J'ai découvert trois éléments vraiment surprenants en auscultant les finances publiques du Québec, ces dernières semaines. L'examen du patient, rappelons-le, avait été fait pour savoir jusqu'à quel point les compressions du gouvernement Couillard ont servi à financer les baisses d'impôt. Voici donc ces trois surprises, souvent de bonnes nouvelles.

IMPÔTS DES ENTREPRISES :  BOOM

Le plus frappant est probablement le boom des impôts payés par les entreprises. Attention, je ne parle pas d'une hausse attribuable à une majoration des taux d'imposition, mais bel et bien d'une augmentation réelle des recettes que le gouvernement a tiré des entreprises compte tenu du contexte économique et de leurs profits.

L'explosion est survenue au cours de l'exercice 2015-2016. Cette année-là, les entreprises ont versé 6,9 milliards d'impôts au gouvernement du Québec, soit 1,1 milliard de plus que l'année précédente(1). Ce bond de 19 % est vraiment étonnant, dans le contexte où les autres revenus autonomes du gouvernement ont grimpé de 4,5 %, ce qui, en soi, est déjà très bon.

La raison ? J'ai d'abord pensé à une hausse temporaire, attribuable à une grosse transaction. Justement, le Cirque du Soleil a été vendu au printemps 2015 pour une somme avoisinant 1,5 milliard US.

L'une ou l'autre des entreprises de Guy Laliberté - ou lui-même personnellement - ont dû payer environ 225 millions CAN d'impôts sur cette transaction, selon mes calculs, dont possiblement une centaine de millions au Québec. La somme est considérable, sauf qu'elle ne constituerait que 9 % du boom de 1,1 milliard de l'impôt des entreprises en 2015.

D'où vient le reste, alors ? Selon certains, l'annonce du gouvernement Trudeau en 2015 de hausser de 4 points l'impôt des riches en 2016 a eu pour effet d'inciter certains contribuables à devancer la réalisation de revenus imposables. Ce devancement a pu faire bondir l'impôt payé en 2015 au Québec.

Deux hics, cependant. D'une part, la hausse devrait surtout être imputée à l'impôt des particuliers, pas des entreprises. D'autre part, l'effet aurait été temporaire et on aurait constaté une chute l'année suivante. Or, ce n'est pas le cas : les impôts des entreprises ont continué d'augmenter l'année suivante, en 2016-2017. La hausse est de 464 millions, soit un bond encore impressionnant de 6,6 %.

Non, dans les faits, il appert que les entreprises auraient surtout épuisé en 2015 les pertes accumulées dans la foulée de la crise financière et du fort ralentissement qui a suivi. Au cours des années ultérieures, ces pertes ont pu servir à réduire les profits imposables et donc les impôts à payer, tel que permis par le fisc.

N'ayant plus de pertes à déduire, en 2015, les entreprises ont donc dû faire de plus gros chèques au gouvernement. Et c'est tant mieux pour les services publics !

SERVICE DE LA DETTE :  MERCI CAISSE DE DÉPÔT

Un des postes budgétaires qui a connu le plus gros changement, c'est le service de la dette. L'argent du gouvernement qui sert à rembourser les intérêts sur la dette s'élève à 9,9 milliards cette année, ce qui représente 9,3 % des dépenses. Cette proportion est en forte baisse depuis cinq ans (11,4 % en 2013-2014).

Merci aux faibles taux d'intérêt ? Oui, mais surtout, merci aux bons rendements de la Caisse de dépôt, étonnamment.

Pourquoi ? Eh bien voilà, le service de la dette est la somme des intérêts payés sur les emprunts du gouvernement MOINS les rendements qu'il obtient avec les fonds empruntés qui ont été placés pour payer la retraite future de ses employés.

Or, le rendement de ces fonds, gérés par la Caisse de dépôt, a été fort respectable ces dernières années. Il est en tout cas bien plus élevé que le coût des emprunts.

Ces fonds sont versés dans ce qu'on appelle le Fonds d'amortissement des régimes de retraite (FARR). Ce FARR a beaucoup grossi avec les années, si bien qu'il totalise plus de 70 milliards aujourd'hui. Le capital qui y a été versé vient d'emprunts réalisé par le gouvernement au fil des ans.

Depuis trois ans, les bons rendements du FARR sont venus soustraire environ 1,0 milliard au service de la dette. Et d'ici trois ans, ils soustrairont encore 1,2 milliard... en supposant, bien sûr, que la Caisse continue d'avoir de bons rendements.

La tendance n'a pas toujours été ainsi. Après la déconfiture de 2008, les mauvais rendements de la Caisse ont été amortis et ont pour effet de faire grossir le service de la dette des années 2009 à 2014, nuisant ainsi à l'atteinte du déficit zéro. Pour l'instant, néanmoins, on en profite, et c'est tant mieux !

TRANSFERTS FÉDÉRAUX :  TOUJOURS PLUS HAUT

Autre surprise : l'accroissement constant des transferts fédéraux, un accroissement qui va bien au-delà de ce que le gouvernement du Québec prévoyait.

Pour illustrer le phénomène, prenons les transferts fédéraux prévus par Québec pour l'année 2018-2019, qui commence le 1er avril 2018, dans quatre mois. Quand le gouvernement Couillard a pris le pouvoir, en 2014, il estimait qu'il toucherait 20,6 milliards de transferts fédéraux en 2018-2019, ce qui équivalait à 18,3 % des revenus consolidés attendus cette année-là.

Or, dans sa mise à jour parue il y a trois semaines, cette somme est passée à 22,4 milliards (20,6 % des revenus). Il s'agit d'un bond majeur de 1,8 milliard par rapport à ce que le gouvernement prévoyait. Et encore, cette hausse n'inclut pas l'annonce du fédéral en début de semaine, qui hausse la péréquation au Québec de 700 millions de plus que prévu.

Deux raisons expliquent ces écarts. D'abord, la péréquation, justement, qui a été plus favorable qu'attendu. Ensuite, le gouvernement Trudeau a lancé un vaste programme d'infrastructures. Le fédéral verse ainsi des fonds au gouvernement du Québec qui les transfère entièrement aux divers projets ciblés, par exemple aux municipalités. Et c'est tant mieux !

(1)Exclusion faite de l'abolition du taux réduit de la taxe sur le capital des sociétés d'assurance