Vous pensez que les Britanniques sont les seuls à s'opposer à l'Union européenne ? Que le référendum appuyant le Brexit est une erreur de parcours ?

Malheureusement, une grande partie de la population d'un autre pays souhaite vivement quitter l'union, nommément l'Italie. Et le contexte politico-économique est fertile pour en favoriser la sortie.

Le service économique de la Banque Nationale du Canada vient de publier un rapport percutant sur le sujet dans la foulée du référendum britannique. Intitulé Italie : la prochaine tuile, le rapport brosse un portrait des grandes difficultés économiques de l'Italie et fait le point sur son instabilité politique. Troublant.

D'abord, le Mouvement 5 étoiles (M5S), parti eurosceptique italien, vient de faire une razzia aux élections municipales de juin, raflant 19 des 20 villes en jeu. Même Rome est passée dans le camp du M5S, élisant l'avocate Virginia Raggi avec 67 % des voix (1). Il s'agit de la première femme élue maire de Rome !

Le M5S est un jeune parti populiste plutôt au centre dont le programme repose essentiellement sur deux piliers : un référendum sur l'appartenance à l'Union européenne et un fort engagement environnementaliste. En juillet, un sondage plaçait le parti à la tête des intentions de vote national, avec 30,6 % contre 29,8 % pour le parti au pouvoir (Parti démocrate). Les deux autres partis, de centre droit, obtiennent 12 % chacun (2).

Si jamais le M5S est élu aux prochaines élections, d'ici 2018, la population pourrait opter pour une sortie de l'Union européenne.

En mai, justement, 58 % des Italiens disaient vouloir un référendum sur le sujet et 48 % appuyaient la sortie. Ne trouvez-vous pas que ça ressemble drôlement au Royaume-Uni ?

En octobre, l'Italie tiendra un référendum sur un autre sujet - la réorganisation du Sénat - qui pourrait donner de l'allant au mouvement de sortie. Le gouvernement propose que la taille et le pouvoir du Sénat (Chambre haute) soient réduits, ce qui augmenterait de beaucoup le pouvoir de la Chambre basse et dénouerait l'impasse décisionnelle chronique.

Or, pour l'instant, les sondages donnent ce référendum perdant, ce qui serait un vote de défiance envers le gouvernement. Le premier ministre, Matteo Renzi, s'est d'ailleurs engagé à démissionner en cas de défaite.

CHÔMAGE : UN JEUNE SUR TROIS

Ce contexte politique a comme toile de fond une économie très mal en point. En Italie, la croissance économique réelle a été de 2,3 % depuis 1999. Pas 2,3 % par année, mais 2,3 % sur 15 ans ! Pendant la même période, la France a vu son économie croître de 21 %, les États-Unis, de 33 % et le Canada, de 39 % (3).

Autre donnée inquiétante, selon la Banque Nationale : l'Italie est grevée d'une dette énorme équivalant à 133 % de son produit intérieur brut (PIB). En Europe, elle n'est surpassée que par la Grèce, qui n'est pas un modèle à ce chapitre.

Cette stagnation économique a évidemment des conséquences sur l'emploi. Le taux de chômage y est de 11,5 %, contre une moyenne de 10,1 % dans la zone euro (et de 7,0 % au Québec). Pire : les jeunes de moins de 25 ans chôment dans une proportion de 35 % !

DES BANQUES FRAGILES

Malheureusement, les nuages ne sont guère plus clairs à l'horizon. La longue stagnation économique a fragilisé le secteur bancaire, rappelle la Banque Nationale. Les banques italiennes comptent 18 % de prêts non productifs, c'est-à-dire dont le recouvrement est douteux. En comparaison, cette proportion est de 6 % dans l'Union européenne et de 1,6 % aux États-Unis.

Pour sortir de l'impasse, les banques italiennes devront radier une part importante de leur dette (des obligations), dans le contexte d'une aide de l'État. Le hic, c'est qu'environ 45 % de ces obligations sont détenues par des Italiens ordinaires plutôt que par des investisseurs institutionnels.

« Les forcer à accepter une réduction de leurs créances soulèverait un ressac politique aux proportions épiques », écrit l'analyste géopolitique de la Banque Nationale, Angelo Katsoras.

S'il est porté au pouvoir, le M5S envisage, à la sortie de la zone euro, de revenir à une monnaie italienne distincte (la lire). L'Italie a survécu pendant plusieurs années avec la lire en imposant plusieurs dévaluations. Ces dévaluations lui permettaient de maintenir ses produits concurrentiels à l'international. L'euro fort actuel, influencé par la puissante économie allemande, rend impossible cette stratégie économique.

Or, advenant un retour de la lire, il faut craindre une crise financière importante. En effet, des Italiens pourraient choisir de déplacer leurs épargnes en euros à l'extérieur de l'Italie, de crainte que leurs fonds soient convertis dans une monnaie locale dévaluée.

Bref, ça va mal à la « shop » ! Et la déchéance italienne pourrait remettre en question l'avenir de l'euro et de l'Union européenne, croit l'analyste Angelo Katsoras, qui parle de « tempête du siècle ».

Disons que je vais m'intéresser davantage aux nouvelles de l'Italie au cours des prochains mois...

(1) En Europe, les partis municipaux sont liés aux grands partis nationaux.

(2) Si aucun parti ne recueille plus de 40 % des votes, il faudra tenir une élection opposant les deux partis en tête, est-il écrit dans le rapport de la Banque Nationale.

(3) Ces données proviennent du site Perspectives Monde, de l'Université de Sherbrooke.