Leitao l'a annoncé, puis Couillard a reculé. Or, voilà qu'une hausse de la taxe de vente destinée à baisser l'impôt sur le revenu redevient d'actualité.

La semaine dernière, le Nouveau-Brunswick a annoncé des changements dans sa taxation qui ressemblent étrangement à la réforme Godbout pour le Québec. La province a haussé l'équivalent de sa TVQ de deux points de pourcentage, à 15 %, en plus d'abaisser significativement le taux marginal maximum d'impôt sur le revenu, pour le faire passer de 58,8 % à 53,3 %. Les deux taux sont à une poussière près des taux du Québec (14,98 % et 53,3 %.)

La décision du Nouveau-Brunswick a été motivée par le changement au fédéral, qui vient de hausser les impôts des riches pour réduire ceux de la classe moyenne. Ce changement risquait de pénaliser lourdement le Nouveau-Brunswick, dont le taux d'imposition provincial-fédéral maximum passait de 46,8 % en 2014 à 58,8 % en 2016.

Au Québec, le rapport Godbout propose de faire le ménage dans les exemptions fiscales, en plus de hausser la TVQ d'un point de pourcentage, entre autres. Au net, les recettes ainsi récupérées par cette partie de la réforme permettraient de réduire de 2,4 milliards l'impôt sur le revenu de la classe moyenne. La réforme incluait une compensation pour les plus pauvres touchés par la hausse de la TVQ.

L'ÉCART AVEC L'ONTARIO S'ACCROÎT

Les Québécois sont nettement plus imposés que les Ontariens. Si on appliquait la structure fiscale de l'Ontario au Québec, les Québécois paieraient 6,5 milliards de moins d'impôts sur le revenu, soit 25 % de moins. Et cette différence, énorme, est particulièrement marquée chez les contribuables qui gagnent entre 30 000 $ et 100 000 $.

Qui plus est, la réforme Trudeau accroît encore notre écart avec l'Ontario pour la classe moyenne. En effet, quand le fédéral baisse ses impôts de la classe moyenne, chaque dollar récupéré par les contribuables en Ontario se traduit plutôt par une récupération de seulement 83 cents au Québec, compte tenu de l'abattement fiscal.

Presque tous les économistes s'entendent : la taxe de vente est nettement plus efficace et moins nuisible pour l'économie qu'un impôt sur le revenu.

Le Nouveau-Brunswick et le Québec ne sont pas les seuls à avoir un taux de taxe de vente de 15 %. La Nouvelle-Écosse est aussi à 15 % depuis quelques années. Notre principal concurrent, l'Ontario, est à 13 %.

Un des obstacles à la réforme Godbout s'est estompé. En effet, la chute du dollar canadien a réduit considérablement l'attrait du commerce interfrontalier et du commerce électronique pour les consommateurs.

Par ailleurs, il n'est pas impossible que d'autres provinces suivent l'exemple du Nouveau-Brunswick en réduisant leur taux d'imposition maximum pour contrer la fuite de recettes que cause la hausse des impôts fédéraux sur les riches.

L'Ontario, faut-il le rappeler, a de gros problèmes budgétaires. Son déficit sera de 7,5 milliards cette année et il ne sera pas éliminé avant au moins deux ans. Les agences de notation font d'ailleurs pression sur cette province, dont la dette brute est passée de 30,1 % du PIB en 2009 à 46 % aujourd'hui. Ce bond de 16 points en Ontario se compare à une hausse de 5 points au Québec (de 50,1 % à 55,1 %).

S'il fallait que l'Ontario emboîte le pas au Nouveau-Brunswick, en haussant sa taxe de vente et en baissant ses impôts, l'implantation de la réforme Godbout au Québec deviendrait on ne peut plus propice.

DES VENTES AU DÉTAIL FRAGILES

En attendant, la faiblesse des ventes au détail au Québec et la pression des marchands sur le gouvernement dans les consultations prébudgétaires repoussent l'adoption de la réforme. Il reste que peu importe la période, une hausse de TVQ ne sera jamais bienvenue.

Pour ma part, je couperais la poire en deux. J'envisagerais une hausse de seulement un demi-point de la TVQ pour le 1er janvier 2017, dans un an. Ce scénario donnerait un répit aux ventes au détail et permettrait ensuite de récupérer environ 600 millions de dollars par année pour les baisses d'impôts de la classe moyenne. La baisse des impôts devrait précéder de trois à six mois la hausse de la TVQ, question de donner confiance aux contribuables.

Je jumellerais cette mesure avec l'abolition annoncée de la contribution santé d'ici 2020, une affaire de 750 millions de dollars par année à terme. En ajoutant d'autres éléments de la réforme Godbout, notamment un certain ménage des exemptions fiscales et la hausse des tarifs d'électricité pour les grosses maisons, il serait probablement possible de dégager 2 milliards de dollars par année pour baisser les impôts de la classe moyenne.

Ces impôts moindres corrigeraient en partie notre écart avec le reste du Canada et encourageraient les Québécois à travailler davantage.