Les groupes de gauche devraient être contents. Pour atteindre le déficit zéro, le budget libéral frappe durement les avantages accordés aux entreprises, dont certaines sont des multinationales.

Les compressions atteindront près de 500 millions de dollars par année lorsqu'elles seront pleinement en vigueur, en 2016. CGI, IBM, Ubisoft, le Fonds de solidarité FTQ, Capital régional et coopératif Desjardins: les blessés sont nombreux. Certains perdent 20% de leurs avantages.

Le ministre des Finances, Carlos Leitao, se rend ainsi aux arguments de la plupart des économistes, selon lesquels les avantages aux entreprises sont souvent inefficaces ou entraînent des distorsions. En effet, en aidant l'entreprise ABC, le gouvernement nuit à son concurrent DEF. Et si ABC ne peut survivre sans aide, pourquoi contraindre les contribuables à payer?

L'aide est parfois justifiée pour appuyer les industries en région ou concurrencer les bonbons fiscaux de pays concurrents dans nos secteurs stratégiques. Mais il faut que ce soit l'exception, et non la règle.

Coupe significative, donc, dans l'aide aux entreprises. Mais attendez, aussi sérieuse que soit cette réduction, elle n'est qu'une très petite partie des compressions à faire pour atteindre l'équilibre budgétaire.

Cette année, le gouvernement doit effectivement freiner les dépenses des ministères et organismes de 2,7 milliards! Et ces économies s'ajoutent à celles obtenues grâce au gel total des effectifs gouvernementaux (100 millions cette année et 500 millions l'an prochain) et aux contributions des sociétés d'État et des organismes non subventionnés (438 millions cette année).

Y a-t-il encore quelqu'un dans la salle qui juge que notre situation n'est pas sérieuse? Si rien n'est fait, a confirmé le vérificateur général, le gouvernement du Québec se dirige vers un déficit de près de 6,0 milliards. Le Conseil du trésor doit donc forcer les ministères et organismes à augmenter leurs dépenses de seulement 1,8% cette année, plutôt que les 6,1% qui sont dans leurs cartons.

D'où viendront les 2,7 milliards que cherche le gouvernement? Éliminera-t-il 42 000 fonctionnaires, infirmières et professeurs que représente cette somme? Pas selon ce qui est indiqué dans le budget des dépenses.

Le Conseil du trésor dresse une liste assez détaillée des programmes qui passeront dans le tordeur. Les mesures ne sont pas chiffrées, mais voici ce que nous avons pu apprendre.

D'abord, le gouvernement compte récupérer quelque 110 millions dans le régime public d'assurance médicaments, notamment en obtenant des baisses de prix de médicaments auprès des fabricants.

Du côté des médecins, le gouvernement prévoit consacrer environ 285 millions à leurs augmentations cette année, au lieu des 550-600 millions prévus, soit une économie de quelque 300 millions.

De plus, le programme d'assurance autonomie lancé par Pauline Marois sera reporté indéfiniment. Ce report permettra au gouvernement de ne pas dépenser 110 millions cette année et 500 millions lorsque la mesure aurait été pleinement en vigueur, dans cinq ans. Ce programme du PQ visait à soutenir les soins à domicile des personnes âgées et ainsi réduire la pression sur le réseau.

... et les écoles privées sont touchées

Autre économie: les 5000 organismes communautaires devaient recevoir 54 millions de plus cette année, ce qui s'ajoutait aux 900 millions qu'ils obtiennent déjà. Ces 54 millions ne leur seront pas versés.

Les écoles privées sont également frappées. D'ici l'exercice 2015-2016, le gouvernement réduira de 20 millions la subvention qu'il accorde aux établissements pour le transport scolaire.

Des dizaines d'autres mesures sont au menu. Elles seront annoncées par les ministres au cours des prochains jours.

Et après cette hécatombe de 2,7 milliards, après avoir retiré des avantages aux entreprises, après le gel de l'embauche et les autres mesures, pourra-t-on mieux respirer?

Malheureusement, non. Selon les prévisions, nous aurons alors réduit le déficit à 2,35 milliards. Or, pour arriver à zéro, il faudra faire des compressions non pas de 2,35 milliards au prochain budget, mais de quelque 4,0 milliards, puisque certaines dépenses avaient été «pelletées par en avant» ces dernières années, entre autres.

Malgré cette tempête, les dépenses de programmes devraient alors augmenter de 0,7% pour l'exercice 2015-2016, question d'éponger en partie les coûts du système (hausse de salaires, inflation sur les achats, etc.). Cette faible hausse de 0,7% serait inédite dans l'histoire moderne du Québec.

Certains jugent le plan libéral irréaliste. D'autres l'estiment trop brutal et non rempli d'«esperença», pour paraphraser Carlos Leitao. Mais y a-t-il encore quelqu'un dans la salle qui ne juge pas notre situation sérieuse?