Pour toutes sortes de raisons, nombre de contribuables croient que l'évasion fiscale est de plus en plus importante, qu'elle est incontrôlée et que les gouvernements se croisent les bras.

Or, il appert que l'évasion fiscale est plutôt en forte baisse depuis quelques années, du moins au Québec, selon une analyse présentée mardi au budget. L'estimation est évidemment difficile à faire, puisque l'économie souterraine fonctionne en marge des autorités, mais tout de même, elle donne à réfléchir.

L'économie souterraine se divise en trois grands groupes. Le premier est la non-déclaration de revenus licites, comme le travail au noir dans la construction. Le deuxième est la dissimulation de revenus illicites (prostitution, trafic de drogue, etc.). Enfin, le troisième groupe comprend la désobéissance aux règles fiscales (demandes abusives de déductions, etc.), de même que l'évitement fiscal.

Aux fins de l'exercice, le ministère des Finances a été en mesure de quantifier seulement le premier des trois groupes, mais il s'agit du plus imposant, selon diverses études, et de loin.

Ainsi, cette portion de l'évasion fiscale représentait 3,4% du PIB en 2015 (année la plus récente disponible), soit des pertes fiscales s'élevant à 3,8 milliards, selon le Ministère.

Or, ces dernières années, les mêmes estimations révélaient des proportions passablement plus élevées, de l'ordre de 4% du PIB en 2002, de 4,2% en 2008 et de 3,8% en 2013. Les pertes fiscales de 2015 sont donc les plus faibles depuis que le gouvernement analyse la question.

Pour parvenir à faire cette estimation, essentiellement, les économistes du Ministère se sont basés sur les revenus déclarés des ménages à Statistique Canada, de même que sur la mesure du produit intérieur brut (PIB). Statistique Canada est capable de capter l'essentiel des revenus de l'économie légale, même s'ils sont au noir.

Avec ces données de Statistique Canada, les économistes du Ministère ont donc calculé les recettes d'impôts et taxes auxquels ils peuvent s'attendre. Ils ont ensuite comparé ces données avec les recettes réellement perçues, ce qui leur permet de constater une forte baisse de l'évasion fiscale, à 3,4 % du PIB en 2015.

Comment expliquer ce phénomène? D'abord, le gouvernement a intensifié ses efforts dans le secteur de la restauration, où il a installé des modules d'enregistrement des ventes (MEV). Cette action a fait reculer l'économie au noir de 60% dans ce secteur (de 17,5 à 6%) et contribué à assainir les pratiques et la concurrence.

Le secteur de la construction est l'un des plus fertiles en matière d'évasion fiscale. Les activités de contrôle ont contribué à faire diminuer l'évasion fiscale. Toutefois, le recul récent du phénomène est surtout attribuable à la baisse du poids de ce secteur dans le PIB, qui est passé de 12,9% du PIB en 2015 à 11,2% en 2015.

Autre secteur à risque : le tabac. Selon le Ministère, l'intensification des efforts dans ce secteur a permis de réduire de moitié l'économie au noir.

Offensive de Revenu Québec

Concrètement, l'Agence du revenu du Québec a plus particulièrement ciblé cinq secteurs, ces dernières années, pour lutter contre l'évasion fiscale : le tabac, la construction, les boissons alcooliques, les crimes financiers et les réseaux organisés.

L'Agence a obtenu un budget de 40,3 millions au cours de l'exercice 2015-2016 pour financer ses actions dans ces secteurs. Or, il appert que l'Agence a réussi à empocher 360 millions de revenus additionnels pour ces secteurs en 2015-2016, selon un des documents budgétaires. Dit autrement, pour chaque dollar investi, le rendement est de neuf dollars de revenus.

Les principaux revenus ont été obtenus dans le secteur du tabac, avec 180,6 millions. «La part de marché des produits de la contrebande du tabac est passée de 30% en 2009 à moins de 15% en 2015, et ce, malgré que la taxe spécifique sur les produits du tabac ait augmenté durant cette période», est-il écrit dans le document du ministère des Finances.

Suit, au chapitre de la rentabilité, le secteur de la construction. Divers organismes et ministères se sont concertés pour échanger de l'information sur le travail au noir dans l'industrie. Les actions qui en découlent ont permis à Revenu Québec de récolter 72,8 millions.

Troisième secteur : l'alcool. Les autorités ont mieux décelé les établissements titulaires de permis qui ont commis des infractions au commerce de l'alcool. En ajoutant les débits clandestins, Revenu Québec a été en mesure de collecter 61 millions en 2015-2016.

Dans le cas des crimes économiques et financiers, des actions concertées de la SQ, du SPVM, de Revenu Québec et de l'AMF ont permis d'obtenir 32,4 millions. Enfin, la lutte contre les réseaux organisés de travail au noir a permis de récolter 12,8 millions.

Difficile de conclure que le gouvernement se croise les bras...