Sam Hamad jubile. Le ministre du Travail se réjouit des données fort encourageantes sur l'emploi publiées par Statistique Canada vendredi, qu'il attribue à l'effet libéral.

À n'en pas douter, les nouvelles sont bonnes, bien meilleures que ce que la plupart des économistes avaient prévu, et il faut s'en réjouir. Maintenant, l'embellie du marché de l'emploi durera-t-elle ? Et surtout, est-elle attribuable à l'effet libéral, comme se plaît à le dire Sam Hamad ?

Le Québec a créé des emplois pour le quatrième mois consécutif, selon Statistique Canada. En avril, il s'est ajouté 11 700 emplois par rapport au mois précédent. La création d'emplois s'élève même à près de 69 000 depuis un an, ce qui correspond à la moitié du total canadien.

Ce boom de l'emploi coïncide avec l'arrivée des libéraux au pouvoir, en avril 2014. Il est d'autant plus surprenant que, durant la même période, les libéraux ont aboli des postes dans la fonction publique et restreint les dépenses, ce qui aurait pu, au contraire, faire reculer la création nette d'emplois.

Alors, est-ce l'effet libéral ? « On ne peut rien conclure », dit Benoit Durocher, économiste principal au Mouvement Desjardins.

Les données de l'emploi sont très volatiles, rappelle l'économiste, et il n'est pas clair que la création d'emplois restera forte, d'autant moins que la croissance économique demeure modeste. Si les chiffres de 2015 sont beaux, c'est notamment parce qu'ils sont comparés à ceux de 2014, alors que le marché était à un creux. Il s'agit d'un rebond, en quelque sorte.

Les politiciens s'attribuent souvent le mérite de la création d'emplois alors que, dans les faits, ils n'y sont pas pour grand-chose, du moins à court terme.

La création d'emplois à court terme est bien davantage liée au contexte économique qu'à des décisions politiques. À moins de bouleversement politique majeur, évidemment, ce qui n'est pas le cas ici.

L'effet libéral pourrait se décliner de deux façons : l'impact possible de la présence libérale sur le climat d'affaires et les retombées du ménage des finances publiques sur l'économie.

Les gens d'affaires sont nombreux à le dire : un gouvernement qui est plus ouvert aux affaires inspire confiance, ce qui incite à investir. Le commun des mortels ne le réalise pas, mais il faut du cran pour débourser 1 million, 2 millions, 10 millions de dollars dans un projet. Un nouveau parti politique qui multiplierait les règlements et doperait les impôts serait de nature à freiner les investissements.

Vendredi, Sam Hamad attribuait justement la création d'emplois au climat de confiance qui s'est installé chez les entreprises depuis le départ des péquistes. Il oublie de dire que les décisions gouvernementales ont aussi soulevé bien du mécontentement et démotivé des milliers d'employés. Les manifestations améliorent-elles le climat d'affaires ?

La semaine dernière, lors d'un passage à New York, le ministre des Finances, Carlos Leitao, s'affairait justement à calmer les financiers américains et à les préparer à l'automne chaud en vue.

Le deuxième effet libéral possible est l'impact des réformes qu'entreprend le gouvernement dans le contexte du ménage des finances publiques, notamment.

Le Parti libéral veut atteindre le déficit zéro sans augmenter les impôts et la dette, essentiellement. Cet objectif passe par une compression des dépenses et donc par une volonté d'avoir un gouvernement moins présent dans l'économie.

Soyons réalistes, on est loin des politiques de Margaret Thatcher. Il reste qu'à terme, le gouvernement Couillard espère qu'une réduction des impôts et un État plus efficace donnent des fruits.

Il n'est pas impossible que cette recette produise des effets positifs, éventuellement. À tout événement, on ne peut prétendre que les effets d'un tel plan se font déjà sentir et stimule la création d'emplois. Au contraire, depuis un an, le plan libéral provoque plutôt des pertes d'emplois dans le secteur public québécois, qui compte tout de même pour 25 % de l'économie. De telles réformes se font sentir à long terme.

Il faudra donc attendre plusieurs mois avant de juger s'il y a ou non un effet libéral, voire plusieurs années. D'ici un an, par exemple, si le Québec a encore créé 70 000 emplois, soit quelque 140 000 en deux ans, alors il faudra penser à un effet libéral.

Malheureusement, un tel impact restera difficile à vérifier. En effet, la chute du pétrole, le recul du dollar qu'il provoque et la reprise américaine sont des éléments beaucoup plus déterminants dans la croissance et la création d'emplois qu'un effet libéral. En attendant, réjouissons-nous tout de même des nouveaux emplois créés.