Une image vaut mille mots, dit-on. Si l'expression est vraie, un des graphiques du ministère des Finances du Québec vaut probablement des milliards de dollars pour notre économie.

Je parle du graphique de la récente mise à jour de Carlos Leitao qui établit un lien frappant entre les investissements privés au Québec et la santé économique des États-Unis.

Les économistes du Ministère ont mis côte à côte la croissance du produit intérieur brut (PIB) américain et celle des investissements non résidentiels des entreprises au Québec. Or, les deux courbes suivent des chemins presque parallèles depuis 15 ans. Cette forte corrélation est de bon augure pour le Québec, puisque l'économie américaine connaît une expansion rapide actuellement.

Voyons voir l'historique. Entre 2000 et 2001, l'économie américaine connaissait un ralentissement important. Durant la même période, les investissements privés au Québec ont suivi un chemin semblable, passant d'une croissance de près de 9% à un recul d'environ 4%.

Entre 2001 et 2004, retour d'une croissance solide du PIB aux États-Unis (près de 4% en 2004); pendant ce temps, les entreprises du Québec ont repris leurs investissements (presque 9% de hausse en 2004).

Entre 2004 et 2009, l'économie américaine a progressivement ralenti et est même tombée en récession (- 3% en 2009 environ). Les investissements au Québec? Même tendance de recul (- 12% en 2009).

La bonne entente entre les deux courbes se poursuit après 2009, mais fait particulier, elles divergent à partir de 2012. De fait, alors que la croissance économique américaine vogue au-dessus de 2%, les investissements privés non résidentiels au Québec ont reculé de 6,3% en 2013 et baisseront encore de 2,0% en 2014.

Que se passe-t-il? Dans son récent point sur la situation économique et financière, le ministère des Finances estime qu'il y a un retard, mais qu'il finira par être comblé. Divers indicateurs penchent vers ce rebond, en plus de la corrélation historique entre les deux courbes.

D'abord, le dollar canadien a fortement baissé depuis trois ans, ce qui stimulera nos exportations vers l'Oncle Sam. À l'été 2011, le huard était pratiquement à parité avec le dollar américain. Or hier, il clôturait la journée à moins de 86 cents US, soit une baisse d'environ 14%.

Soudainement, les exportateurs du Québec deviennent plus concurrentiels grâce à cette baisse du dollar, ce qui stimulera leurs ventes et leur production. Évidemment, il faut tenir compte d'un certain délai avant le rebond, puisque de nombreuses entreprises ont recours à des instruments de couverture de change. Néanmoins, tout indique que les entreprises profiteront pleinement de la chute du huard en 2015.

Autre facteur: plusieurs usines produisent presque à plein rendement. Conséquemment, toute hausse additionnelle de la demande et des exportations pourrait les obliger à agrandir et à investir.

Ce phénomène est mesurable avec ce qu'on appelle le taux d'utilisation de la capacité du secteur manufacturier. Depuis la récession de 2009, ce taux est progressivement passé de 71,5% à 81,5% au Canada (le secteur manufacturier est principalement concentré au Québec et en Ontario).

Certaines entreprises roulent à pleins gaz, comme les transformateurs de bois et les fabricants de matériel de transport, dont les taux d'utilisation de la capacité atteignaient respectivement 93,9 et 95,6% au troisième trimestre de 2014.

En somme, la chute du huard, la capacité excédentaire restreinte des usines et l'accélération de l'économie américaine devraient finir par relancer l'investissement privé au Québec, qui est en décalage avec la tendance historique.

Ainsi, après deux baisses successives en 2013 et 2014, le ministère des Finances estime que les investissements non résidentiels des entreprises bondiront de 3,1% en 2015. On peut également être optimiste pour l'année suivante.

L'investissement est très important pour une économie. Au Québec, les investissements représentent 21,5% de notre PIB et la part du non-résidentiel des entreprises est d'environ 9,4% du PIB. En dollars, l'ensemble des investissements (incluant le public et la construction résidentielle) a totalisé 78 milliards l'an dernier au Québec. La portion non résidentielle des entreprises représente 44% de ce total (34 milliards).

Bien sûr, la consommation des ménages accapare une plus grande part du PIB, mais l'investissement privé donne un bien meilleur signal du dynamisme futur d'une économie.

En somme, si tout va bien, le graphique du Ministère est annonciateur de milliards de dollars en retombées économiques positives pour le Québec au cours des deux prochaines années. Alléluia!