Lundi dernier, une statistique est venue secouer nos vieux démons, encore une fois. Une statistique qui est choquante pour quiconque s'intéresse un tant soit peu au niveau de vie des Québécois.

Je parle du revenu personnel disponible, soit le revenu net qui reste dans nos poches après impôt pour nos fins personnelles. Les Québécois, misère de misère, sont maintenant les Canadiens dont le revenu personnel disponible est le plus bas parmi les 10 provinces et les trois territoires. Nous sommes derniers.

J'enrage chaque fois que ce chiffre est publié. Et je m'interroge, comme bien d'autres. Certes, les Québécois en conservent moins dans leurs poches, après la lourde facture d'impôts. En revanche, plusieurs services sont nettement moins coûteux qu'ailleurs, comme l'université, les garderies et tutti quanti. Cela dit, jusqu'à quel point ces avantages compensent-ils ?

Pour en avoir le coeur net, je me suis cassé la tête à estimer les avantages du modèle québécois. Mes estimations sont approximatives, mais elles donnent un aperçu de l'écart de niveau de vie réel des Québécois par rapport aux autres Canadiens.

D'abord, les chiffres bruts. Le revenu personnel disponible (RPD) de chacun des 8,2 millions de Québécois - bébés compris - s'élève à 26 046 $, selon l'Institut de la statistique du Québec (ISQ). Dans le reste du Canada, c'est 31 539 $, soit environ 5500 $ de plus.

Avec ce revenu moyen de 26 046$ par habitant, les Québécois doivent se procurer une brochette de biens et services. Le Québec est toutefois distinct à bien des égards, et la brochette de biens est souvent moins coûteuse.

Premier élément : le régime d'assurance médicaments public du Québec. Ailleurs, les Canadiens sans régime privé doivent payer la facture à même leur revenu disponible, alors qu'au Québec, ce n'est pas le cas, puisque la facture a été acquittée par les impôts. Au net, l'avantage que l'ensemble des Québécois en tirent sur les autres Canadiens, en moyenne, s'élève à environ 375 $ par habitant, ce qui explique 7 % de l'écart de 5500 $ de revenu disponible.

Vous me suivez?

Deuxième élément : le réseau de garderies à 7,30 $ (avant la hausse récente). Ailleurs au Canada, les frais sont pleinement déductibles d'impôts, mais le programme du Québec demeure plus avantageux. En 2014, ce programme pouvait représenter un avantage net d'environ 145 $ par habitant au Québec, une somme qui n'a pas à être puisée dans le revenu disponible moyen de 26 046 $, contrairement à ailleurs.

Troisième élément : les universités. Ailleurs au Canada, les droits de scolarité sont environ deux fois plus élevés, une facture qui doit être payée avec le revenu disponible.

Pour les Québécois, cette différence équivaut à un avantage de 115 $ par habitant, environ.

Vous me suivez toujours?

Quatrième élément : l'électricité. À partir des données d'Hydro-Québec et de Statistique Canada, on peut estimer que les Canadiens des autres provinces paient leur électricité environ 80 % plus cher. Sachant que la facture annuelle moyenne de chaque Québécois - bébés compris - s'élève à environ 400$, on peut estimer que notre avantage électrique net se chiffre à environ 320 $ par habitant. C'est l'équivalent de 6 % de l'écart de 5500 $ de revenu disponible avec ailleurs.

Cinquième élément : l'assurance automobile. Le régime particulier du Québec permet aux automobilistes de payer moins. L'avantage se chiffrerait à environ 265 $ par habitant. Enfin, les Québécois contribuent davantage à leur régime de retraite qu'ailleurs. Or, ces paiements par habitant plus élevés (540 $) ont déjà été soustraits pour obtenir le chiffre de 26 046 $ (1).

COÛT DE LA VIE PLUS BAS

En somme, ces éléments permettent aux Québécois « d'économiser » environ 1760 $ que les autres Canadiens doivent payer à même leur revenu disponible. Cet avantage équivaut à environ le tiers de l'écart de 5500 $ avec les autres Canadiens.

Encore une fois, il s'agit d'une approximation, mais tout de même, elle nous permet de constater que les avantages du Québec, sans être négligeables, ne comblent qu'une petite partie de notre écart de revenu avec les autres Canadiens.

D'autres éléments doivent être pris en compte, comme le coût de la vie, plus bas au Québec, surtout pour le logement. Deux méthodes nous permettent d'obtenir un écart de dépenses de logement d'environ 1200 $ à 1400 $ par habitant avec le reste du Canada.

Cela dit, il est difficile de savoir si l'on compare vraiment des logements de même qualité. De plus, les paiements de logement plus élevés ailleurs peuvent permettre d'accumuler un actif immobilier.

En incluant l'avantage du logement avec le reste, le revenu net qui reste dans les poches des Québécois demeure 2500$ de moins qu'ailleurs par habitant, ce qui demeure très important.

Enfin, précisons que la taxe de vente est plus élevée au Québec, de même que la taxe sur l'essence. Or, ces factures doivent être payées à même le revenu disponible.

CROISSANCE PLUS LENTE QUE LA MOYENNE CANADIENNE

Depuis 10 ans, le revenu personnel disponible a crû de 33 % au Québec, légèrement plus qu'en Ontario (31 %). Pendant ce temps, la croissance a été de 44 % en Colombie-Britannique et de 47 % au Nouveau-Brunswick, deux provinces qui n'ont pu compter sur le pétrole. La croissance canadienne moyenne est de 40 %.

Bref, tout pris en compte, le Québec n'est probablement plus dernier. Mais force est de constater que notre système économique nous laisse moins d'argent dans nos poches qu'ailleurs et que la croissance de ces revenus est généralement plus lente. Ces chiffres démontrent éloquemment pourquoi tant d'économistes sont préoccupés par la création de richesse au Québec.

(1) Il s'agit de l'écart net entre les paiements et les sommes reçues pour les régimes de retraite.