Coup sur coup, la Caisse de dépôt et placement a fait deux annonces significatives en fin de journée, hier. Entre 16h et 17h, on a appris que l'institution allongeait 700 millions de dollars pour financer 2 transactions importantes impliquant des sociétés du Québec.

Les deux transactions sont dans des secteurs très différents - la finance et le génie -, mais elles ont en commun d'être marquantes pour l'histoire économique du Québec. Paradoxalement, c'est la transaction qui implique le moins de fonds de la Caisse qui apparaît la plus porteuse, celle dans le secteur du génie.

Voyons voir. Dans le premier cas, la Caisse augmente de 500 millions sa participation au capital-actions de la Financière Manuvie, de Toronto, pour l'aider à se porter acquéreur de la portion canadienne de la firme écossaise Standard Life.

Les dirigeants de Standard Life en Écosse avaient clairement manifesté leur intention de se départir de leur division canadienne, il y a quelque temps. Cette division est installée à Montréal depuis 1833, avant même la formation du Canada moderne (1867). Elle a longtemps été dirigée par Claude Garcia.

Dans cette transaction, il n'est pas évident que Montréal sort gagnant. Les activités de Standard Life seront maintenant dirigées de Toronto, à quelque 500 km de distance, plutôt que de l'Écosse, qui est à 4800 km, de l'autre côté de l'océan Atlantique. Au revoir l'autonomie!

Bien sûr, Manuvie a tout intérêt à maintenir des employés-clés de Standard Life à Montréal. Après tout, elle achète une entreprise de services, dont la richesse se trouve dans ses ressources humaines. «L'actif prend l'ascenseur tous les matins», comme le veut le dicton.

Bien sûr, les dirigeants de Manuvie, le PDG Donald Guloien en tête, se veulent rassurants, disant être engagés dans le développement de Montréal comme centre financier international. «Une des principales raisons de notre intérêt dans cette entreprise est la présence de ses employés [people] au Québec. Nous voulons accroître notre présence dans la province et avoir recours au groupe d'employés très talentueux pour étendre nos affaires au Québec, partout au Canada et dans le monde», a déclaré M. Guloien.

Bien sûr, la présence de la Caisse peut sembler apaisante et ses dirigeants ont sûrement passé le message pro-Québec à Manuvie.

Malgré ces signes positifs, il ne faut pas se leurrer: l'organisation sera dirigée de Toronto et ce ne sont pas les 500 millions de dollars de la Caisse qui y changeront quelque chose, puisque sa participation dans Manuvie passe de 0,8% à un peu plus de 2%. Rien qui puisse lui donner un réel pouvoir.

«Ça fait un pincement au coeur, nous dit Claude Garcia. Au moins, ça reste au Canada.»

Cela dit, fallait-il pour autant orchestrer le rachat de la Standard Life par une société d'ici? Rien n'est moins sûr. Après tout, le prix payé apparaît élevé, à 4 milliards comptant. Et à l'ère de la mondialisation, il faut accepter de voir certaines de nos entreprises vendues, pourvu qu'on puisse faire le même coup à l'étranger.

WSP, une bonne nouvelle

L'autre transaction, justement, celle de la firme de génie-conseil québécoise WSP Global, est la nouvelle réjouissante de la journée. L'ancienne société Génivar double sa taille en acquérant la firme américaine Parsons Brinckerhoff pour 1,2 milliard US. WSP verra ainsi son chiffre d'affaires gonfler à 3,8 milliards et son effectif passer de 17 500 à 31 000. Toute une bouchée!

Pour l'aider dans cette transaction, la Caisse allonge 200 millions et fait passer sa participation dans WSP de 15,8% à 17,6%. Nul doute que le pari est risqué pour la Caisse et les patrons de WSP, mais ainsi vont les affaires, n'est-ce pas?

Pour le Québec, la nouvelle est d'autant plus intéressante que le secteur du génie et de la construction sort d'une période tumultueuse, en cette fin de commission Charbonneau. SNC-Lavalin s'en remet tranquillement, tandis que l'avenir de la firme Dessau n'est pas encore clairement tracé.