J'entends déjà les manifestants: c'est la faute aux riches, aux paradis fiscaux, à la corruption, aux entreprises, aux fonctionnaires surpayés, aux libéraux...

Une énième étude fait pourtant le même constat: le Québec vit au-dessus de ses moyens. Selon l'étude Godbout-Montmarquette, tout indique que le Québec ratera, encore cette année, sa cible de déficit.

Les péquistes avaient prévu un déficit de 1,75 milliard en 2014-2015, ce qui incluait déjà des coupes importantes mais non encore annoncées. Si rien n'est fait, ce déficit sera plutôt de 3,7 milliards, même en conservant les compressions du PQ, soit un écart de 2 milliards. Cette différence de 2 milliards équivaut à 45 000 emplois.

Il s'agira d'un sixième déficit d'affilée. Le PQ n'a pas menti, dit l'étude. Seulement, depuis le budget, des chiffres plus récents permettent de constater que la situation est pire que prévu. Moins de revenus, plus de dépenses. Et avec le vieillissement de la population, l'avenir ne ressemblera pas à un boom économique.

Les péquistes avaient déjà dans leurs cartons un plan de compressions de 1,8 milliard, mais ils se sont bien gardés d'en parler avant les élections. Selon mon collègue Denis Lessard, le PQ social-démocrate envisageait de couper dans l'assurance médicaments, les soins dentaires aux enfants et le programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels, entre autres. On comprend mieux pourquoi le PQ s'est empressé de déclencher les élections avant de sortir le douloureux couperet.

Oui, mais les riches? Parlons-en des riches, ceux qui gagnent 100 000 $ et plus, ça vous va? Pas très riches, mais bon... Supposons que le Québec, déjà au sommet nord-américain, augmente encore leurs impôts, cette fois d'un solide 10 %, les coffres n'engrangeraient guère plus de 700 millions environ, soit un cinquième du déficit prévu. Évidemment, il faut faire l'hypothèse que ces riches, comme le défenseur du Canadien P.K. Subban, ne choisiraient pas d'aller compter des buts ailleurs...

Oui, mais l'évasion fiscale? Parlons-en de l'évasion fiscale. Jamais Revenu Québec n'a-t-il été aussi alerte. Cette année, l'organisme prévoit récolter des sommes records, à tel point qu'il met en péril des entreprises qui agissent de bonne foi. Difficile d'en demander plus. Quant aux paradis fiscaux, le Secrétariat intersyndical des services publics (SISP) estime que le Québec peut y récupérer 300 millions par année, somme toute assez peu. Et cette source, syndicale, ne détaille pas son estimation.

Oui, mais la corruption? Le ministère des Transports du Québec soutient avoir économisé environ 240 millions en 2013, ce qui est fort intéressant. Mais je vous répète, on a besoin de 3,7 milliards.

Oui, mais les entreprises? En supposant qu'on augmente leurs impôts d'un gros 10 %, on obtient environ 400 millions. Encore une fois, il faut présumer que ces impôts plus élevés ne nuiraient pas aux entreprises du Québec. Or, quand on taxe davantage une entreprise comme le Mouvement Desjardins, par exemple, cette entreprise a moins d'argent pour acheter des concurrents ailleurs au Canada et au bout du compte, c'est l'économie du Québec qui en souffre.

Oui, mais coupons les salaires des fonctionnaires? Depuis 10 ans, les fonctionnaires du Québec ont obtenu des hausses salariales moindres que l'inflation. Si bien qu'aujourd'hui, leur rémunération globale est de 10 à 20 % moindre qu'au privé, ce qui fait craindre une pénurie dans certaines professions névralgiques (ingénieurs, comptables, etc.). D'accord, il faut alléger les structures administratives, la bureaucratie, mais il n'y a pas de remède miracle.

Oui, mais endettons-nous? L'an dernier, le gouvernement a payé 10,2 milliards pour rembourser les intérêts sur sa dette et la facture grimpe d'année en année. Ce service de la dette dépasse le total des budgets de 14 des 19 ministères, selon l'étude.

En somme, il faut malheureusement se rendre à l'évidence: il faut dire adieu à certains services et renoncer aux bas tarifs des garderies, des universités, des routes, des ponts, de l'électricité, des médicaments, des services de santé. Et trouver des solutions pour rendre notre système public et notre économie plus efficaces et plus productifs. Tous devront participer à l'effort et mettre à profit leurs talents. Il n'y a pas de solution magique.