Nos lois doivent protéger minimalement les locataires. Et en parallèle, elles doivent autoriser des systèmes révolutionnaires comme Airbnb. Toutefois, quand on jumelle les deux, force est de constater que les propriétaires sont le dindon de la farce du système kafkaïen de nos lois sur le logement.

Mardi, mon collègue Pierre-André Normandin faisait état d'une cause de la Régie du logement qui illustre les aberrations du système. La décision de la juge Anne Mailfait concerne le logement d'un immeuble du centre-ville sous-loué avec Airbnb.

La cause fait réfléchir dans le contexte de la multiplication des locataires qui sous-louent leur logement avec le réseau Airbnb. Par exemple, sur le Plateau Mont-Royal, Radio-Canada a récemment recensé plus de 2900 logements utilisés à cette fin.

Dans sa décision, essentiellement, la Régie refuse d'accorder au propriétaire le droit de résilier le bail du locataire, même si ce dernier n'en respecte pas les clauses et se sert de son logement - où il ne vit pas - comme une véritable auberge à touristes, grâce à Airbnb.

Non seulement son commerce brime les droits du propriétaire, mais en plus il dérange les locataires voisins, qui s'en plaignent. Bref, nos lois mécontentent tout le monde, sauf le locataire délinquant.

Pour comprendre l'incohérence, il faut savoir que la Régie du logement impose un formulaire de bail obligatoire pour les propriétaires et locataires qui entreprennent une relation. Et que ce bail contient une section B, entre autres, où il faut clairement cocher que « le logement sert à des fins résidentielles seulement ».

Si le propriétaire a coché oui et que le locataire a signé, on pourrait penser que le locataire ne peut transformer son logement en hôtel. Et, le cas échéant, il en subira les conséquences avec une résiliation automatique du bail, surtout si c'est à l'insu du propriétaire.

Or, la jurisprudence sur la sous-location n'est pas si claire, les conséquences ne sont pas aussi sévères, et les délais pour plaider cet aspect à la Régie sont très longs.

Pour contourner ces problèmes kafkaïens, le propriétaire de l'immeuble en cause a tenté de faire résilier le bail par deux moyens plus rapides. D'abord, il a exigé une hausse de loyer musclée (plus de 50 %, ou 1000 $), ce qu'un locataire ne peut pratiquement pas refuser pour un immeuble neuf (moins de 5 ans) lorsque précisé au bail. En cas de refus, il y a résiliation.

Ensuite, le proprio a réclamé la résiliation automatique du bail, étant donné que le locataire lui a répondu hors délai à cet avis de hausse et qu'il a omis de payer le montant demandé.

En prenant ces deux voies, il a obtenu une audience rapide devant la Régie pour faire résilier le bail, soit dans un délai d'un mois. Vite, il faut faire cesser les abus.

Or, la juge a rejeté les deux arguments, soutenant que la hausse musclée était abusive et que la réponse hors délai en découlait. Résultat : le locataire peut continuer à faire de juteux profits en relouant le logement sur Airbnb, même s'il contrevient à toutes les règles du bail.

Le propriétaire n'a donc d'autre choix que de déposer une nouvelle demande de résiliation, cette fois en invoquant que le logement a changé de destination, c'est-à-dire qu'il ne sert pas uniquement « à des fins résidentielles », tel que le précise la section B du bail.

Mais alors, il devra patienter entre... trois et six mois pour repasser devant la Régie. Et encore, il n'est pas clair qu'il obtiendra la fameuse résiliation demandée. Un casse-tête, que je vous disais.

En effet, un locataire a le droit de sous-louer son logement, à la condition d'obtenir le consentement du propriétaire au minimum 15 jours avant la sous-location. Entre autres, il doit donner au proprio les coordonnées du nouveau locataire. S'appelle-t-il Mom Boucher ?

Le hic, c'est que si le locataire ne remplit pas ces conditions, la loi ne prévoit pas nécessairement que le bail sera résilié. En effet, le proprio peut refuser la sous-location seulement s'il a un motif sérieux à faire valoir. Par exemple, s'il a reçu des menaces physiques des sous-locataires précédents. Ouf...

Dans le dossier qui nous occupe, la Régie pourrait finalement donner raison au proprio et juger que le logement sert à des fins commerciales (avec Airbnb) plutôt que résidentielles. Mais attention, selon une certaine jurisprudence, le locataire pourrait ne pas être expulsé s'il a momentanément cessé d'utiliser le réseau Airbnb dans les semaines précédant l'audience devant la Régie. Misère de misère.

Dans ce genre d'affaire, le locataire délinquant profite du régime de fixation des loyers du Québec pour accaparer la réelle valeur du logement en relouant plus cher. Le tout, au détriment du proprio qui prend tous les risques. Déplorable...