On est à quelques jours de Noël. Les consommateurs veulent consommer. Les retardataires se bousculent. C'est LA période la plus importante pour les commerçants.

Et pourtant, la rue Sainte-Catherine fait pitié.

Le mot est dur, mais juste. Car après avoir arpenté l'artère de long en large cette semaine, je ressentais une grande honte devant l'état de malpropreté de l'artère la plus connue et la plus visitée de la métropole. Et ce, en pleine période des Fêtes.

Je me suis promené toute la journée entre la rue Crescent et le square Phillips, lundi dernier. J'ai ouvert les yeux. J'ai pris soin de noter les opérations de nettoyage, et qu'ai-je vu?... Rien. Pas un balai, pas un col bleu, pas un préposé au ménage de la journée.

À 10h, les poubelles débordaient des déchets du week-end. Et en fin de journée, alors que les cols bleus étaient affectés au déneigement, elles débordaient toujours.

Seule différence: ces petits monticules d'emballages et de verres de carton qui s'étaient formés sur les poubelles... et tout autour lorsque l'amoncellement avait eu le malheur de s'écraser au sol (d'ailleurs, pourquoi se permet-on de jeter des déchets au sol quand il y en a déjà? Je ne comprends pas).

Oui, il y avait bien quelques rares poubelles qui ne vomissaient pas leurs ordures. Mais celles-ci étaient entourées de sacs verts. Eux-mêmes remplis d'ordures

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Atterré, j'ai poursuivi mon observation en me mettant à la place d'un touriste qui débarque sur la Sainte-Cath.

Misère...

Les décorations de Noël suspendues aux lampadaires sont au mieux banales. Le trottoir est un tapis de petits cailloux. Et tout autour, on voit une malpropreté, encore une fois, affligeante.

Les bornes de stationnement sont couvertes de tags, de même que les boîtes aux lettres et les téléphones publics. Les boîtes noires électriques sont tapissées de gribouillis qui semblent remonter à l'époque du break dance. Quelques arbres coupés à un mètre du sol semblent attendre je ne sais quel bûcheron.

En face du magnifique édifice de La Baie, un kiosque couvert de graffitis. Quelques pas plus loin, en face de l'ancien Eaton, un chantier à l'abandon. De gros blocs de béton oubliés dans la rue. Une portion de trottoir éventrée. Des barrières et des cônes orange, aussi, qui obligent les piétons à faire la file pour passer un à un.

Plus à l'ouest, le scénario est similaire. Le chantier du futur Aritzia s'avance sur le trottoir. Des cônes orange traînent au sol. Une colonne publicitaire érigée au milieu du trottoir laisse à peine trois pieds de large aux passants, qui doivent là encore faire la queue pour passer au compte-gouttes.

Comment dites-vous? Le DIX30 livre une concurrence «déloyale» à la «plus grande artère commerciale au Canada» ?

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En observant ce spectacle désolant, je me suis rappelé la sortie de Charles Lapointe, en 2007. Alors président de Tourisme Montréal, il avait profité de sa tribune à la Chambre de commerce pour dénoncer haut et fort «les petites horreurs» qui enlaidissent la ville.

Devant un maire Tremblay rouge de colère, il avait montré du doigt les rues sales, les lampadaires aux ampoules brûlées et les arbres ayant laissé place à des trous béants. Cette sortie avait alors propulsé la propreté au rang de priorité.

Est-on revenu à la «ville sale» de l'époque? Quand même pas. Mais je constate que les belles intentions estivales disparaissent dès que le mercure tombe au-dessous de zéro. Comme si la saison froide était une bonne raison d'arrêter de prendre soin de la Sainte-Catherine...

On arrête de nettoyer les graffitis comme si les graffeurs prenaient congé en hiver.

On laisse les abrasifs sur le sol de novembre à mai comme s'il était normal de marcher sur des tapis de gravier et de sel.

On réduit de moitié la brigade de propreté comme si les détritus disparaissaient dans les bancs de neige.

Et dès qu'il y a une tempête, on transfère au déneigement les cols bleus affectés au nettoyage comme si la propreté était un luxe qu'on se permettait seulement quand il y a des employés de libres

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Allez pourtant à Boston ou Chicago. Allez à Paris, où les cols bleus prennent les rues d'assaut chaque matin. Allez à Toronto, où l'hiver complique là aussi la tâche. Et partout, vous verrez des rues commerciales aussi propres que le plus propre des centres commerciaux.

N'a-t-on pas la même fierté?

Pourquoi accepte-t-on ces horribles poubelles toujours ouvertes au grand vent? Pourquoi ne les vide-t-on pas plus souvent? Pourquoi sont-elles aussi laides et sales?

Pourquoi ne prend-on pas la peine de nettoyer les abrasifs lorsque le temps se radoucit? Pourquoi n'exige-t-on pas que les Postes Canada, Bell et Stationnement de Montréal nettoient leurs équipements les plus exposés à la vue?

Pourquoi semble-t-on attendre le grand réaménagement de la rue Sainte-Catherine en 2017 pour agir quand il suffirait de quelques ajustements pour profiter d'une artère propre?

Bref, pourquoi le maire de l'arrondissement de Ville-Marie, un certain Denis Coderre, tolère-t-il que la principale artère commerciale de sa ville soit si sale?