La tempête Juno n'a pas marqué l'histoire à New York, mais a durement frappé Boston, paralysé par 60 cm de neige. Dans les rues, pas une voiture. Tous les déplacements jugés non essentiels ont été interdits. Au Massachusetts, des digues ont cédé, causant des inondations. Des répercussions se sont fait sentir dans l'est du Canada.

Dans le tunnel de la station de métro Copley, pas un bruit. Pas de métro en vue. Pas un usager sur le quai. Le guichet est vide, les ventilateurs sont à l'arrêt, les panneaux indicateurs sont éteints.

On est en pleine heure de pointe matinale. Et le métro est fermé, comme l'ensemble de la ville.

En ressortant à la surface, d'où provient le bruit sourd des déneigeuses, on mesure l'étendue de la tempête. Un blizzard sévit, un vrai.

On est à Boston, mais on se croirait à Montréal ou à Québec... si ce n'était l'absence totale de voitures dans les rues. La ville est figée, comme dans le film The Day After Tomorrow.

La rue Boylston, l'équivalent de la rue Saint-Denis, est toute blanche. Pas une auto ne roule dans cette artère normalement achalandée, pas un taxi, pas un bus. Pas une auto n'est garée non plus.

Depuis lundi, minuit, tous les déplacements qui ne sont pas jugés essentiels sont interdits, de même que le stationnement sur rue. Comme si, à Montréal, on empêchait la circulation sur Jean-Talon et sur Sainte-Catherine... et dans toutes les rues qui se trouvent entre les deux!

Ne reste que la marche, qui est pénible. Les rares piétons empruntent les artères, évitent les quartiers résidentiels, complètement impraticables. Dans Bay Village et le Chinatown, les voitures sont entièrement enfouies sous la neige.

Ceux qui se trouvent à l'extérieur se photographient immanquablement, le temps d'un «snowfie». La tempête atteint des records et tous veulent l'immortaliser. Les t-shirts «I survived the Snowmageddon» devraient suivre.

À part les 7-Eleven, tous les commerces sont fermés. Même les Starbucks. En fait, un seul a ouvert sa porte. Et une queue s'est formée devant dès que l'info a circulé sur les réseaux sociaux...

Au centre-ville, pas une âme. L'énorme South Station, le coeur du réseau de transport, semble abandonnée. À l'intérieur, deux gardiens et une vingtaine de sans-abri, dont certains ont installé leur couchette directement dans la salle principale. Mais aucun voyageur, aucun train, aucun employé.

Boston est une ville fantôme. Par choix.

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Du haut de notre nordicité, on aime bien regarder les autres se dépatouiller avec la neige, un sourire en coin.

On regarde Boston et on rigole en voyant la réaction des citoyens. On regarde la soi-disant «Snowpocalypse», et on se dit que nous, à Montréal, on vit ça chaque semaine...

Eh bien non, on ne vit pas ça chaque semaine. La tempête Juno a peut-être épargné New York, mais à Boston, elle a frappé comme peu de tempêtes frappent au Québec. Encore plus sur la côte, où les vents ont soufflé jusqu'à 125 km/h à Nantucket, Cape Cod, Martha's Vineyard.

Ce blizzard, ça ne se voit peut-être pas à la télévision, se distingue des nôtres. Par sa durée, d'abord: il aura neigé pendant plus de 30 heures, sans arrêt. Et par son accumulation: il sera tombé plus de 60 cm de neige. Soit plus que ce que reçoit Montréal... en un mois!

En fait, c'est l'équivalent de deux tempêtes consécutives. Dans une ville peu habituée aux tempêtes.

D'où l'état d'urgence. D'où la fermeture de la ville, des écoles, des commerces et du réseau de transport en commun. D'où l'interdiction de circuler et de stationner, qui aura finalement été imposée pendant 24 heures. Sans critiques ni reproches.

La mesure est draconienne, pleine d'effets négatifs, lourde de conséquences. Imaginez la réaction à Montréal si on interdisait la circulation ne serait-ce que dans quelques rues? Si on empêchait les autos de circuler ne serait-ce que deux ou trois heures?

Im-pen-sable.

Et pourtant, ici, la mesure va de soi. Elle est même applaudie, comme elle l'a été lors de la tempête Nemo, en 2013.

«On est habitués, en Nouvelle-Angleterre, de recevoir de tels ordres et d'y répondre avec calme et discipline, explique Cathryn Clüver, directrice d'un programme de recherche en diplomatie militaire à Harvard. L'ancien gouverneur Deval Patrick [en poste de 2007 jusqu'au 8 janvier dernier] y est pour beaucoup. Il donnait toujours ses consignes avec calme et confiance, et cela se fait encore sentir aujourd'hui.»

La chose était en effet frappante, hier. La ville était tranquille, les citoyens étaient disciplinés. Le nombre de remorquages était négligeable. Les rares passants évitaient de nuire aux déneigeuses. Ils étaient nombreux à pelleter leur bout de trottoir, comme la loi les y oblige. Et nulle part n'entendait-on de critiques sur la fermeture de la ville et des rues.

«Il faut remonter au blizzard de 1978 pour comprendre la réaction positive des Bostoniens, selon Ryan Hutton, un photographe qui travaille à North Andover, petite ville au nord de Boston. Les gens n'avaient pas écouté les consignes à l'époque, et les conséquences avaient été désastreuses [plus de 100 morts et 4500 blessés]. Tout le monde s'en souvient, ici...»

Les Bostoniens ont donc sagement sorti livres et jeux de société. Ils ont sorti pelles, skis et raquettes. Avec le sourire, malgré les interdits, les fermetures et la quantité de neige à pelleter.

«Pas pour rien, souligne Cathryn Clüver, que le slogan de la ville est «Boston Strong»...»

La tempête en centimètres

1. Massachusetts

La ville de Worcester a été la plus touchée, avec des précipitations de neige atteignant 84 centimètres. D'autres municipalités ont également reçu des dizaines de centimètres.

2. Connecticut

Trois municipalités de l'État ont reçu plus de 50 centimètres de neige. Les précipitations dans la municipalité de Windham ont même atteint 80 centimètres.

3. Maine

Les chiffres les plus récents prévoient que de 50 à 60 centimètres de neige se seront accumulés dans la Ville de Portland. Certains endroits dans le secteur recevront même plus de 91 centimètres de neige.

4. Rhode Island

Les précipitations reçues dans l'État varient entre 40 et 60 centimètres. Providence a été la plus touchée, avec 60 centimètres.

- Jasmin Lavoie