L'entendre de la bouche du premier ministre m'a fait un bien immense: le réseau de transports en commun de Montréal n'est pas à la hauteur, il fait honte à voir, il fait «pic-pic», surtout entre l'aéroport et le centre-ville.

Bon, il n'a pas dit «pic-pic». Mais pas loin.

«Quand on a vu d'autres capitales dans le monde, on est un peu mal à l'aise quand on atterrit chez nous et qu'on se rend au centre-ville, a avoué Philippe Couillard mardi. Ce n'est pas à la hauteur de ce qu'on voit ailleurs. Et il n'y a pas de raison que ça ne le soit pas.»

L'objectif, en impliquant la Caisse de dépôt dans le développement du transport urbain dans la métropole, a dit le premier ministre: «Cesser de rougir en regardant ce qui se fait ailleurs.»

Ça fait plaisir à entendre... même si les propos de M. Couillard ont quelque chose d'ironique. Doublement ironique, même.

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C'est vrai qu'en revenant de voyage, on se demande souvent pourquoi notre réseau de transport urbain est si peu attrayant.

On se demande pourquoi Lyon et Munich ont de superbes réseaux de transports en commun tout neufs, mais pas nous. Pourquoi les aéroports de Vancouver et de Londres sont-ils aussi bien desservis par les transports collectifs? Pourquoi Melbourne et Kansas City sont-ils capables de se payer des tramways? Pourquoi Bogotá et Porto sont-ils dotés de réseaux publics rapides et efficaces?

La première ironie des propos de M. Couillard, elle est là: plusieurs de ces villes qui nous font rêver doivent en partie leur réseau de transport urbain aux Québécois et à leur régime de rentes!

Ça fait déjà 15 ans que la Caisse permet de mettre en oeuvre ces projets, «ailleurs», qui nous font rêver. Quinze ans que notre bon vieux bas de laine permet d'investir dans des projets comme le train léger de Vancouver, le tramway de Melbourne, le lien ferroviaire de l'aéroport Heathrow.

Quinze ans pendant lesquels le réseau de transports en commun lourd dans l'île de Montréal n'a connu aucun développement. Aucun.

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Et pas besoin de visiter les grandes mégapoles du monde pour rougir: il n'y a qu'à se promener au pays.

Montréal a la chance de compter sur un métro relativement étendu qui lui donne une longueur d'avance sur les autres grandes villes du Canada, mais depuis quelques années, ces dernières rattrapent leur retard avec l'aide du fédéral.

De 2007 à 2014, Ottawa a en effet offert aux provinces de puiser dans les milliards du Fonds Chantiers Canada pour «améliorer la qualité de vie des Canadiens». Elles pouvaient financer toutes sortes de projets.

À Vancouver, on s'en est servi pour consolider le réseau de trains de banlieue et financer en partie la Canada Line (eh oui!). À Calgary, on a amélioré une gare de train léger et on a mis en place une ligne de bus express. À Toronto, on a remis en état la gare Union et on a prolongé la ligne de métro Toronto-York Spadina.

Et qu'a fait le gouvernement du Québec? Il a pris l'argent du fédéral et l'a mis... dans les routes.

Selon une analyse de l'Alliance pour le financement des transports collectifs au Québec, il a prolongé des routes (73, 185, 175, 30), reconstruit des bouts de routes (440-740, 20, 25) et amélioré des infrastructures liées aux routes (720, 109, 364).

Rien pour les transports en commun, sinon des grenailles pour réparer la ventilation du métro...

Le libéral Philippe Couillard se plaint donc aujourd'hui de l'état du réseau de transports collectifs, avec raison. Mais les libéraux, ironiquement, n'y sont pas étrangers.

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Pas sorcier, on se contente d'un gros projet lourd par décennie, à Montréal: la ligne bleue dans les années 80 (dernier investissement en transports en commun lourd dans l'île), les trains de banlieue dans les années 90, le métro vers Laval dans les années 2000 et le train de l'Est dans les années 2010.

C'est dans ce contexte que doit être appréciée l'implication de la Caisse de dépôt, façon détournée de donner la priorité aux transports en commun. Surtout si elle débouche sur l'implantation d'un réseau de tram-train d'ici 2020, un hybride entre le train et le tramway.

On n'a pas assez souligné, mardi, la synergie potentielle entre le lien vers la Rive-Sud et celui vers l'Ouest, deux tracés qui convergeraient au centre-ville. On pourrait ainsi privilégier une seule technologie et se retrouver avec l'embryon d'un réseau de tramway qui profiterait autant à Montréal qu'à sa périphérie.

La technologie tram-train a bien des avantages. Elle est moins brutale que les trains légers sur pilotis. Elle s'insère plus doucement en ville. Elle contribue davantage au développement immobilier. Et elle permet l'ajout d'extensions en mode tramway.

Voilà qui a le potentiel de ramener Montréal parmi les villes dotées d'un réseau de transport urbain moderne et efficace. Un réseau qui fait moins «pic-pic».