Je vous l'annonce en primeur: Denis Coderre se représente en 2017.

Zéro surprise, avouons-le. L'homme est à sa place au municipal. Il est «dans sa zone». On le sent, on le sait. Et on n'est donc pas étonné quand il déclare déjà, à mi-mandat, vouloir se représenter.

«Ça sent ça, oui, m'a-t-il confié dans son bureau lambrissé de l'hôtel de ville avant de partir en Chine. Je suis bien où je suis. Je sais que je peux servir, être utile. Je vais continuer tant que les gens vont me donner leur confiance.»

Certains pensent qu'il rêve secrètement de Québec et d'Ottawa. Pas moi. Il ne quittera pas la ville pour le gouvernement, simplement parce qu'il a fait de sa ville un gouvernement. De proximité.

Il est sur le terrain, il visite les arrondissements le dimanche, il répond aux Montréalais sur Twitter, LCN, CTV. Il fait sa job de maire. Mais parallèlement, il se positionne en maire des maires, en «premier maire» en quelque sorte, en présidant la région (il mène de front les dossiers de pipelines), en tendant la main aux régions (pour qui il construira une «maison» à Montréal) et en prenant sa place parmi les régions du monde (par des missions et des événements comme le sommet Vivre ensemble).

Le maire Coderre donne de la hauteur à sa fonction. Et ce n'est pas fini. Il m'a annoncé que le mois prochain, il va briguer la présidence de Metropolis, ce club prestigieux des 140 métropoles de la planète...

Denis Coderre en mène large, donc, de plus en plus large. Avec ce que cela amène de bons... et de moins bons côtés.

Tous ceux qui travaillent avec lui vous le diront, Denis Coderre est infatigable. Il ne dort pas plus de quatre heures par nuit. Et le reste du temps, il travaille. De 14 à 17 heures par jour. Sept jours sur sept.

Un horaire atypique qui lui permet de tweeter et de mâcher de la gomme en même temps, d'être sur les réseaux sociaux et sur le terrain, comme le démontre son bilan de mi-mandat.

Son plus grand accomplissement, au-delà du dynamisme insufflé à la ville, c'est d'avoir mis de l'ordre dans la maison. Sur le plan éthique, administratif, budgétaire. Ce que vient de saluer Standard&Poor's en rehaussant la cote de crédit de la Ville.

«Je voulais qu'on tourne la page, qu'on se remette à croire en Montréal. C'est fait», s'est réjoui le maire.

Parallèlement, il a lancé de grands projets, Sainte-Catherine, Bonaventure, square Viger. Il a rebâti les ponts avec Québec et Ottawa. Il a mené à terme des plans et politiques, sur le taxi, les déchets, le déneigement, la ville intelligente, le Quartier des gares. Il a fait progresser les dossiers de baseball, de Formule 1, de l'itinérance, du 375e.

Autant de dossiers qu'il a su diriger, améliorer, débloquer... parce qu'ils lui tenaient à coeur, à lui.

Le maire Coderre est un hypermaire. Il s'occupe de tout, il met son nez partout, avec ce que cela amène d'agitation, d'éparpillement, de manque de «focus».

Ses succès, ce sont donc ses marottes, et celles de ses plus proches collaborateurs. Le sport, le taxi? Le maire Coderre. Le ménage, la simplification de la machine? Le DG Alain Marcoux. Le budget, le redressement fiscal? Le président de l'exécutif, Pierre Desrochers. Le réaménagement de Bonaventure et du square Viger? Richard Bergeron.

Pour le reste, le bilan est plus diffus, moins glorieux même, soit parce que le maire ne délègue pas assez, soit parce qu'il ne fait pas confiance, soit parce qu'il n'a pas nommé les bonnes personnes.

Je pense au patrimoine, à la Maison Redpath, au village des Tanneries, à la Maison Alcan. Je pense au développement économique, qui n'a pas encore eu l'attention qu'il mérite. Je pense à la transparence, qui a souvent fait défaut, du déversement à l'amphithéâtre du parc Jean-Drapeau.

Et je pense, surtout, au transport en commun, parent pauvre de son mandat. En plus de l'autopartage et du service de bus qui écopent, il n'y a actuellement aucun grand projet de transport en commun sur les rails. AUCUN.

Le SLR Champlain est à l'étude. Même chose pour le train de l'Ouest. Même chose pour le prolongement de la ligne bleue. Et on continue de reporter le SRB Pie-IX, qui n'est pas tant un projet en cours qu'un projet en retard.

Il suffit donc qu'un enjeu soit dans l'angle mort du maire et de ses fidèles pour qu'il soit dans l'angle mort de la Ville. Le show Coderre de la première année s'est donc muté en one man show la deuxième.

Il y a du bon là-dedans. Le maire est un leader, un excellent chef d'orchestre, qui sait diriger ses proches collaborateurs, user de poigne et d'autorité. Mais comme un chef d'orchestre, justement, il ne peut exercer son métier seul avec sa baguette.

Demain: le bilan de mi-mandat des maires de Laval et de Longueuil.

Leadership 10/10

L'expérience ministérielle de Denis Coderre l'a manifestement bien préparé pour diriger Montréal avec poigne. Bravo.

Transparence: 5/10

Le déversement des eaux usées est un fiasco en termes de communication, mais aussi de transparence. Même chose avec les investissements de 70 millions au parc Jean-Drapeau, dont le gros morceau profitera à une entreprise privée... sans grande justification.

Centre-ville: 7/10

Il y a du bon, le Quartier des gares, Bonaventure, square Viger, Sainte-Catherine. Et il y a du moins bon: la Maison Alcan et le recouvrement de Ville-Marie, où on a laissé le MTQ imposer ses bretelles d'accès. Et on va quand même dépenser 100 millions, vraiment?

Sport: 10/10

On croyait l'idée du retour des Expos farfelue. Elle ne l'est plus.

Transport: 4/10

Le maire a développé le réseau cyclable, mais il a freiné le développement de l'autopartage et il a coupé les budgets de la STM dans sa première année. Pire, il ouvre la porte à un immense retard dans le développement du réseau: il n'y a aucun projet de transport en commun lourd sur les rails.

Taxis: 8/10

Imposer l'uniforme? L'ouverture de la portière? L'acceptation des cartes de crédit? Oui! De bonnes mesures pour une industrie qui avait oublié jusqu'à l'utilité du service à la clientèle.

375e: 6/10

À part la promenade fleuve-montagne, la plupart des projets prévus pour le 375e verront le jour après le 375e : recouvrement de Ville-Marie, Sainte-Catherine, parc Jean-Drapeau... On reporte les festivités en 2019?

Finances: 10/10

Ça semble banal, mais la hausse de la cote de crédit de Montréal par Standard&Poor's signale que la Ville est sur le droit chemin avec ses liquidités, son faible endettement et sa performance budgétaire.

Communauté métropolitaine: 9/10

Mine de rien, le maire Coderre prend son rôle de président de la CMM au sérieux, comme en fait foi la maîtrise des dossiers de pipeline Enbridge et Énergie-Est.

Patrimoine: 5/10

Bibliothèque Saint-Sulpice, sauvée. Mais Maison Redpath, démolie. Village des tanneries, rasé. Et Maison Alcan, menacée.

Total: 74/100