Le gouvernement Couillard jure que la décision n'est pas prise. Qu'il arrêtera son choix dans les prochaines semaines. Qu'il doit encore soupeser le pour et le contre d'une desserte par bus ou par train sur le futur pont Champlain.

Je ne le crois pas une seule seconde.

Le ministre Poëti, manifestement, a déjà choisi son camp, celui - roulement de tambour - d'un service par bus, malgré les recommandations contraires de l'étude d'AECOM, dévoilée hier.

Pièce à conviction n° 1

Philippe Couillard n'a, jusqu'ici, jamais parlé d'un système léger sur rail (SLR), se contentant d'évoquer la nécessité de doter le futur pont d'«un transport en commun en site propre». Façon de dire que ce sera le bus, sans s'aliéner les maires et banlieusards qui exigent un train léger.

Pièce à conviction n° 2

Les deux seuls projets de transport collectif évoqués avec un tant soit peu de détails par Philippe Couillard et son ministre Robert Poëti ne concernent pas la Rive-Sud. En campagne, le premier a chanté les louanges du... bouclement de la ligne orange à Laval! Et le second ne parle que du train de l'Ouest depuis sa nomination. Laval et l'Ouest qui, par pur hasard, ont voté rouge aux dernières élections.

Pièce à conviction n° 3

Le ministre des Transports s'est dépêché de réagir à la divulgation du rapport d'AECOM non pas pour accueillir cette matière à réflexion, mais plutôt pour préciser que la facture du service par bus a été «rectifiée» à la baisse depuis 2013. Qu'aucun budget n'a été prévu pour le SLR par le précédent gouvernement. Et que ce n'est pas l'AMT (et son patron péquiste) qui dictera ses choix...

Bip, bip, bip... Entendez-vous?

C'est le son du SLR que le gouvernement est en train de reculer dans le garage. Définitivement.

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Le SLR est un projet pour les propriétaires de bungalows! Il récompensera ceux qui s'installent loin de l'île! Il stimulera l'étalement urbain!

À en croire ses opposants, le train léger serait un projet conçu pour la banlieue et donc, forcément, contre Montréal, qui se verrait ainsi dépouillé de millions de dollars.

Plus loin de la vérité, on te convoque à la commission Charbonneau...

Le SLR est un projet autant pour Montréal que pour les couronnes. En fait, j'oserais même dire que c'est le premier véritable projet de transport en commun métropolitain.

Le prolongement du métro à Laval sert, évidemment, Laval. La ligne jaune vers Longueuil dessert Longueuil. Et le réseau de trains de banlieue est utilisé par la banlieue. Rares sont les Montréalais qui profitent de ces moyens de transport.

En revanche, le train léger électrique, même s'il servirait principalement aux banlieusards, apporterait autant de bénéfices à la métropole qu'à la Montérégie. C'est d'ailleurs le principal constat de l'étude d'AECOM, qui détaille les conséquences qu'entraînerait l'abandon du SLR... pour Montréal.

En raison de la poussée démographique à prévoir en banlieue, la demande pour le transport en commun dépassera en effet les 16 000 passagers par heure par direction lors de l'ouverture du futur pont, soit le double du nombre d'usagers actuels.

Soit ces navetteurs entreront sur l'île de façon ordonnée par train léger, soit ils s'entasseront dans 900 autobus chaque matin, provoquant un afflux quotidien au centre-ville d'un bus de 50 passagers toutes les 12 secondes!

Le réseau étant déjà saturé, cela se traduirait par un paquet de travaux d'infrastructures dans l'île «presque aussi importants que pour un SLR», précise AECOM. Un nouveau terminus au centre-ville, principalement, et des rues étagées (ou en tunnel) pour donner un accès direct à ce dernier.

Que ces travaux coûtent 890 millions (comme l'affirme le rapport) ou 1,2 milliard (comme le prétend le cabinet Poëti) n'y change strictement rien: Montréal n'aura d'autre choix que d'accueillir deux fois plus de bus qu'à l'heure actuelle... même si c'est déjà le bordel avec 450 autobus!

Or à l'inverse, si on opte pour le SLR, ces 900 autobus n'auront pas à traverser l'île, à polluer ses quartiers, à faire la file au centre-ville. Le gain n'est donc pas qu'en banlieue, il est aussi à Montréal, d'autant que cette dernière profitera d'un développement urbain le long du tracé et des stations qui permettront aux résidants de L'Île-des-Soeurs et du Sud-Ouest de se rendre rapidement en ville.

Si le gouvernement Couillard avait l'honnêteté d'évaluer sans prisme politique le mérite d'un mode de transport collectif lourd sur le pont, il se rendrait compte que le choix qui s'offre à lui n'est pas entre une dépense de 2 milliards pour la Cadillac des transports en commun et une facture minime grâce à un statu quo bonifié.

Le choix est plutôt entre un SLR et ses multiples bénéfices, d'un côté et de l'autre du fleuve, ou un service coûteux et broche à foin d'autobus qui pénalisera tout le monde. D'un côté et de l'autre du fleuve.