Hydro-Québec a porté un dur coup à l'auto électrique en 1995, en renonçant au moteur-roue. GM en a fait autant six ans plus tard, en abandonnant la EV-1. Est-ce que la crise financière retardera, à son tour, la révolution de l'auto électrique?

Les astres semblent en effet s'aligner en ce sens, car s'ajoutent au ralentissement économique la chute surprenante du prix du pétrole (exit l'engouement pour des véhicules peu énergivores) et les problèmes financiers des constructeurs automobiles américains (bonjour les retards dans les labos de la Volt de GM).

«L'industrie peine aujourd'hui à financer la transition vers l'auto électrique, a d'ailleurs reconnu jeudi le grand patron de Nissan Renault, Carlos Ghosn. Et cela ne touche pas que les trois grands fabricants américains. Les Européens aussi. Et les Japonais.»

Mais au fond, qui a dit que le virage de l'industrie doit absolument passer par les chaînes de montage de GM, de Ford, ou même de Toyota? Si elle venait plutôt de BYD, de Magna, de Tata,ou de ChangAn?

Pendant que Goliath est occupé à quêter à Washington, une multitude de David planchent en effet, aux quatre coins de la planète, sur le véhicule propre de demain. Ce qui explique que la plus puissante des autos électriques actuellement sur la route ne vient pas des grands de Detroit, mais d'une toute jeune entreprise de la Silicon Valley, Tesla Motors...

«Même si le marché de l'automobile est réputé difficile, il y a encore beaucoup de débouchés qui s'offrent aux petits acteurs de l'industrie et aux nombreuses jeunes entreprises émergentes», note d'ailleurs la firme Fleet Technology Partners, dans une étude menée pour le compte de Ressources naturelles Canada.

Voilà pourquoi l'investisseur américain Warren Buffett a récemment acquis 10 % du fabricant chinois de batteries BYD. Qu'Hydro-Québec envisage de s'impliquer à nouveau dans ce secteur. Et qu'Ottawa songe à épauler financièrement l'industrie émergente de l'auto électrique.

L'imminence d'une révolution se fait sentir, sinon celle d'un tournant majeur.

Le nombre d'entreprises engagées dans la course à l'auto électrique a en effet grimpé en flèche dans le monde depuis cinq ans, autant en Europe et aux États-Unis, qu'au Japon et en Corée. Même le Canada est dans le coup, avec de gros joueurs comme Electrovaya, Bathium et E-On. Le géant des pièces d'auto Magna a même promis un véhicule hybride branchable dès l'an prochain.

Mais le grand leader, celui qui pourrait bien mettre fin à la vision «Detroit-centriste» de l'industrie, c'est incontestablement la Chine, qui se promet bien de damer le pion aux Américains et aux Japonais cette fois. Plus de 300 entreprises sont impliquées, dont le constructeur ChangAn, qui pourrait vendre des autos électriques au pays dans les prochains mois.

«La Chine a entrepris de développer massivement les infrastructures relatives aux véhicules électriques et est en bonne voie de devenir le chef de fil mondial en ce qui a trait à cette technologie», précise Fleet Technology Partners.

En cessant d'innover et en anticipant maladroitement le marché, les grands constructeurs américains ont provoqué une crise qu'ils surmonteront après plusieurs années. Ironiquement, ces mêmes raisons pourraient aussitôt les replonger dans une autre crise, cette fois existentielle.