Le cadre financier du NPD est certes imparfait, mais il est crédible. Visiblement, le parti de gauche courtise le centre, dans son discours comme dans ses chiffres.

Essentiellement, le NPD s'approvisionnerait auprès de trois sources de revenus pour financer son ambitieux programme de dépenses. Ces trois sources lui procureraient 8,6 milliards de dollars la première année et jusqu'à 14 milliards la quatrième année, soit 85% des revenus du cadre financier.

La principale source est la hausse du taux d'imposition des grandes entreprises, qui passerait de 15 à 17%. Le NPD compte ainsi aller chercher 3,7 milliards, une cible de récupération jugée réaliste.

Certains estiment qu'une telle ponction rendrait les entreprises canadiennes moins concurrentielles, ralentirait leurs investissements et nuirait à la création d'emplois. En principe, l'assiette de l'impôt sur les bénéfices est effectivement sensible aux changements d'imposition. Pour rester concurrentielles, les entreprises pourraient faire écoper leurs employés ou déplacer leurs profits ailleurs, légitimement ou non.

Sauf que le parti de Thomas Mulcair s'assure de maintenir des niveaux d'imposition plus faibles que dans la moyenne du G7 (par 1,6 point de pourcentage) et plus faibles qu'aux États-Unis (par 11 points).

De plus, les bas taux d'imposition des entreprises ces dernières années ne semblent pas avoir fait augmenter les investissements autant qu'on aurait pu s'y attendre.

En 2012, l'ex-gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney exhortait les entreprises à cesser d'empiler leurs liquidités et à investir pour améliorer leur productivité. L'ex-ministre des Finances conservateur Jim Flaherty a tenu un discours semblable.

Or, les liquidités des entreprises canadiennes (en excluant les institutions financières) sont en croissance constante depuis 20 ans. Aujourd'hui, elles représentent 11,6% de leur actif total, contre 4,1% en 1995, selon les données de Statistique Canada. Plusieurs raisons pourraient expliquer ce phénomène, mais le sous-investissement est une des hypothèses évoquées.

Autre source de revenus du NPD: l'annulation du fractionnement du revenu des conservateurs, de même que l'abrogation de la hausse du plafond du CELI, que les conservateurs avaient fait passer de 5000$ à 10 000$. Ces deux mesures, qui coûtent 2,2 milliards, avaient été vivement critiquées par bien des économistes, car elles favorisent trop fortement certains contribuables mieux nantis.

Comme troisième source, le NPD s'en remet aux surplus budgétaires éventuels estimés par le dernier budget conservateur (2,7 milliards la première année jusqu'à 7,8 milliards la quatrième année).

À cet égard, le cadre financier du NPD est certainement trop optimiste, puisque l'économie croît moins rapidement que ne le prévoyait le budget, sans compter que le prix du pétrole est plus bas. De fait, le budget espérait une croissance de 1,6% du produit intérieur brut (PIB) réel en 2015, alors que les économistes planchent aujourd'hui sur une croissance de 1,1% en raison de la récession.

Le NPD se garde néanmoins une marge de manoeuvre. Chaque année, il budgète un surplus annuel variant entre 3,0 à 4,1 milliards pour parer aux imprévus.

C'est du côté des dépenses que le NPD ressemble le plus au parti de gauche de ses membres. Le parti propose une pluie de nouvelles dépenses, que ce soit pour les jeunes, les anciens combattants, les retraités moins nantis, les femmes violentées, les locataires, les réfugiés, etc. Les conservateurs ont coupé les vivres à Radio-Canada, le NPD propose d'en rétablir une partie. Même chose pour les fonds de travailleurs syndicaux, une clientèle chère au NPD.

Les trois pièces maîtresses concernent la création d'un système national de garderies à 15$ par jour, le programme d'infrastructures et la hausse des transferts en santé aux provinces. À elles trois, elles représentent près des trois quarts des nouvelles dépenses.

La première coûterait 2,5 milliards à la quatrième année, mais la facture annuelle devrait doubler au terme de l'implantation, après huit ans. Un gouvernement NPD financerait 60% du programme et exigerait que les provinces en financent 40%. Au Québec, ces fonds fédéraux deviendraient vraisemblablement disponibles à d'autres fins, puisque le gouvernement dépense déjà beaucoup pour son réseau.

Côté infrastructures, le NPD veut réserver des fonds additionnels pour le transport en commun et les infrastructures municipales, notamment. La nouvelle enveloppe annuelle s'élèverait à près de 2 milliards à la quatrième année.

Quant à la santé, le NPD veut ramener la croissance des transferts au même niveau qu'avant. Les conservateurs ont plafonné les transferts futurs en fonction de la croissance du PIB nominal, qu'on prévoit à 3,7%, tandis que le NPD planche sur une hausse annuelle de 6%. L'écart à combler équivaut à près de 1 milliard par année.

Le NPD demanderait toutefois aux provinces d'allouer les fonds supplémentaires aux soins aux aînés et à l'amélioration de l'accès aux médecins de famille, essentiellement.

Fait à noter, le cadre du NPD ne dit rien de sa mesure probablement la plus coûteuse, celle de ramener de 67 à 65 ans l'admissibilité à la pension de vieillesse. Il faut dire que l'impact est à plus long terme.

En 2012, les conservateurs estimaient que le redressement progressif à 67 ans de l'âge d'admissibilité entre 2023 et 2028 ferait économiser au gouvernement près de 11 milliards par année, à terme. Le changement frappe davantage les moins nantis.

Le NPD profite de l'assainissement des finances publiques des conservateurs pour proposer des mesures sociales coûteuses, tout en promettant des budgets sans déficit. Le plan est imparfait, mais il est crédible et, à moins de changements notables, il ne ferait pas sombrer le Canada dans une spirale de l'endettement.