Le Québec, c'est connu, accorde une plus grande place au secteur public dans l'économie depuis la Révolution tranquille des années 60. Certains jugent que l'État prend trop de place et d'autres, pas suffisamment.

L'une des façons d'avoir un bon aperçu de la situation est de mesurer l'importance des emplois du secteur public. Or, une analyse comparative avec les autres provinces et les pays industrialisés révèle des surprises à cet égard.

L'idée de comparer le secteur public m'est venue en travaillant sur l'évolution des emplois du secteur privé au Canada, dont la chronique est parue hier. Cette fois encore, j'ai utilisé les données de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada, de même que les données mondiales publiées par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Les emplois considérés comprennent tous ceux du secteur public (municipal, provincial et fédéral), de même que ceux des sociétés parapubliques (Hydro-Québec, SAQ, Loto-Québec, etc.).

Actuellement, le Québec compte 4,1 millions d'emplois et de ce nombre, 887 000 sont rattachés au secteur public, soit 21,5 % du total. Dit autrement, un peu plus d'un travailleur sur cinq reçoit sa paye d'un gouvernement ou d'un organisme public au Québec.

Cette proportion peut paraître relativement importante, mais il faut savoir qu'elle a été bien plus grande dans le passé. Il y a 40 ans, le secteur public accaparait 24 % du total des emplois au Québec et le sommet a été atteint en juin 1983, à 25 %.

Le sommet s'explique bien sûr par la récession de l'époque, qui avait fait chuter le nombre d'emplois dans le secteur privé. D'ailleurs, après une baisse importante de la part du public dans l'économie par la suite, le Québec a atteint un autre sommet durant la récession suivante, à 23,7 % (janvier 1993). Après, la part du public a beaucoup reculé pour finalement se stabiliser autour de 21 % depuis une quinzaine d'années.

7e AU CANADA

Est-ce beaucoup ou peu, voilà la question. Certains pourraient penser que le Québec est le champion canadien en la matière, mais ce n'est pas le cas.

De fait, parmi les 10 provinces canadiennes, le Québec arrive au 7rang pour la part des emplois dans le secteur public. Seules l'Ontario (18,6 %), l'Alberta (18,5 %) et la Colombie-Britannique (18,3 %) ont un secteur public moins lourd, selon les données de Statistique Canada.

Étonnamment, le Nouveau-Brunswick (23,5 %), la Saskatchewan (24,1 %) et le Manitoba (26 %) comptent plus d'emplois dans le secteur public. Le Québec demeure au-dessus de la moyenne canadienne, de 20 %.

En somme, il appert que l'économie du Québec dépend davantage du secteur public que celle de son principal concurrent, l'Ontario, mais le poids comparatif du secteur public est moins imposant qu'on pouvait s'y attendre, si l'on se fie aux données sur l'emploi.

Maintenant, comment se compare-t-on avec le reste du monde ? Encore une fois, plusieurs découvertes.

Comme on pouvait s'y attendre, les Scandinaves ont un secteur public plus gras (mais notoirement plus efficace, heureusement). La Norvège et la Suède ont respectivement 34,6 % et 28,1 % de leurs emplois dans le secteur public et sont au sommet mondial (si l'on excepte les pays encore communistes, comme Cuba).

Toutefois, oh surprise, la France (19,8 %) et l'Italie (17,3 %) comptent moins d'emplois dans le secteur public que le Québec ou le Canada, tandis que le Royaume-Uni en compte plus (23,5 %), si l'on se fie aux données de l'OCDE. N'est-ce pas étonnant ?

Autre constat : le Japon est en queue de peloton des pays industrialisés, avec 7,9 % d'emplois dans le secteur public. Malheureusement, l'OCDE n'a pas de données pour les États-Unis, où la présence du public est réputée plus faible (1).

L'OCDE note que les différences entre les pays tiennent à la diversité des services offerts, mais aussi au mode de prestation des services publics.

« Ces services peuvent être assurés en grande partie par des agents publics ou être fournis par le truchement de divers partenariats avec le secteur privé ou non lucratif. Dans certains pays, la grande majorité des professionnels de santé, des enseignants et des membres des services d'urgence, par exemple, sont directement employés par l'administration. Dans d'autres pays recourant à d'autres dispositifs de prestation de ces services, bon nombre de ces professionnels sont employés par des organisations à capitaux non publics, ou bien interviennent en qualité de prestataires de services. »

Enfin, dernier constat révélateur : partout dans le monde, les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à travailler pour le secteur public. Au Canada, les femmes travaillent pour le public dans une proportion de 26,6 %, contre 17,4 % pour les hommes. Et en Norvège, encore au sommet, cette proportion passe à 48,5 %, contre 18,9 % pour les hommes.

(1) Pour le Canada, l'OCDE utilise aussi les données de l'EPA de Statistique Canada.

Infographie La Presse

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