Personnellement, je n'ai pas besoin d'une baisse d'impôts. J'ai la chance d'être en santé et d'avoir assez de revenus pour combler mes besoins, donc non merci.

Je n'ai pas besoin d'une baisse d'impôts, mais en même temps, je comprends pourquoi l'idée est populaire auprès de bien des contribuables, qui peinent à joindre les deux bouts. Et je dois m'inscrire en faux contre l'illégitimité d'une telle baisse, dénoncée par mon collègue Patrick Lagacé, dans sa chronique « Du sang sur les murs ».

Selon lui, les contribuables se serviraient d'une baisse d'impôts pour consommer davantage de produits non essentiels au détriment de services publics cruciaux. Il cite Luc Ferrandez : « Nous n'avons pas besoin de plus de télévisions à écran plat, plus de SUV (hausse des ventes de 65 % au Québec), plus de véhicules récréatifs, plus de fifth wheels, plus de cuisines de magazine ; plus de chalets-maisons ; plus de voyages ; plus de ski-doo ultra-performants, plus de vélos à 5000 $. »

Personnellement, je le répète, je suis d'accord avec Lagacé-Ferrandez : je n'ai pas besoin d'une baisse d'impôts, ma famille n'a pas besoin d'une deuxième voiture, ni d'une roulotte fifth wheel, ni d'autres produits de consommation du genre.

Malheureusement, une baisse d'impôts ne serait pas surperflue pour bien des contribuables. Selon un récent sondage, la moitié des ménages vit d'un chèque de paie à l'autre. Pour plusieurs, tout extra est pris sur la marge de crédit.

Certes, la lutte contre le déficit a été faite à coup de compressions dans les services publics, et il faut réinvestir dans certains secteurs mal en point, notamment en éducation et en région.

Toutefois, les contribuables ont aussi été lourdement mis à contribution. La TVQ a augmenté, les impôts ont augmenté, les tarifs ont augmenté, si bien que les Québécois paient maintenant 2,8 milliards de plus de leurs poches chaque année qu'avant la lutte contre le déficit, il y a huit ans.

Aujourd'hui, dans sa mise à jour, le ministre Carlos Leitao annoncera vraisemblablement l'abolition plus rapide de la taxe santé, que même le Parti québécois avait promis d'éliminer. Globalement, 760 millions sont retournés dans les poches des Québécois, mais comme une partie des contribuables ont déjà été exemptés de la taxe cette année et que d'autres devaient l'être en 2017, l'abolition complète privera le Trésor de 240 millions cette année.

Il s'agit, en quelque sorte, d'une première baisse depuis 2007. À l'époque, Jean Charest avait utilisé les transferts en péréquation additionnels du fédéral pour réduire les impôts de 950 millions.

Le duo Lagacé-Ferrandez oppose essentiellement baisse d'impôts et financement des services publics. C'est l'un ou c'est l'autre. Or voilà, l'équation comprend une troisième patte : la dette.

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, croit qu'il faut utiliser les versements au Fonds des générations pour réduire massivement les impôts. Plus précisément, il prendrait 1,7 des 2,0 milliards de dollars de versements annuels de ce Fonds, qui sont normalement destinés à réduire la dette.

Selon lui, cette option ne priverait pas les Québécois de services publics puisque l'argent ne viendrait pas des surplus réguliers, mais seulement des sommes consacrées au Fonds.

François Legault retournerait 500 $ à chaque contribuable gagnant moins de 150 000 $. La réduction de 500 $ d'impôt serait uniforme, qu'elle soit versée aux personnes gagnant 50 000 $ comme à celles gagnant 140 000 $.

Cette réinjection donnerait de l'allant à l'économie du Québec, dit-il, puisque les familles de la classe moyenne dépenseraient cette somme essentielle plutôt que de l'épargner. Selon lui, il y a urgence de stimuler l'économie québécoise, dont le produit intérieur brut (PIB) par habitant figure au 57e rang sur 61 États nord-américains.

Le hic avec cette proposition, c'est qu'elle sacrifie le remboursement de la dette, qui est la plus élevée au Canada, rappelons-le. Bien sûr, notre dette n'est pas aussi imposante quand on retranche nos actifs, comme la valeur d'Hydro-Québec. Toutefois, ce sont les paiements annuels d'intérêt qui font mal, de quelque 10,5 milliards de dollars.

Renoncer à engraisser le Fonds des générations, c'est fragiliser notre note de crédit et risquer de pousser à la hausse les taux d'intérêt et les paiements qui nous seront réclamés.

Est-ce une bonne idée de puiser dans le Fonds des générations ? Après tout, l'économie du Québec n'est pas en lambeaux, avec un taux de chômage historiquement bas de 6,9 %. Rien ne se compare avec les pays européens.

Qui plus est, le Québec aura besoin de cette cagnotte quand se présentera une incontournable récession. Enfin, le Fonds sert en quelque sorte de police d'assurance à notre population vieillissante, qui cessera de travailler en grand nombre, mais aura davantage besoin de services.

Un débat essentiel est néanmoins soulevé : jusqu'à quel point faut-il engraisser le Fonds des générations et le consacrer au seul remboursement de la dette ?