Le suspense était tel, vendredi soir à Québec, qu'on n'a peut-être pas porté au discours du chef intérimaire du PQ l'attention qu'il méritait. Avant l'annonce du résultat, Sylvain Gaudreault s'est en effet permis quelques bonnes « recommandations » à celui qui s'apprêtait à être couronné.

Il faut garder de la perspective, de la hauteur, a-t-il conseillé. Il importe de placer les intérêts des Québécois au-dessus de tout. Et surtout, il faut « rester soi-même », être authentique, afin de contrer le cynisme ambiant.

Voilà des conseils qui s'appliquent à merveille au nouveau chef élu, Jean-François Lisée. Un chef qui aurait justement intérêt à « garder la hauteur » démontrée lors de son discours de victoire, à avoir à coeur les intérêts de tous les Québécois et à... redevenir « soi-même ».

Il n'a pas toujours été facile de suivre le cheminement de ce caméléon intellectuel, encore moins durant la course à la direction qui vient de se terminer. M. Lisée s'est perdu dans quelques mauvais raccourcis qui l'ont éloigné de l'ouverture dont il avait fait un objectif dans le passé.

Rappelons-nous le « conseiller de l'ouverture », titre qui témoignait de sa main tendue aux fédéralistes déçus alors qu'il était conseiller du premier ministre.

Rappelons-nous le « bon-ententiste », surnom donné par Jacques Parizeau pour réagir à l'ouverture dont témoignait le ministre Lisée aux anglophones et aux allophones. Une ouverture qui rappelait d'ailleurs le fameux discours du Centaur, qu'il avait rédigé pour Lucien Bouchard.

Rappelons-nous l'ouverture montrée à la diversité après la défaite de 2013, alors qu'il répudiait la charte des valeurs. Il reconnaissait que cette dernière avait nui aux souverainistes et qu'il était important, désormais, d'« envoyer d'autres signaux » aux communautés culturelles. Des signaux, croyait-on, qui ne comprenaient pas une chasse à la burqa, au burkini et autres cibles faciles pour qui veut tourner le fer dans la différence.

Bref, rappelons-nous qu'avant de brûler des ponts, le député péquiste en bâtissait. Avant de miser sur le repli, il tendait la main, se montrait ouvert et conciliant, sans aucune candeur ni naïveté.

Heureusement, dans son discours de vendredi soir, pas de traces de ce nationalisme identitaire, pas plus que d'insinuations et d'amalgames douteux au sujet d'Adil Charkaoui, de bombes ou d'AK-47 dissimulés sous quelques signes religieux ostentatoires...

Plutôt, Jean-François Lisée s'est présenté comme « le chef du rassemblement ». Tant mieux ! Un rassemblement qu'on souhaite maintenant large et généreux, applicable à tous les Québécois, pas seulement aux « forces indépendantistes » qu'il faudrait regrouper de toute urgence.

Le nouveau chef s'est aussi montré sous son jour le plus progressiste, laissant de côté le conservatisme avec lequel il a flirté ces derniers temps au profit de mesures positives, constructives, sur lesquelles il veut mettre la priorité à court terme, en lieu et place de l'indépendance.

Pendant la course à la direction, Jean-François Lisée a eu droit à une « transformation extrême », pour reprendre les mots de Louise Beaudoin. Transformation qui lui a fait perdre son arrogance et sa suffisance. On espère que sa victoire lui fera perdre son repli des mauvais jours.