à Pékin au 1500 mètres et qui a fini troisième au 5000.»

Les chances de médailles du Canada?

«Avec les départs de Dean (Bergeron), d'André (Beaudoin) et le mien, le Canada perd 10 médailles potentielles. Je pense qu'on peut dire que l'équipe canadienne est en transition. Mais il y a quand même plusieurs beaux espoirs: Josh Cassidy et aussi Diane (Roy), à qui je souhaite de tout coeur d'enfin remporter une médaille d'or. Elle le mérite tellement. Je serai dans le camp anglais aux prochains Jeux. Mais je garderai bien sûr un oeil sur ce qui arrivera à l'équipe canadienne.»

Une équipe à laquelle elle pourrait se joindre à titre d'entraîneuse une fois son contrat avec les Britanniques terminé?

«C'est bien évident que ça m'intéresserait», conclut Chantal Petitclerc en riant de bon coeur.

Pourvu que la prochaine fois, le Comité paralympique canadien ne la propulse pas vers un autre pays en tournant bêtement le dos à sa plus grande athlète...