C'est en multipliant les dénonciations que les victimes de la culture du viol en révèlent peu à peu l'existence. Mais c'est aussi en multipliant les dénonciations qu'on en viendra à bout, collectivement.

Le débat qui secoue les campus, la campagne électorale américaine, certains milieux de travail et même l'Assemblée nationale nous concerne tous, que nous soyons victimes ou agresseurs, témoins ou complices, femmes ou hommes.

Les femmes, évidemment, sont les premières interpellées, elles sont à l'origine des dénonciations et de cette libération en cours de la parole. Mais les hommes aussi sont interpellés.

En fait, les hommes sont particulièrement concernés par ces histoires troublantes. Tous les hommes.

Pour la plupart d'entre eux, il était encore facile de regarder ailleurs lorsque les cas d'agression les plus médiatisés concernaient des hommes en position d'autorité d'un certain âge, comme Dominique Strauss-Kahn et Marcel Aubut.

« Une autre époque », pouvait-on entendre. « Les mentalités ont changé », ajoutait-on. Après tout, la génération X n'a-t-elle pas été élevée avec ce souci constant d'une égalité stricte entre hommes et femmes ?

Mais depuis, les cas se sont multipliés à un rythme inquiétant, effrayant, effarant. Des cas qui s'éloignent du stéréotype du « mononc » ou du « déviant » à la Jian Ghomeshi. Des cas nombreux qui se manifestent un peu partout, notamment chez les jeunes, sur les campus...

Et soudainement, une dénonciation en amène une autre, telle une digue qui se fissure. Des fractures apparaissent dans une culture du silence qui, pour toutes sortes de raisons, en dissimulait une autre, celle du viol.

Une culture qui se révèle aux yeux d'un nombre grandissant de personnes. Une culture qui transforme les femmes en objets. Par un propos vulgaire. Un acte grossier. Un commentaire sexiste. Un geste qui n'attend pas le consentement.

Autant de choses qu'il est trop facile de minimiser en les réduisant à des « discussions de vestiaires », à des comportements de « jeunes sur le party » ou à une simple réaction à des femmes qui « l'ont cherché ».

Des justifications culpabilisantes qui, justement, participent de la culture du silence.

Ces comportements méritent plutôt d'être dénoncés, par les femmes, mais aussi par les hommes, qui ont tout intérêt à se distancier de ces gestes dégradants.

En exprimant leur désapprobation, les hommes appuient ainsi les victimes, mais enseignent aussi aux garçons où se situe la limite, empêchent les jeunes hommes d'aller trop loin, montrent l'importance de ce débat pour tout le monde, pas juste les victimes.

La croisade du rappeur Koriass est en ce sens exemplaire, ce « Natural born féministe » qui parcourt les écoles pour expliquer la signification du mot « non ». De la même façon, les sorties de personnalités comme Boucar Diouf, Adib Alkhalidey et Daniel Thomas qui ont tous trois dénoncé la culture du viol dans nos pages hier font avancer les choses dans la bonne direction.

Ramener les cours de sexualité à l'école est certes une idée à creuser en cette ère d'accès facile et universel à la pornographie. Mais par leurs dénonciations, tous les hommes ont le pouvoir de faire une différence. Dès maintenant.