Quand le patron des Actualités m'en a parlé, la semaine dernière, je me suis braqué. Quoi, les Québécois ont une piètre culture générale? Comment pouvez-vous tirer une telle conclusion? Qui vous dit que les Ontariens ou les Américains sont plus cultivés?

Ma vive réaction s'explique. Je suis allergique aux esprits condescendants qui diminuent les «petits Québécois». Je reçois encore trop de courriels de lecteurs qui rabaissent notre culture, nos réalisations. Être critique est une chose. Attribuer nos faiblesses à notre québécitude en est une autre.

Le patron dont je vous parle ne fait pas partie de cette catégorie, d'où ma surprise. Devant ma réaction, il m'a expliqué son jugement sévère, me disant que les Québécois obtiennent une note moyenne de 42% à des questions de connaissances générales pourtant très simples. Effectivement, a-t-il toutefois convenu, pas de comparaisons avec le reste du monde.

Or hier, justement, une étude de Statistique Canada comparait les niveaux de compétences en littératie et en numératie des Canadiens. L'étude porte en particulier sur les personnes âgées de 25 à 65 ans titulaires d'un diplôme universitaire. Les données proviennent du Programme pour l'évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA), une enquête menée en 2012 auprès de 20 pays par l'OCDE.

Les questions posées aux répondants comprenaient cinq niveaux de difficulté. Elles portaient sur leur capacité à comprendre des textes écrits, d'une part, et à apprécier des informations mathématiques courantes, d'autre part.

Les résultats sont fort intéressants... mais décevants. Premier constat: sur l'ensemble des répondants nés au Canada - diplômés universitaires ou non -, 56% ont réussi à dépasser le 2e de 5 niveaux de compréhension en littératie, en moyenne. Au Québec, cette proportion est moindre, à 48%. En numératie, 49% des répondants canadiens ont dépassé le 2e niveau, contre 44% des Québécois.

Les chercheurs ont choisi le 2e de 5 niveaux comme point de référence pour une raison bien simple. Les recherches constatent qu'il faut dépasser ce niveau pour occuper un emploi qui exige une formation universitaire. Le genre de question du niveau 2? L'aiguille de la jauge à essence de la voiture est aux trois quarts. Sachant que le réservoir peut contenir 48 litres, combien de litres reste-t-il dans le réservoir? Réponse: 36 litres. Vous pigez?

Les diplômés universitaires

Les diplômés universitaires réussissent mieux que la moyenne de la population, bien sûr, mais certains constats sont troublants. Globalement, 84% des diplômés universitaires nés au Canada ont été en mesure de répondre aux questions de littératie de niveau 3 à 5, contre 81% au Québec. En mathématiques, cette proportion de diplômés universitaires qui dépassent le 2e niveau atteint 77% au Canada et 75% au Québec.

En d'autres termes, un diplômé universitaire québécois sur cinq n'a pas les capacités minimales de littératie pour occuper une fonction de niveau universitaire. Cette proportion passe à un sur quatre en mathématiques. Parmi les provinces, les diplômés universitaires du Québec obtiennent le dernier rang en littératie et le 8e en numératie. Misère!

Les résultats de l'étude m'ont mis en rogne une bonne partie de la journée hier. En la lisant, je ne pouvais m'empêcher de laisser échapper des mots d'église...

L'étude tire d'autres conclusions notables: les diplômés universitaires en éducation et en sciences humaines sont nettement plus nombreux que les autres à être incapables de dépasser le 2e niveau. Par exemple, 22% des diplômés en sciences de l'éducation n'ont pu franchir le 2e niveau en littératie, soit davantage que la moyenne de 16% pour l'ensemble des diplômés universitaires canadiens. En numératie? 29%, contre une moyenne de 23%. L'étude ne ventile pas les résultats entre les provinces à ce chapitre.

Sébastien-Larochelle Côté, l'un des responsables de la publication de l'étude à Statistique Canada, avance une explication à l'incompétence relative d'une proportion importante des diplômés universitaires. «Certains métiers sont moins susceptibles d'utiliser des concepts avancés appris à l'université. Or, si vous ne les utilisez pas, vous en perdez la maîtrise. Par exemple, si vous n'exercez pas votre anglais, vous allez le perdre. C'est ce qui explique probablement que les résultats sont plus faibles pour les diplômés âgés», dit-il.

Et le Canada dans le monde? Malheureusement, pas très beau non plus. En décembre, l'étude de l'OCDE plaçait les diplômés universitaires du Canada au 15e rang sur 20 pays. Statistique Canada croit que la grande proportion de diplômés étrangers au Canada fait chuter la moyenne.

Oh, en terminant, je dois admettre humblement que je n'ai pas eu un résultat épatant au test de connaissance de La Presse, avec 27 bonnes réponses sur 33 (82%). J'ai notamment manqué le Picasso, Clara Hughes et La guerre des étoiles. Et je suis d'accord avec Yves Boisvert: savoir classer la Russie comme 2e exportateur mondial de pétrole était d'un niveau trop relevé.