Bombardier a reçu un appui de taille, hier. L'entreprise a obtenu la bénédiction du PDG de la Caisse de dépôt et placement, Michael Sabia. Doit-on craindre que cet appui coûte une beurrée aux déposants et affecte les prestations de retraite des Québécois?

Bombardier connaît des difficultés avec le développement de son modèle d'avions CSeries. Ses premiers avions sont cloués au sol depuis qu'un moteur a pris feu, le 29 mai dernier. La direction, qui cherche ardemment des liquidités pour soutenir les coûts croissants de la CSeries, vient de supprimer 2800 emplois, dont 1800 dans le secteur aéronautique.

«Nous suivons de près la situation, a dit Michael Sabia, au cours d'une téléconférence sur les résultats semestriels. Cela dit, notre niveau de confiance est très élevé, notamment envers la haute direction. Et la société n'est pas dans une situation urgente ou extrêmement difficile.»

Connaissant le souci de la Caisse pour les entreprises du Québec, doit-on comprendre que l'appui du PDG se fera aux dépens du rendement des déposants? Au 31 décembre 2013, la Caisse détenait 40,7 millions d'actions ordinaires de Bombardier, dont la valeur était alors de quelque 188 millions. En comptant le reste de ses engagements, la Caisse avait placé au total 271 millions dans le fabricant de matériel de transport.

C'est beaucoup d'argent, et il n'est pas dit que l'organisation, qui est «à l'écoute», ne sera pas portée à en rajouter, advenant une détérioration de la situation. D'autant plus que la Caisse vient d'embaucher comme premier vice-président Québec l'ex-caquiste Christian Dubé, dont le parti ne cachait pas son penchant pour une Caisse interventionniste.

Pour apprécier la situation, revoyons la réaction de la Caisse ces dernières années auprès des entreprises en crise et les résultats obtenus.

Le 28 février 2012, coup de théâtre: le conseil d'administration de SNC-Lavalin annonce une enquête sur de mystérieux paiements. Le titre de la firme montréalaise plonge de plus de 20%, à 37,40$, loin de son sommet récent de 55,50$. Au cours des mois qui suivent, les mauvaises nouvelles affluent. Entre autres, le PDG Pierre Duhaime est arrêté et accusé d'avoir participé au versement d'un pot-de-vin de 22,5 millions pour l'obtention du chantier du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

Que fait la Caisse? Quitte-t-elle le navire qui prend l'eau, question de protéger son rendement? En janvier 2013, Michael Sabia déclare plutôt que la Caisse appuie fermement l'entreprise, dont le «potentiel est énorme». En octobre 2013, elle rachète même 445 000 actions et elle est aujourd'hui le premier actionnaire de la firme, avec 10,2% des actions.

Dans une perspective de long terme, son appui aura-t-il nui au rendement des déposants? Illustre-t-il le penchant de la Caisse pour le premier volet de sa mission, soit «le développement économique du Québec», au détriment du deuxième volet, soit «de faire fructifier les fonds de ses déposants» ?

Rien n'est moins sûr. Depuis la tempête, la direction de SNC-Lavalin a fait le ménage et son titre boursier s'est remis à monter. Hier, il terminait la journée à 55,73$, soit près de 50% de plus que son niveau de mars 2012. Et la compagnie est sur une lancée.

Autre exemple: Rona. En juillet 2012, le détaillant québécois de matériaux de construction est sur le point d'être acheté par la chaîne américaine Lowe's Companies, principal concurrent de Home Depot aux États-Unis.

Pour bloquer la transaction, la Caisse acquiert 2,4 millions d'actions, faisant passer sa participation dans l'entreprise de 14,2% à plus de 16%. Elle participe même au chambardement du conseil d'administration et de la haute direction du détaillant. Au cours des mois qui suivent, Rona enchaîne les mauvais résultats, mais la Caisse continue de l'appuyer.

Deux ans plus tard, qu'en est-il? Cette semaine, le quincailler a annoncé qu'il est enfin parvenu à retrouver la rentabilité, après d'intenses efforts de redressement. Au cours de son deuxième trimestre, il a engrangé un bénéfice net de 42 millions, contre une perte de 38,7 millions au cours du trimestre correspondant de 2013.

Qu'a fait le titre boursier? Au moment de l'intervention de la Caisse, en juillet 2012, il avoisinait les 11,80$ et atteignait un creux de 9,35$ en novembre 2012. Or, hier, l'action a terminé la journée à 12,97$, soit 39% de plus que son creux. Le titre se négocie même 10% au-dessus de son niveau de juillet 2012.

En somme, les faits tendent à démontrer que les principales interventions de la Caisse ne contredisent aucune de ses deux missions. Et que son appui à Bombardier est de bon augure.