Moi, prendre l'autobus ou me déplacer en petite voiture? Oubliez ça. J'ai travaillé fort toute ma vie, alors je mérite bien d'avoir un VUS, non? Mon véhicule utilitaire sport est confortable, sécuritaire et me permet de loger les sacs d'épicerie de Costco. Pour ce qui est de l'environnement, je préfère faire du recyclage.

De toute façon, ma conjointe a une Jetta très économe, qu'elle utilise pour aller reconduire notre fille chez ses amies, entre autres. Et mon fils, qui va avoir bientôt 18 ans, roule avec notre vieille Toyota.

Trois autos? Et alors? Il faut bien vivre. Que voulez-vous, nous habitons en banlieue, pas trop loin de l'autoroute, et l'autobus prend un temps fou.

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Ce n'est pas de moi que je parle. Je n'ai pas de VUS, je n'ai pas de Jetta et je n'ai pas de filles. Mais en lisant l'étude sur l'impact de notre surconsommation de pétrole, j'ai pensé à cet exemple plutôt typique. J'ai songé à la vaste majorité des familles, souvent bien intentionnées, à qui l'on demande de changer de comportement pour protéger l'environnement. Et je me suis demandé: peut-on se fier à leur bonne volonté pour changer les choses? Peut-on y parvenir sans une intervention musclée du gouvernement. La réponse est non.

Selon cette étude (1), le Québec importe davantage de produits de l'étranger qu'il en exporte, et le principal responsable est le pétrole. Ainsi, environ les trois quarts de notre déficit commercial international sont attribuables à l'importation de pétrole, soit une facture de 18 milliards de dollars en 2013. Et ce déficit s'accroît d'année en année. Dit autrement, le fruit de notre travail collectif sert, en grande partie, à enrichir les autres.

Il tombe donc sous le sens qu'une réduction de notre consommation d'essence et du nombre de voitures importées soulagerait notre économie. Ou du moins, qu'elle aiderait l'environnement sans nuire à l'économie.

L'étude estime qu'en réduisant notre consommation de pétrole, le gouvernement du Québec pourrait empocher 200 millions de plus par année à partir de 2020, même en tenant compte de la perte d'une partie de la taxe sur l'essence. L'impact n'est pas négligeable, et notre environnement s'en porterait mieux.

Le hic, c'est que pour y parvenir, il faut qu'en 2020, nous ayons réduit notre consommation annuelle d'essence de 12%, alors que cette consommation connaît une croissance constante depuis un demi-siècle (+19% depuis 10 ans). Le hic, c'est qu'il faut espérer que les gens misent sur des voitures moins énergivores, alors que le nombre de VUS a doublé depuis 20 ans. Le hic, c'est que la multiplication par 10 du nombre de voitures électriques d'ici six ans contribuerait à faire baisser de seulement 0,8% la consommation globale d'essence.

L'étude n'est pas mal faite. L'objectif proposé n'est pas utopique. Mais il faut se rendre à l'évidence: la seule volonté des consommateurs sera loin d'être suffisante pour soulager notre planète.

Pour changer des comportements profondément ancrés, l'histoire démontre que les mesures incitatives sont rarement très efficaces. Il faut malheureusement contraindre, imposer, être coercitif. Surtout lorsqu'une grande partie de la population doute des bienfaits des changements souhaités, en dépit des faits.

D'autres mesures coercitives ont déjà été imposées au Québec pour corriger des iniquités. Qu'on pense à l'adoption de la loi 101 pour protéger et promouvoir le français. À l'obligation du gouvernement de favoriser l'embauche des minorités visibles. Aux quotas imposés aux organismes publics pour la nomination de femmes à leur conseil d'administration.

Les auteurs de l'étude croient qu'un système de bonus malus, entre autres, réduirait la consommation de pétrole de 6,5 millions de barils en 2020 au Québec, soit les trois quarts de la cible recherchée de 8,5 millions de barils. Le bonus malus est une politique publique qui subventionne l'achat de voitures peu énergivores (bonus) tout en pénalisant l'achat de véhicules gourmands en essence (malus).

En France, cette mesure a eu un certain succès, mais a connu des effets pervers. Peut-être pourrait-elle être envisagée au Québec, quoique notre perception nord-américaine des tarifs et de la taxation diffère passablement de celle de la France. Chose certaine, pour réduire notre consommation d'essence au Québec, il faudra avoir un gouvernement fermement convaincu et ayant un réel courage politique. Où est-il?

Universités

Un mot sur les universités, question d'être bien clairs. Dans mes chroniques, j'ai contesté la vision alarmiste de certains sur le sous-financement. Tout de même, je tiens à dire que je ne crois pas que nos institutions nagent dans l'argent. Et concernant les professeurs, je pense qu'une majorité est à son affaire. Je continue cependant à m'interroger sur la productivité de certains profs et de certaines facultés. Surtout dans le contexte des lourdes compressions budgétaires, qui atteignent même les schizophrènes qui vivent de l'aide sociale.

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1- Les retombées économiques d'une réduction de la consommation de pétrole https://www.rncreq.org/