Que diriez-vous d'une rémunération de 130 000 $ et d'une retraite à 50 ou 55 ans ?

Que diriez-vous d'une rémunération de 130 000 $ et d'une retraite à 50 ou 55 ans ?

Ce genre de conditions, qu'on pensait disparu, existe encore de nos jours. Pour en bénéficier, il faut être embauché par la Centrale des syndicats nationaux (CSN) ou par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP).

Ainsi, à la CSN, la rémunération moyenne des 270 employés excède 147 000 $ par année, selon mes estimations. Ce chiffre est le résultat de la rémunération globale à la CSN divisée par le nombre d'employés (dont 20 cadres). Il exclut Fondaction CSN.

L'écart est de 57 000 $ avec la rémunération des employés de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), qui représente principalement des infirmières. Et il est de 49 000 $ avec celle des employés de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui travaille surtout pour les enseignants.

Ces conditions hors normes sont principalement financées par les membres, bien sûr, par l'entremise de leurs cotisations syndicales. Des membres qui ont rarement de telles conditions eux-mêmes. Au Québec, les syndiqués des grandes organisations gagnent en moyenne 75 611 $(1).

À la CSN, la forte rémunération des employés s'explique entre autres par les généreux avantages sociaux (retraite, assurance maladie, etc.), qui représentent 29 % des 147 000 $, en moyenne.

Ainsi, les employés de la centrale syndicale peuvent prendre leur retraite à 60 ans sans pénalité ou même à 55 ans s'ils ont atteint leur « facteur 80 ». Le facteur 80 est la combinaison de l'âge et du nombre d'années de service. Par exemple, un employé peut prendre sa retraite à 55 ans sans pénalité s'il a commencé à travailler à 30 ans à la CSN(2).

De telles conditions sont rares de nos jours. Six travailleurs sur dix n'ont pas de régime financé par leur employeur. Pour les autres, les régimes sont de moins en moins généreux.

À la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), par exemple, on a opté pour un régime à cotisations déterminées (CD), beaucoup moins coûteux que ceux à prestations déterminées (PD), mais aussi moins avantageux. Il faut dire que la CSD représente des syndiqués du secteur privé.

Dans le cas de la CSN, le régime PD est financé au tiers par les employés et aux deux tiers par l'employeur ou, autrement dit, par les cotisations des membres syndiqués.

Parmi ces syndiqués, certains ont de bonnes conditions, d'autres beaucoup moins. C'est le cas des éducatrices en garderie ou des infirmières auxiliaires. Vous me direz, avec raison, que ces dernières ont obtenu de meilleures conditions grâce à la CSN. Mais est-ce que ces gains justifient de tels écarts ?

Selon le trésorier de la CSN, Pierre Patry, le chiffre de 147 000 $ est un peu plus élevé que la réalité, notamment parce que la rémunération globale de la CSN (le numérateur) inclut d'autres éléments, comme les congés parentaux, sans que le nombre d'employés (le dénominateur) en tienne compte. La moyenne oscillerait tout de même entre 130 000 et 140 000 $, convient-il.

« On paie de gros salaires, c'est ce qu'on veut. Nos conseillers syndicaux travaillent fort. »

- Pierre Patry, trésorier de la CSN

Concernant le régime de retraite, fortement déficitaire, la CSN s'est entendue avec ses propres employés au printemps 2015 pour augmenter leurs cotisations de retraite, passées de 5,5 à 8 % de la masse salariale. Également, les rentes sont indexées seulement à certaines conditions.

RETRAITE À 50 ANS

Le SCFP, qui représente des employés d'Hydro-Québec et de certaines villes, entre autres, offre aussi des conditions en or. La rémunération moyenne des employés y est de 130 449 $ et les avantages sociaux représentent 26 % de cette somme. Surtout, le SCFP permet à ses employés de prendre leur retraite à partir de 50 ans s'ils ont accumulé 30 années de service (facteur 80), ou sinon à 60 ans.

Pour ceux qui voudraient prendre leur retraite plus tôt, la pénalité est de seulement 3 % par année, un taux vraiment très bas. Ce taux est aussi de 3 % à la FTQ et de 4 % à la CSN.

Un tel taux est nettement moindre que le rendement nécessaire pour financer une retraite hâtive (environ 6 %), estiment les actuaires. Autrement dit, un employé qui prend une retraite hâtive dans ces trois syndicats est en fait subventionné par les autres employés et par l'employeur pour partir plus tôt.

Je m'interroge : comment les membres peuvent-ils accepter que leurs cotisations syndicales servent à subventionner les retraites hâtives de leurs délégués syndicaux ?

La générosité plus grande des conditions à la SCFP pourrait en partie s'expliquer par le fait que le syndicat est pancanadien. Les salaires qui y sont versés sont comparés à un marché où les employés sont mieux payés (Ontario, Alberta, Ottawa, etc.).

Toutefois, il reste surprenant que le SCFP continue d'être aussi généreux dans le contexte où ses vérificateurs l'ont averti que sa dette est sous-estimée de 87,5 millions. Cette sous-évaluation est attribuable aux coûts futurs du programme d'assurance maladie de ses employés, que le SCFP n'a pas pleinement comptabilisés. Le SCFP m'indique qu'il renfloue progressivement cette dette, mais ne veut pas faire d'autres commentaires.

Je l'ai dit et je le répète : je crois que l'action syndicale est tout à fait légitime. Mais je crois aussi que les employés doivent être traités dans le respect des membres qui les paient (et, bien sûr, en tenant compte de leurs responsabilités et du marché).

Au fils des ans, j'ai dénoncé le même genre d'abus chez les médecins, les patrons d'entreprises en Bourse, les employés municipaux, les députés et bien d'autres. Le problème, avec les syndicats, c'est que leur noble mission empêche les membres et le public de jeter un oeil critique sur leurs finances. Pourtant, les Québécois versent 1 milliard de dollars de cotisations syndicales par année...

1. Il s'agit de la rémunération moyenne des syndiqués des organisations de 200 employés et plus, avantages sociaux compris (part du régime de retraite et des assurances payés par l'employeur), selon l'Institut de la statistique du Québec.

2. À la retraite, l'employé touchera des prestations qui représentent ses trois meilleures années de service. Le taux de rente est de 2 % multiplié par le nombre d'années de service.