Il est minuit moins une. Montréal fêtera son 375e anniversaire dans moins de trois ans, en 2017. Il reste 32 petits mois. À peine le temps nécessaire pour lever de terre un projet d'envergure.

Et pourtant, Montréal n'a toujours aucun legs significatif de prévu pour les célébrations. Aucun.

Oui, oui, il y a un onglet «projets et legs» sur le site du 375e. Un onglet qui contient une longue liste d'«installations» et d'«attraits» qui seront construits ou reconstruits, sous prétexte de marquer l'anniversaire, de l'Oratoire au Biodôme en passant par Pointe-à-Callière.

Mais qualifier ces projets de legs est une enflure verbale que pourraient nous reprocher les générations futures...

Certes, l'architecture du futur Pavillon 5 du Musée des beaux-arts, signé Manon Asselin Architecte et Jodoin Lamarre Pratte architectes, est superbe. La Cité d'archéologie et d'histoire prévue dans le Vieux-Montréal est prometteuse. Le recouvrement d'une petite portion de l'autoroute Ville-Marie est intéressant.

Mais y a-t-il vraiment quelqu'un, en 2022, qui se rappellera avec émotion qu'un seul de ces projets est issu des cadeaux que les Montréalais se sont offerts en 2017? Non.

Ce sont de beaux projets, mais soyons honnêtes, rien qui arrive à la cheville des legs qu'ont été l'inauguration de Pointe-à-Callière et du Biodôme pour le 350e de Montréal ou la magnifique promenade Samuel-De Champlain pour le 400e de Québec.

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Il est minuit moins une, donc, et rien n'est encore prévu. Certains pourraient dire qu'il est minuit et quart, en fait, et qu'il est trop tard.

Or il existe sur les planches à dessin un projet d'envergure, porteur de sens, pensé en fonction du 375e. Un projet conçu par deux firmes respectées, Daoust Lestage et Claude Cormier + Associés. Un projet qui pourrait voir le jour à temps pour les célébrations, gardé confidentiel, auquel j'ai eu accès.

Ne manque que l'imprimatur du maire Coderre...

Il s'agit d'une transformation complète du parc Jean-Drapeau qui va bien au-delà des projets annoncés ces derniers mois au coût de 55 millions. Une transformation qui vise à ramener les îles Sainte-Hélène et Notre-Dame à leurs origines d'Expo 67.

Si on réalisait le projet, un débarcadère rappelant celui d'il y a 50 ans serait aménagé sur le pont de la Concorde pour accueillir des navettes quotidiennes. La place des Nations serait réhabilitée pour présenter des spectacles en plein air. Et le lac des Cygnes retrouverait sa forme carrée, une fontaine illuminée en son centre, et une promenade serait creusée en son sein, comme le pont Moses aux Pays-Bas.

Plus loin, le parterre de l'île Sainte-Hélène, qui accueille notamment Osheaga, aurait droit à une végétalisation. On installerait non loin les lettres «EXPO 67» hautes de 20 pieds, actuellement entreposées, commandées par Jean Drapeau.

Les environs auraient droit à un mobilier urbain rappelant les années 1960, à une végétation noble et épurée, à des parcours d'art public. Des aménagements sportifs seraient prévus sur le circuit Gilles-Villeneuve pour accueillir vélos de performance l'été et ski de fond l'hiver.

Une promenade riveraine de trois kilomètres serait aménagée autour des deux îles afin de rapprocher les visiteurs de l'eau dans laquelle ils pourraient plonger les pieds. Une navette fluviale la connecterait au Vieux-Port et à la Rive-Sud, laquelle servirait de moyen de transport aux navetteurs de l'heure de pointe.

Le mail central liant L'Homme de Calder et la Biosphère serait redressé afin de mettre en valeur ces deux icônes. Des fontaines ponctueraient le parcours ainsi que des commerces, restaurants et terrasses. Au bout, un éperon conduirait les visiteurs au-dessus du fleuve.

Un projet détaillé, emballant et ambitieux, donc, dont le plus grand mérite est d'être... prêt à lever.

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Il faut bouger vite, cela dit, si on veut redonner aux îles leurs lettres de noblesse à temps pour 2017. Cela implique une forte volonté politique qui ne peut venir que d'un endroit: l'hôtel de ville.

Denis Coderre a prouvé qu'il est capable de leadership et d'esprit de décision. S'il croit en ce projet, il pourrait très bien s'attribuer la présidence de la Société du parc Jean-Drapeau et mettre la gomme pour que ce projet d'envergure devienne un legs, son legs.

Il a été impossible de savoir ce que la Ville pense des plans de Daoust Lestage. Au parc Jean-Drapeau, on se refuse à tout commentaire «tant que le projet n'est pas présenté aux différentes autorités».

Il n'en reste pas moins que le maire a un dossier en or à présenter à d'éventuels partenaires privés ainsi qu'aux ministres Moreau et Poëti, à Québec, et Lebel à Ottawa: 2017 sera certes l'année du 375e de Montréal, mais aussi celle du 50e de l'Expo et du 150e de la Confédération.

Les astres sont donc alignés pour que les deux gouvernements participent au financement de ce projet dont la facture n'a rien d'extravagant: 160 millions pour deux magnifiques îles qu'on appellerait de tous nos voeux si elles n'existaient pas.

On a, jusqu'ici, choisi de saupoudrer les investissements à venir. Or il est encore temps de changer d'approche... avant que les douze coups de minuit ne se fassent entendre.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Une promenade riveraine de trois kilomètres serait aménagée autour des deux îles afin de rapprocher les visiteurs de l'eau dans laquelle ils pourraient plonger les pieds. Une navette fluviale la connecterait au Vieux-Port et à la Rive-Sud.