Ma mère était bien décidée à s'acheter un véhicule électrique, l'été dernier, mais la tâche a été ardue. La raison ? Les concessionnaires n'avaient pas de voitures en stock.

En arrivant devant le concessionnaire General Motors de Blainville, pourtant, une affiche géante vantait les mérites de la nouvelle Bolt, qui offre 383 km d'autonomie. On peut l'essayer ? Pas avant quelques mois, madame, le temps d'en recevoir du constructeur. Oui, mais le démonstrateur ? Vendu, madame.

À force de faire des appels, on a fini par trouver une Nissan Leaf dans un concessionnaire à Anjou, mais il n'en restait qu'une seule, de luxe, et avec 170 km d'autonomie. Marché conclu, a dit ma mère au représentant, un sosie du joueur de hockey Jonathan Drouin.

C'est pour régler ce genre de problèmes, entre autres, que le gouvernement du Québec a adopté un programme qui va forcer les constructeurs à avoir davantage de véhicules verts à vendre. Ces voitures ne sont pas très rentables pour les constructeurs, contrairement aux 4X4, et leurs prix demeurent relativement élevés. L'offre plus grande devrait finir par avoir une influence sur la demande et faire baisser les prix, espère-t-on.

Le programme du gouvernement porte le nom pas très sexy de norme VZE, pour « véhicules zéro émission ». Le Québec est la première province à adopter une telle réglementation au Canada. Il s'inspire des 10 États américains qui ont déjà une norme VZE, comme la Californie, l'État de New York, le New Jersey et le Vermont.

Une pénalité de 100 millions ?

Essentiellement, dès 2018, Québec contraindra les constructeurs à ce qu'une part appréciable de leurs véhicules vendus soient tout électrique (VZE), hybride rechargeable ou à hydrogène (véhicules à faible émission ou VFE).

À défaut d'atteindre ces quotas, par exemple en 2020, la pénalité avoisinerait 8600 $ par véhicule en deçà de la cible. Inutile de dire que ce genre de pénalités incitera les constructeurs à rendre des voitures disponibles ou à baisser significativement leurs prix à l'automne si la cible est hors de portée.

Comment fonctionne la réglementation ? Eh bien voilà, pour chaque véhicule vert vendu, le constructeur a droit à des crédits, qui augmentent avec le niveau d'autonomie de la voiture. Par exemple, un véhicule avec 402 km d'autonomie permet au constructeur d'obtenir 3 crédits. Une Nissan Leaf 2018 avec 250 km d'autonomie ? 2,05 crédits.

Pour l'année 2020, exige la réglementation, les moyens et grands constructeurs automobiles devront mettre en banque des crédits représentant 9,5 % du total de leurs véhicules vendus. Comme les ventes annuelles de ces constructeurs atteindront environ 450 000 voitures au Québec en 2020, le nombre total de crédits devra avoisiner les 43 000 (9,5 % X 450 000) cette année-là, soit l'équivalent de 25 000 voitures vertes.

Vous me suivez ?

Maintenant, en supposant que les ventes n'atteignent pas l'équivalent de 25 000 voitures vertes, mais plutôt 13 000, la pénalité excéderait les 100 millions de dollars pour les 12 000 véhicules manquants (8600 $ X 12 000) (1).

La banque de crédits sera gérée par le ministre du Développement durable et les pénalités seront transférées au Fonds vert, le cas échéant. Ce Fonds sert notamment à financer les rabais offerts aux particuliers pour l'achat de voitures vertes.

Cela dit, les constructeurs ne paieront pas nécessairement de pénalités. Pour se conformer à la réglementation, les constructeurs moins verts pourront acheter des crédits à leurs concurrents plus verts et atteindre ainsi leurs cibles.

Au fil des ans, toutefois, la cible sera de plus en plus exigeante. En 2020, les crédits à accumuler par les moyens et grands constructeurs devront atteindre l'équivalent de 9,5 % de leurs véhicules vendus. Cette proportion passera à 12 % en 2021, 17 % en 2023 et 22 % en 2025.

En 2018, l'exigence est de seulement 3,5 % du total des véhicules vendus et encore, cette cible est déjà atteinte, puisque les ventes de voitures vertes depuis 2014 sont comptabilisées.

C'est cette forte progression de la cible dans le temps qui permet aux économistes du Ministère d'estimer qu'en 2025, une voiture sur dix vendue au Québec sera verte.

Le bond serait impressionnant. En 2016, il s'est vendu quelque 6000 véhicules électriques au Québec. Avec le programme, ce volume passerait à 25 000 en 2020 et grimperait à 50 000 en 2025.

L'objectif semble élevé, mais il pourrait plutôt être conservateur sachant que les ventes annuelles de voitures vertes ont grimpé de 70 % par année, en moyenne, entre 2013 et 2016.

Malheureusement, ce bond ne serait pas suffisant pour respecter nos engagements de 2030 pour freiner le réchauffement de la planète. En retranchant 25 000 véhicules à essence des routes en 2020, le Québec aurait réduit ses GES attribuables aux déplacements automobiles de particuliers de 0,2 à 0,5 %.

L'accumulation exponentielle des autos vertes jouerait certes un rôle, comme en Norvège, où quatre voitures vendues sur dix sont vertes. Les particuliers devront néanmoins songer à d'autres moyens pour réduire leurs émissions de GES.

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1-La pénalité est en fait de 5000 $ par crédit manquant.