J'ai honte quand je vois par quelle porte entrent les croisiéristes à Montréal. Ils pensent débarquer en plein coeur du Vieux-Montréal, mais non... On les reçoit plutôt dans un vieux hangar décati, qui manque d'amour et de peinture, qu'on n'a pas réaménagé depuis Expo 67 !

Qu'on ne s'étonne pas que le taux d'appréciation des touristes se retrouve dans le fond de la cale !

Ah, les croisiéristes adorrrrrrent Québec ! Ils aiment Trois-Rivières et Saguenay, ils apprécient Gaspé et Baie-Comeau.

Mais la métropole ? Bof...

Ce n'est quand même pas le pire port d'escale du Québec, un titre qui revient à Sept-Îles, selon la dernière édition d'un sondage bisannuel mené pour Tourisme Québec. Mais c'est tout juste : Montréal se classe avant-dernier...

Quand je vois donc, comme hier, une centaine de personnes réunies par un froid matin d'avril pour annoncer qu'on va enfin réhabiliter la jetée Alexandra et restaurer la gare Iberville, j'applaudis. Même si ça coûte cher.

Un peu de fierté, bon Dieu ! On a tellement de difficulté avec nos portes d'entrée, à Montréal. On soigne le Vieux, on développe le centre-ville, mais on néglige trop souvent les portes et les voies qui mènent à ces trésors.

Tant mieux, donc, si Québec et Montréal sont prêts à partager la facture de la nouvelle gare maritime avec le Port de Montréal. Tant mieux, car sans eux, il n'y en aurait pas de projet, puisqu'Ottawa a refusé d'embarquer.

Tout de même assez ironique : une organisation de responsabilité fédérale a annoncé hier la réhabilitation d'une infrastructure fédérale, sans argent fédéral, sans appui fédéral, sans même une présence fédérale.

Remarquez, personne ne s'est plaint ouvertement de l'absence du gouvernement Trudeau, personne ne voulant se brouiller avec lui aussi tôt dans son mandat. Mais je peux vous dire qu'en coulisses, c'est l'incompréhension quasi générale, peu importe les raisons technico-administratives évoquées par Ottawa.

Dans ces circonstances, la bonne nouvelle est donc encore meilleure : Québec et Montréal n'ont pas fait traîner leur investissement sur le sol fédéral, même s'ils savaient que le fédéral refusait de mettre un sou dans le projet.

Ils ont embarqué au bon moment pour que les croisiéristes soient nombreux en 2017 pour les festivités du 375e anniversaire. Ils ont aussi embarqué au bon moment pour que Montréal aille chercher une portion de plus en plus grande de la manne des croisières.

Ce qui n'est pas gagné : la métropole a beau avoir attiré plus de croisiéristes que jamais l'an dernier, elle n'en a accueilli que 71 000. Pas beaucoup, ça...

À 78 millions de dollars pour moins de 78 000 visiteurs par année, ça fait donc cher la tête de pipe, soyons honnêtes. Mais la réhabilitation du quai et de la gare en vaut néanmoins la peine quand on sait que les croisières représentent le segment touristique qui connaît la plus forte croissance.

Je sais bien que Montréal, ce n'est pas les Caraïbes. Mais ça n'empêche pas la métropole d'être sur la liste d'un nombre croissant de voyagistes, étant donné la diversification de plus en plus grande des croisières et la popularité des couleurs automnales dans le nord-est de l'Amérique.

Ajoutez le fait qu'un bateau de croisière, c'est payant pour le port d'escale. L'équipage et les croisiéristes dépensent en mettant le pied à terre, mais il y a aussi les achats en biens et services des sociétés de croisière, les frais payés pour les services portuaires, les emplois créés dans le port, etc.

Bravo, donc, au gouvernement Couillard et à l'administration Coderre qui ont accepté d'embarquer aujourd'hui pour des bénéfices potentiels plus tard.

Le risque en vaut certainement la chandelle. D'autant que la dernière mouture du projet de réaménagement de la firme Provencher_Roy est fort prometteuse. Il y a cette gare moderne, tout en vitres, qui accueillera les visiteurs avec classe. Mais il y a aussi ce nouvel accès à l'eau que permettra une esplanade qui descend vers le fleuve. Il y a ce toit vert qui se transformera en espace public d'où l'on pourra observer les bateaux de croisière et leurs équipages. Et il y a cette tour, beaucoup plus haute que la tour des Convoyeurs, qui permettra de rentabiliser les nouvelles infrastructures avec commerces et observatoire.

Un beau projet pour les Montréalais, donc, qui auront un plus grand accès au quai et au fleuve. Un beau projet aussi pour les croisiéristes, qu'on va enfin cesser d'accueillir par la porte de service qui grince...