Si je me fie à vos messages, il y a deux types de réactions à mes chroniques sur le blizzard de Boston.

Il y a ceux qui considèrent que j'ai perdu mon temps à couvrir une banale chute de neige. «Demain, ironise Marc-André Audet sur Twitter, il va faire beau en Floride. La Presse envoie trois journalistes...»

Pas vilain, comme idée.

Et il y a ceux qui veulent en savoir plus sur un point bien précis: l'obligation faite à tous les Bostoniens de pelleter le trottoir. «Je trouve que c'est une bonne idée», m'écrit Mireille Arvisais, qui voit là une piste de solution pour Montréal.

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On s'entend, je ne suis pas parti à Boston pour apprendre comment on déneige une ville. Montréal aurait besoin de resserrer ses opérations, mais elle sait y faire.

J'ai couvert le «Snowmageddon» comme un journaliste de Boston aurait couvert le verglas à Montréal en 1998: pour témoigner des efforts d'un voisin face au déchaînement de mère Nature (66 cm de neige, quand même).

«Ça doit faire du bien au journaliste de s'évader des problèmes montréalais», m'écrit Michel Danis. Peut-être, mais c'est justement parce qu'on «s'évade des problèmes montréalais» qu'on les voit soudain sous un autre jour.

En observant les opérations de déneigement de Boston ainsi que les réactions des citadins, je n'ai pu m'empêcher de noter leur grande confiance envers les autorités (ça fait changement). J'ai vu à quel point le déneigement peut se faire vite quand tous les déplacements sont interdits (chose impensable à Montréal, où le métro est resté ouvert même pendant la tempête du siècle, en 1971).

Et j'ai été frappé par la grande discipline des Bostoniens (qui contraste avec notre indiscipline). À peine une centaine de voitures ont dû être remorquées pour le déneigement, ces derniers jours. Lors de la dernière tempête à Montréal, on a remorqué plus de 1000 voitures... juste sur le Plateau!

Mais Mireille Arvisais a raison, ce qui est le plus surprenant, c'est le fait que les Bostoniens s'occupent de leur portion de trottoir.

Mais il faut dire que ceux qui ne le font pas se voient infliger une amende de 100$...

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Pas de cols bleus qui déneigent les trottoirs, à Boston et dans les environs. La responsabilité revient aux propriétaires résidentiels et commerciaux, qui doivent suivre des consignes bien précises...

«Selon la loi, vous devez enlever la neige et la glace des trottoirs qui jouxtent votre propriété au moins trois heures après la fin de la précipitation, ou, si la neige est tombée durant la nuit, au moins trois heures après le lever du soleil», écrit la Ville de Boston à ses citoyens.

«Les contrevenants seront passibles d'une amende», ajoute-t-elle. Une amende liée à la quantité de neige laissée sur le sol...

Plus concrètement, un corridor d'au moins 42 pouces (106 cm) doit être déneigé. La glace doit être enlevée ou nivelée, en plus d'être traitée aux abrasifs. Et les bornes d'incendie doivent être dégagées.

«C'est la loi, et elle est respectée dans la région, m'explique Leonie Marinovich, résidante de Cambridge. Les gens prennent cela au sérieux. Il y a d'ailleurs une application qui a été créée pour aider ceux qui ne peuvent pas déneiger.»

Un site web (snowcrew.org) dont le slogan donne une bonne idée de la différence culturelle qui distingue Montréal de Boston: «Aidez votre voisin à pelleter...»

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Il y a cependant une face sombre à cette implication civique: la menace de poursuite...

Car nous sommes aux États-Unis, après tout, société hyper judiciarisée. Les gens pellettent par civisme, mais aussi pour ne pas être poursuivis par un quidam qui aurait le malheur de glisser devant chez eux.

«Ce n'est pas la raison pour laquelle les Bostoniens déneigent le trottoir, précise Cathryn Clüver, Bostonienne d'adoption, mais disons que c'est une mesure incitative...»

Cathryn Clüver en sait quelque chose. Elle a été membre d'un jury qui a eu à trancher une cause liée à une plaque de glace. «Une dame est simplement tombée devant chez sa copine. Et elle n'a pas hésité à la poursuivre, raconte-t-elle, sourire en coin. Nous avons finalement décidé que le nettoyage avait été raisonnable.»

Mais pour éviter de se rendre jusque-là, la plupart des propriétaires déneigent leur terrain et le trottoir. Quitte à embaucher une entreprise pour le faire.

Il faut dire que la Ville est claire à ce sujet: elle ne fait pas de cadeau. Peu importe l'intensité du blizzard.