Certains doutent-ils encore que l'avenir des francophones hors Québec soit menacé ? Croient-ils encore que les boîtes de céréales bilingues sont suffisantes pour endiguer l'assimilation tranquille ?

Certains doutent-ils encore que l'avenir des francophones hors Québec soit menacé ? Croient-ils encore que les boîtes de céréales bilingues sont suffisantes pour endiguer l'assimilation tranquille ?

Le débat qui fait rage en Ontario ramène sur le tapis la triste réalité des Canadiens français hors Québec. Les manifestations d'élèves du secondaire en Ontario en sont une nouvelle illustration.

Pour les francophones hors Québec, il n'est pas simplement question de la qualité de la langue, comme certains le disent, mais de sa survie pure et simple. Au fil des générations, parce que tout se déroule en anglais dans leur environnement, les francophones hors Québec finissent par délaisser le français.

Les chiffres sont clairs, depuis des années : chez les familles de parents francophones ou mixtes hors Québec, le taux de transmission du français aux enfants n'est que de 49,7 %, contre 96,8 % au Québec, selon des données de Statistique Canada. Essentiellement, la langue transmise est la langue couramment parlée à la maison (1).

Et pour les enfants qui continuent en français, la compréhension de la langue présente des déficiences importantes. Les récents résultats des jeunes de 13 ans aux examens pancanadiens de lecture sont éloquents à cet égard.

Rappelons le contexte de cette étude du Programme pancanadien d'évaluation (PPCE). Quelque 27 000 élèves de 2e secondaire (ou 8e année) issus des 10 provinces ont participé à un examen de lecture, en 2016. Les résultats ont été dévoilés en avril dernier, après analyse.

Conclusion : les élèves francophones hors Québec ont des résultats nettement moins bons que les anglophones quand on leur demande d'interpréter des textes dans leur langue (2).

Les résultats sont présentés selon une échelle, dont la médiane est 500. L'appréciation des notes pour les provinces ou sous-groupes linguistiques est mesurée selon un écart par rapport à cette médiane de 500 (3).

En Ontario, donc, les élèves des écoles anglophones ont obtenu un score moyen de 513 en lecture, comparativement à 485 pour leurs semblables des écoles francophones. Cet écart de 28 est jugé statistiquement significatif.

Cette différence significative est constatée dans trois des quatre sous-domaines analysés, l'écart le plus grand (44 points) étant dans l'interprétation des textes, suivie de la compréhension des textes (29 points). Ces résultats n'ont pas changé au fil des trois examens de 2010, 2013 et 2016.

L'Ontario n'est pas la pire province, loin de là. En Nouvelle-Écosse, l'écart entre les anglos et les francos atteint 70 points en compréhension des textes, les jeunes anglophones obtenant 497 points dans leurs examens de lecture en anglais, contre 427 points pour les francophones dans leurs tests en français.

Globalement, 37 % des élèves des écoles francophones de Nouvelle-Écosse n'atteignent pas le niveau minimum attendu en lecture (le deuxième de trois niveaux), un constat semblable au Manitoba (30 %). Les élèves francophones s'en tirent mieux à ce chapitre en Ontario (19 %) et au Nouveau-Brunswick (23 %), mais on est loin de la moyenne canadienne, anglais et français confondus, où seulement 12 % n'atteignent pas le niveau de compréhension attendu.

Au Québec ? Globalement, les Québécois du réseau francophone ont obtenu une note moyenne de 503 dans les examens de lecture, ce qui est semblable aux résultats de l'ensemble canadien (507), toutes langues confondues. Même constat pour la part au Québec des francophones qui n'atteignent pas le niveau attendu : 11 % contre 12 % pour la moyenne canadienne.

Ces résultats indiquent que le Québec est le seul endroit au Canada où les francophones parviennent à obtenir des résultats aussi bons que les autres.

Nos jeunes ne sont pas pour autant immunisés. Certes, ils réussissent bien dans les sous-domaines de compréhension des textes, de réactions personnelles aux textes et de réactions critiques aux textes, mais leurs résultats au sous-domaine de l'interprétation des textes sont statistiquement moins bons que la moyenne canadienne, et même que ceux des élèves anglophones du Québec (482 contre 506).

Ces nettes carences en lecture des jeunes francophones hors Québec ne signifient pas nécessairement qu'ils sont aussi moins bons dans les autres domaines, comme les sciences et les mathématiques. Néanmoins, quand on connaît l'importance de la langue dans l'éducation, les résultats sont inquiétants.

Justement, lundi de cette semaine, le Conseil des ministres de l'Éducation a publié les résultats d'un autre volet du PPCE, celui sur la littératie financière. Seules cinq provinces y ont participé, et le Québec n'en fait pas partie, malheureusement.

Tout de même, on y constate que les francophones hors Québec éprouvent tout autant de difficultés en littératie financière qu'en lecture, selon les résultats. Globalement, le système francophone a produit des résultats moyens de 473, contre 536 pour le système anglophone, un écart statistiquement significatif de 63 points !

Non, les boîtes de céréales bilingues ne sont pas suffisantes pour assurer la survie du français hors Québec. Mais qui s'en soucie vraiment au Canada anglais ?

1- Selon l'étude de Mireille Vézina et René Houle, « la transmission de la langue est mesurée par la comparaison entre la langue de l'enfant et la langue maternelle des parents [...] la langue peut être transmise sous des formes autres que la langue maternelle, soit comme langue parlée à la maison, soit comme langue connue ». Les familles francophones sont définies comme des familles dont l'un des deux parents (ou les deux) parle le français.

2- Les élèves des programmes d'immersion en français ont passé l'évaluation en lecture en anglais.

3- La médiane de 500 est basée sur l'année de référence qui correspond à la première année où la matière en question était le principal domaine évalué (2007 pour la lecture).

REVUE DE L'ANNÉE 2018

Francis Vailles sera présent, aux côtés de nombreux chroniqueurs et journalistes de La Presse comme Philippe Cantin, Nathalie Petrowski, Marie-Claude Lortie, Yves Boisvert et Hugo Dumas, lors d'une soirée spéciale qui présentera les coulisses des grands reportages qui ont marqué l'année 2018. Directeurs de l'information, photographes et artisans qui créent chaque jour La Presse+ seront également dans la salle avec vous, pour échanger sur leur métier et répondre à vos questions. La rencontre aura lieu au M TELUS, à Montréal, le jeudi 6 décembre à 19 h 30.