Il n'y aura pas d'argent frais pour les médecins spécialistes, contrairement aux médecins de famille. Les spécialistes obtiennent ce qui leur a été promis par le passé, mais leurs tarifs seront gelés pendant cinq ans par la suite.

Voilà les grandes lignes de l'entente paraphée par le gouvernement du Québec et les délégués de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, hier.

Mes informations ne viennent pas d'un politicien, ni d'un médecin, mais d'un haut fonctionnaire du Conseil du trésor, qui m'a déballé l'entente pendant plus d'une heure, hier soir, avec un document détaillé. 

D'abord, il faut rappeler que les spécialistes touchent l'essentiel de leur rémunération en facturant à l'acte. Ces actes sont rémunérés selon des tarifs. Pour compenser les sommes qui ont été accordées par le passé - mais non versées - les deux parties ont convenu de hausser ces tarifs de 5,2% dès le 1er avril 2017.

La hausse se décompose en deux parties: la première, récurrente, est de 3 % et représente environ 135 millions. La seconde est de 2,2 %, et elle est récurrente pendant seulement 10 ans.

Dit autrement, un médecin qui gagnerait 1000 $, disons, verra son salaire grimper à 1052 $ au 1er avril 2017, soit une hausse de 5,2 % (3 % plus 2,2 %).

Par la suite, les tarifs sont gelés jusqu'en 31 mars 2023, soit pendant cinq ans. Les médecins spécialistes ne verront donc plus leur rémunération augmenter au cours des cinq années suivant 2017, à moins de faire plus d'actes et donc de travailler davantage.

Autre possibilité : les médecins spécialistes pourraient être augmentés s'il est prouvé qu'ils gagnent moins que leurs homologues des autres provinces, notamment l'Ontario, compte tenu du coût de la vie. Les deux parties ont convenu de confier à l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS) le mandat de faire les comparaisons.

La première hausse moyenne des tarifs de 3 % avait été promise dans les contrats signés par le passé, mais on a reporté son application d'année en année pour lutter contre le déficit.

Cette attente de plusieurs années a provoqué une accumulation de sommes dues de 1,5 milliard de dollars, qui vient en sus de la hausse de tarifs de 3 %. 

Les deux parties ont convenu d'étaler cette somme de 1,5 milliard sur 10 ans (jusqu'en 2027), ce qui représente l'équivalent d'une augmentation annuelle récurrente de 2,2 % des tarifs. 

Après 10 ans, le 2,2 % tombe et il n'est pas impossible que les tarifs des spécialistes - et donc leur rémunération - diminuent en 2027. Cependant, il est possible que d'ici là, la rémunération des spécialistes du Québec aura été dépassée par celle des autres provinces et que les médecins pourraient voir leurs rémunérations recommencer à augmenter, compte tenu de l'étude l'ICIS.

Un autre 2,3 %...



L'entente ne s'arrête pas là. Québec accorde aussi une somme récurrente de 105 millions aux médecins, mais elle ne servira pas à hausser les tarifs. Les spécialistes ont accepté de ne toucher cette somme que s'ils augmentent leur volume de travail, notamment le nombre de tests d'imagerie par résonnance magnétique (IRM) et d'échographies en cabinet privé.

Cette somme, qui sera versée en 2018, équivaut à une hausse de 2,3 % de la rémunération, en supposant que le volume travail soit effectivement augmenté.

Il ne s'agit pas, encore une fois, d'argent frais, mais de sommes dues aux médecins par le passé.

...plus 1,3 %



Un autre montant a été prévu, de 65 millions, mais il servira à payer les chefs de départements et autres fonctions médico-administratives des médecins spécialistes. Précisons que cette somme, qui équivaut à 1,3 % de hausse de l'enveloppe de rémunération, était auparavant payée par les établissements de santé (hôpitaux, etc.), entre autres, me dit ma source. Il est donc possible que le gouvernement économise environ la même somme de 65 millions qui sera versée.

Précisons que l'entente prévoit également que le gouvernement ajoutera à l'enveloppe l'équivalent de 2 % de la rémunération des médecins pour assurer la hausse des services à la population provoquée par la croissance et le vieillissement de la population (nouveaux médecins, etc.).

Globalement, Québec estime qu'il économise 3,3 milliards de dollars sur huit ans avec cette entente par rapport à ce qu'il aurait payé si le FMSQ avait exigé l'application pure et simple de l'entente de 2014, soit une somme annuelle récurrente de quelque 400 millions de dollars.

Cette entente prévoyait que Québec verse obligatoirement aux médecins les hausses de salaire accordées aux autres fonctionnaires, une somme qui se serait ajoutée aux hausses de tarifs. La nouvelle entente ne prévoit rien à ce chapitre, pas d'argent frais.

Enfin, j'ai posé une question qui me chicotait au haut fonctionnaire. Québec pouvait-il déchirer unilatéralement les ententes passées avec les médecins ? La réponse n'est pas évidente, mais il est clair que les médecins auraient poursuivi le gouvernement devant les tribunaux pour avoir leur dû.

Comme il s'agit d'un contrat signé en bonne et due forme entre deux parties, il y avait un grand risque que les tribunaux tranchent en faveur des médecins. La jurisprudence en matière de travail a beaucoup évolué depuis 40 ans, si bien qu'il aurait été difficile pour Québec d'imposer ses conditions comme en 1982 à moins d'invoquer une urgence, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui avec nos finances publiques.

Pas impossible, mais périlleux...

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Précision

Ce texte a été modifié par rapport à une version précédente. Dans la version précédente, il était écrit que les tarifs moyens des médecins spécialistes seront gelés pendant huit ans à partir de 2019. Or, c'est plutôt un gel de cinq ans à partir de 2018.