Pas question de se réjouir du malheur d'autrui. Tout de même, la baisse de la cote de crédit de l'Ontario relativise la situation financière du Québec et nous met sur un pied d'égalité avec l'Ontario pour la première fois depuis des lustres.

Lundi, l'agence de notation Standard&Poor's (S&P) a abaissé d'un cran la cote de la dette à long terme de l'Ontario, la faisant passer de AA- à A+. Ce faisant, elle ramène la cote de crédit de l'Ontario au même niveau que celle du Québec, une première. Plus encore, il s'agit d'une deuxième décote pour l'Ontario depuis 2009, alors que le Québec conserve la même cote de A+ depuis 15 ans chez S&P.

L'agence avait mis l'Ontario en garde contre une décote il y a déjà trois ans. Son commentaire de lundi, dans lequel elle qualifie de «très faible» la performance budgétaire du gouvernement libéral de l'Ontario, est sans appel. «La décote reflète notre perception que l'Ontario est sous-performant et continuera de l'être du point de vue budgétaire et du fardeau de la dette par rapport à ses pairs canadiens et internationaux», écrit l'agence.

Les prêteurs, rappelons-le, s'en remettent aux évaluations des agences de notation comme S&P pour déterminer le degré de fiabilité des emprunteurs et, par conséquent, estimer le taux d'intérêt qu'elles doivent exiger d'eux. Avec son annonce de lundi, l'agence juge désormais que les prêteurs ne courent ni plus ni moins de risque à prêter à long terme au Québec qu'à l'Ontario, malgré la dette relativement plus élevée du Québec. Les taux d'intérêt des deux provinces pour emprunter devraient donc être similaires.

La nouvelle ne fait pas du Québec une province mieux perçue par l'agence de notation. Toutefois, elle nous permet de constater que les efforts budgétaires des dernières années au Québec n'ont pas été vains. Et qu'au rythme où vont les choses, il n'est pas impossible que notre cote surpasse celle de l'Ontario d'ici deux ans, ce qui nous permettrait d'alléger nos frais d'intérêt relatifs et de consacrer l'argent à d'autres fins.

Au cours de la dernière année, faut-il le dire, le déficit de l'Ontario a atteint la somme stratosphérique de 12,5 milliards de dollars, soit environ 1,7% du produit intérieur brut (PIB). Les libéraux de Kathleen Wynne promettent d'atteindre progressivement le déficit zéro dans seulement trois ans.

En prenant la même base de comparaison, le Québec a eu un déficit minuscule de 382 millions au cours de la dernière année, selon un rapport publié vendredi dernier. En ajoutant les versements au Fonds des générations, qui sert à réduire la dette, le déficit s'élève plutôt à 1,7 milliard (0,5% du PIB).

Ce Fonds des générations, justement, est l'un des éléments qui rassurent les agences de notation, bien que le Québec soit la province la plus endettée du Canada. La dette nette du Québec est de 190 milliards, soit 51% de son PIB. En comparaison, la dette nette ontarienne est de 284 milliards, soit environ 39% de son PIB.

Grâce aux versements, le Fonds des générations grossira significativement au cours des prochaines années, si l'on se fie au budget du gouvernement Couillard. Il passera progressivement de 6,9 milliards cette année à 20,1 milliards dans cinq ans, à moins que le gouvernement ne réduise ses versements à la demande des syndicats, question d'accommoder une partie de leurs exigences salariales.

Le Fonds n'est évidemment pas le seul élément que les agences de notation prennent en compte. En novembre 2013, le report de l'équilibre budgétaire par les péquistes a incité l'agence Fitch, concurrente à S&P, à accoler une perspective négative à sa cote du Québec, signe qu'elle pourrait «décoter» la province si tout ne rentre pas dans l'ordre.

Avec le changement de lundi à la cote de l'Ontario, l'agence S&P donne maintenant à cinq provinces la même cote de A+ pour la dette à long terme. Les trois autres provinces à avoir cette cote, en plus du Québec, sont Terre-Neuve-et-Labrador, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. L'Alberta, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan ont la meilleure cote possible (AAA).

Et la Grèce?

Pour ceux qui sont de nature inquiète, sachez que notre situation financière est sans commune mesure avec celle de la Grèce. La cote de crédit de la dette à long terme de la Grèce est de CCC-, soit le 16e des 18 niveaux de cote de S&P.

Le Québec et l'Ontario, avec A+, sont au 5e niveau. Autrement dit, l'agence juge que les deux provinces sont beaucoup beaucoup plus fiables que la Grèce, avec 11 rangs de plus. Dormez sur vos deux oreilles!