Sur les 12 premiers pilotes du Championnat du monde de Formule 1, neuf vivent dans un paradis fiscal. Et en 2016, leurs salaires s'élèvent à 149 millions. Particulier, n'est-ce pas ?

Quand on parle du 1 %, des impôts et des inégalités, l'exemple des pilotes de F1 vient immédiatement à l'esprit. D'autant plus que contrairement à la plupart des riches ou des entreprises qui ont recours aux paradis fiscaux, les pilotes de F1 sont admirés, que dis-je, adulés.

Cela dit, le fait que ces coureurs automobiles ont leurs résidences dans un paradis fiscal ne signifie pas qu'ils ne paient pas d'impôt. En fouillant, j'ai appris que les pilotes doivent verser des impôts dans les pays d'accueil pour les jours de travail qu'ils y font, selon le taux d'imposition local. Un peu comme le fait Madonna quand elle donne une performance au Centre Bell.

L'information m'a été confirmée par l'Agence du revenu du Québec. « Un pilote automobile qui ne réside pas au Canada et qui est à l'emploi d'une écurie de Formule 1 doit payer un impôt sur son revenu gagné au Québec pour l'année », m'écrit l'Agence.

Au début des années 80, me raconte un fiscaliste, des inspecteurs de Revenu Canada se seraient même présentés dans les paddocks du Grand Prix de Montréal pour exiger leur dû, retardant la course de quelques heures...

Combien les pilotes paient-ils d'impôt ? C'est une autre question. La somme à payer dépend du nombre de jours annuels de travail qui est prévu à leur contrat en échange de leurs faramineux salaires. Nous n'avons pas accès à ces contrats, mais il est possible de faire une estimation.

Chaque année, les pilotes participent à 21 courses de F1 dans le monde et pour chaque course, ils font des performances durant trois jours, en incluant les essais. Selon mes recherches, les pilotes sont surtout payés pour ces performances, mais une partie de leur salaire pourrait être aussi versée pour leurs activités promotionnelles et leurs entraînements. Par exemple, à Montréal, le jeudi est consacré aux autographes et les trois autres jours, à des performances.

En faisant l'hypothèse que les pilotes ont 63 jours de performance par année et une centaine de jours d'entraînements et de promotion (qui seraient payés le tiers des jours de performance), on pourrait penser que leur passage à Montréal représente entre 3 et 4 % de leur salaire annuel.

En 2016, les 23 pilotes touchent globalement 233,5 millions en salaires, selon les données du magazine Business Book GP. La part touchée à Montréal représenterait donc environ 8 millions de dollars de salaires.

Puisque le taux maximum d'imposition est de 53 % au Québec, les pilotes paieraient environ 4,2 millions d'impôts ici, répartis à peu près également entre le gouvernement du Québec et le fédéral.

Bref, le gouvernement du Québec empocherait environ 2,1 millions, une somme qui n'a pas été incluse dans l'étude de retombées publiée cette semaine, m'a confirmé Tourisme Montréal. Évidemment, il s'agit d'une estimation. Selon les contrats, la somme touchée par Québec pourrait être différente, mais elle oscille fort probablement entre 1 et 3 millions.

En vertu des conventions fiscales entre le Canada et les grands pays, les résidants étrangers ont généralement droit à un crédit dans leur pays pour tenir compte des impôts payés à l'étranger. Il est donc possible, dans certains cas, que les coureurs se voient rembourser une partie des impôts payés ici.

En règle générale, toutefois, le crédit est limité au taux d'imposition du pays de résidence. Comme l'impôt est très faible en Suisse et à Monaco, où demeurent neuf des douze premiers pilotes, l'impôt remboursé est pratiquement inexistant dans leur cas.

En somme, les pilotes de F1 qui vivent dans des paradis fiscaux paient tout de même des impôts sur leurs revenus. « Le plus gros avantage de vivre à Monaco ou en Suisse, c'est que les pilotes limitent leurs impôts à payer sur leurs épargnes et leurs revenus de commandite », explique Christian Fanning, fiscaliste chez PWC.

À Monaco, par exemple, les particuliers n'ont aucun impôt à payer sur leur revenu ni sur leur gain en capital. En Suisse, l'impôt pour les résidants qui ne sont pas de nationalité suisse est négocié au cas par cas, selon le niveau de dépenses du contribuable visé.

Ainsi, un pilote expérimenté comme Jenson Button, qui vit à Monaco, tire de gros avantages du fait qu'il réside à Monaco. Le cumul de ses salaires s'élève à 188 millions US, au cinquième rang de l'histoire des pilotes. Le premier à ce chapitre est le résidant de la Suisse Michael Schumacher, à 385 millions. Jacques Villeneuve, résidant de la principauté d'Andorre, vient au septième rang, à 110 millions.

Cette démonstration vient relativiser l'étude de retombées économiques de cette semaine. À lui seul, le pilote au deuxième rang, Lewis Hamilton, touche un salaire équivalant à 46 millions de dollars canadiens, selon les données du Business Book GP 2016. C'est autant d'argent que toutes les retombées de l'activité économique de la F1 à Montréal, estimées à 42 millions.

J'espère qu'il ne conteste pas sa facture d'impôt...